Pour l'année anniversaire de son inauguration, le musée Chagall à Nice inaugure une série d'événements sur le thème "Chagall et moi". Trois expositions se succèderont, la première donne carte blanche à trois artistes contemporains qui expriment ce que l'œuvre de Chagall révèle en eux.
VOIR L'EMISSION POINTCULT' :
Sur les collines de Nice, ce 7 juillet 1973, c'est l'événement. Les officiels locaux et le gratin du monde culturel français sont réunis pour l'inauguration d'un bâtiment blanc, flambant neuf, baptisé Musée du Message Biblique.
Le ministre de la Culture André Malraux a comme à son habitude le sens de la formule :
Pour la première fois depuis le Palais des Doges, il y a dans cet édifice un ensemble pictural qui peut rivaliser avec les plus grands du monde et qui n'existait pas depuis 300 ans.
André Malraux, ministre de la Culture
Ce n'est pas donné à tout-le-monde d'assister de son vivant à la création d'un musée national dédié à son œuvre. C'est le cas de Marc Chagall. L'édifice a été conçu pour abriter son "Message Biblique", un ensemble de 17 tableaux dédiés à la Genèse, l'Exode et le Cantique des Cantiques, enrichi de sculptures, d'une mosaïque et de vitraux signés Chagall.
À 80 ans, l'artiste est présent lors de l'inauguration. C'est l'occasion pour lui d'exprimer sa conception de l'endroit :
La maison Chagall, c'est votre maison aussi. Je pense que vous, les autres, les jeunes viendront ici chercher et exprimer leur idéal.
Marc Chagall, 7 juillet 1973
Une maison ouverte à tous les artistes
50 ans plus tard, c'est plus que jamais dans cet héritage que sera célébré cet anniversaire, tout au long de l'année 2023.
Nous ferons trois expositions successives pour permettre à des personnalités différentes de venir exprimer ce qu'elles ont tiré de leur relation avec Chagall.
Anne Dopffer, directrice des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes
La première de ces expositions, à voir jusqu'au 30 avril, donne carte blanche à trois artistes au mode d'expression très différent. Aucun d'entre eux n'était né au moment de l'inauguration du musée, mais tous ont noué un lien très fort avec l'œuvre de l'artiste.
- Stéphane Lambert, l'écrivain.
Passionné par les grands peintres, le Bruxellois Stéphane Lambert leur a consacré nombre de ses livres. À 48 ans, il le dit, sa découverte du musée Chagall lors d'un projet d'émission de radio a été "un cap important" dans sa vie. "Moi qui étais davantage intéressé par les peintres doloristes, dont certains d'ailleurs se sont suicidés, j'ai découvert en Chagall un vitaliste".
Chagall, c'est celui qui dit "on a toujours raison de rester en vie". Son Message Biblique est assez édifiant puisqu'il avait plus de 70 ans quand il l'a réalisé. Il montre que la vieille est loin d'être un naufrage. Ce peut être une maturité, et une manière de s'élever encore davantage dans son œuvre et dans sa vie.
Stéphane Lambert, écrivain
Pour cette exposition, Stéphane Lambert a pu puiser dans les collections du musée. Y faire ses propres choix, pour un accrochage subjectif, présenté en prélude à la salle du Message Biblique.
Il s'est intéressé à ce Marc Chagall qui se peint lui-même dans ses tableaux. Ici, un autoportrait en train de réaliser le Cantique des Cantiques. Là, en "ange-peintre" se faufilant entre les battants de la porte d'une chapelle. Stéphane Lambert adjoint à ces toiles les textes qu'elles lui ont inspirés : "Le peintre orchestre l'histoire de Dieu se séparant des hommes, les laissant seuls responsables de leur destinée" peut-on ainsi lire.
- Makiko Furuichi, l'artiste plasticienne
Si elle vit aujourd'hui à Nice, Makiko Furuichi a découvert l'œuvre de Chagall lorsqu'elle vivait encore au Japon, dans un temple monastique. "Je me suis toujours sentie protégée. La vie communautaire m'a donné beaucoup de force et de confiance, c'est peut-être aussi ce qui a marqué la vie de Chagall".
C'est donc en quelque sorte la force de leurs croyances respectives qui a dicté à la jeune artiste une fresque qu'elle a peinte directement sur les murs du musée, en réponse à la mosaïque de Chagall intitulée Le Prophète Elie. On y retrouve Elie, à différentes étapes de sa vie, entouré d'animaux et de créatures fantastiques d'inspiration asiatique.
Le soir, il y a un reflet de la mosaïque de Chagall dans ce que j'ai fait, une collaboration incroyable entre les deux... ça m'a vraiment donné envie de pleurer !
Makiko Furuichi, artiste plasticienne
- Mimoza Koike, la danseuse
Originaire, elle aussi, du Japon, Mimoza Koike est une des danseuses incontournables des Ballets de Monte-Carlo. Depuis dix ans, elle participe aux performances dansées données régulièrement par les Ballets sur la scène de l'auditorium construit dans le musée conformément au désir de Marc Chagall. La lumière des vitraux dessinés par le maître est pour elle une constante source d'inspiration.
"Parfois je danse avec les personnages des vitraux. D'autres fois, j'essaie d'être la couleur... ce bleu qui peut être celui des profondeurs de la mer ou du ciel."
Avec son partenaire Asier Adeso, elle a mis au point une chorégraphie spécifique pour célébrer les 50 ans du musée. "Hors-champ" déborde d'une joie colorée :
Je pense que la nuit, dans ce musée, tous les personnes sortent et font la fête. Nous essayons de faire la même chose sur scène.
Mimoza Koike, danseuse et chorégraphe
Les œuvres de Chagall, ode à la vie stimulant toutes les imaginations... L'opération anniversaire "Chagall et moi" s'adresse aux artistes mais aussi à chacun d'entre nous.
Nous voulons inciter tous les visiteurs du musée à se demander ce qu'ils retirent de ce que leur dit Chagall.
Anne Dopffer, directrice
L'invitation est lancée, avec un point d'orgue autour du 7 juillet 2023, à la fois date anniversaire de Marc Chagall, et de son musée. Un week-end festif et gratuit, les 7, 8, 9 juillet, où chacun pourra venir rêver ou danser avec Chagall.