Ce 31 mars, c'est la Journée internationale de lutte pour la visibilité et l'inclusion des personnes transgenres. Anna et Lulu, deux Niçoises transgenres au parcours de vie différent, nous livrent leurs ressentis et leurs combats.
"Je me demandais si je n'étais pas dingue. Je me pensais vraiment seule dans cette détresse", c'était il y a 35 ans. Lulu, transgenre, pousse la porte d'une sexologue trouvée par hasard dans l'annuaire. Deux heures de consultation et d'écoute, lui permettent enfin de mettre des mots sur sa dysphorie de genre.
Alors mariée, mère de deux enfants, et avec un emploi stable, ce rendez-vous fait l'effet d'une bombe dans "la vie plutôt rangée" de Lulu. Pourtant, au fond d'elle, elle l'avait toujours su. Comme une ébullition, un mal-être, qui la rongeait de depuis l'enfance.
Assignée femme à la naissance, elle ne s'est jamais vraiment reconnue dans cette identité attribuée par la société. Lulu s'est toujours sentie un peu différente.
Mes parents eux me pensaient juste garçon manqué, alors que c'était plus profond que ça,
précise la Niçoise.
Néanmoins, la sexagénaire n'a jamais fait le choix de transitionner, d'être reconnue officiellement comme un "garçon". Une décision prise à contre cœur, car c'était pour elle un véritable souhait.
Mais la peur, et la crainte de bouleverser l'équilibre qu'elle s'était construit l'en a empêché.
Aujourd'hui, ses proches, et la société, continuent de l'appeler "elle" et de la désigner par le "féminin." Un choix assumé, car Lulu admet : "pour moi ce n'est plus une question de pronom, j'ai réussi enfin à trouver un équilibre personnel !"
Une vie de combat
Vivre ses rêves par procuration. C'est en rejoignant les milieux associatifs dédiés à cette même cause que Lulu a réussi à trouver son équilibre. Depuis une vingtaine d'années, elle milite et se mobilise auprès d'associations LGBT+ azuréennes.
Aiguiller et répondre aux jeunes, qui s'interrogent comme elle il y a 30 ans, c'est le cap que la militante s'est fixé !
Il ne faut pas oublier qu'avant 2016, les personnes transgenre ne pouvaient changer de statut légal qu'à condition de subir une stérilisation
Lulu.
Après 2016, les lois promulguées en faveur des personnes transgenres ont facilité les demandes de transition en France. Mais, le combat pour faire reconnaitre leurs droits reste encore long.
On dénombrerait 15 000 personnes transgenres dans l'Hexagone, selon une étude 85% d'entre elles seraient victimes d'agression au cours de leur vie.
La transphobie est encore très présente, comme en témoigne cette violente agression au couteau survenue dans la nuit, le 16 mars 2022, à Nice.
"La première étape dans ce combat c'est d'être reconnu, d'être visible !", s'exclame Lulu qui se réjouit de l'apparition de séries télévisées avec des personnes LGBT+ , comme Sex Education ou Euphoria.
"Je pense que les choses vont bouger, avancer. Malheureusement parfois, c'est un pas en avant, deux pas en arrière", ajoute la sexagénaire. Elle reconnaît être très attentive aux propositions des candidats pour l'élection présidentielle. Elle précise : "En une loi tout peut basculer ! Certains candidats d'extrême droite, nous pointent du doigt comme si on était des dégénérés."
40 ans d'écart, mais une même souffrance
Des cheveux roses et longs, des bijoux autour du cou et du maquillage sur les yeux. À 21 ans, Anna se sent femme accomplie, se sent enfin elle-même. Une situation qui n'a pas toujours été le cas.
Née dans un corps aux caractéristiques physiques masculines, Anna a rejeté cette identité à partir de sa puberté.
Je ne supportais pas mon corps devenir un homme ! C'était une souffrance énorme.
Anna
Ado introvertie, au physique androgyne, elle se renferme sur elle même. A 17 ans, c'est le drame, la souffrance est tellement profonde qu'elle fait une tentative de suicide, "je me suis relevée difficilement, mais avec une envie de vivre cette fois ci comme je le voulais" se souvient-elle.
Alors pour honorer cette promesse, Anna commence à expérimenter des "trucs", comme elle les appelle, du maquillage en passant au changement de son prénom, elle se transforme progressivement jusqu'à pousser la porte de l'association de Lulu.
Quand Anna rencontre Lulu
"J'étais très inconfortable, c'était encore difficile de m'assumer pleinement, j'ai regardé si il y avait de la lumière, en faisant plusieurs allers-retours devant", explique Anna en souriant. C'est à ce moment-là, que "je lui ai dit Rentre !", s'amuse à son tour Lulu. Une rencontre qui a permis à Anna d'avoir le courage de changer d'état-civil.
Sa mère a été surprise, mais aujourd'hui, elle l'accepte. "Cette transition était vitale pour moi", appuie Anna, "pas un caprice comme ma mère le pensait au début."
Le changement de genre à l'état-civil est une étape très importante pour les personnes qui ne s'identifient pas à leur genre de naissance. Cela permet d'officialiser une transition vers leur nouvelle vie.
Aujourd'hui, en France, il n'existe pas de genre neutre, contrairement à d'autres pays comme le Danemark.
Pour changer son genre inscrit sur ses actes d'état-civil, il n'est pas nécessaire d'avoir suivi un traitement médical ou d'avoir eu recours à une opération. Il faut démontrer que le genre de naissance ne correspond pas à celui de la vie sociale.
"On vit, on respire, on a le droit d'exister sans être niées", concluent Anna et Lulu.
Ce jeudi 31 mars, dans le cadre de la Journée internationale de lutte pour la visibilité et l'inclusion des personnes transgenres, plusieurs actions de sensibilisation ont été menées par les associations.