Fier de n’arborer aucune décoration au revers de son veston, le procureur général de Bourges et ancien procureur de Nice, Eric de Montgolfier, 67 ans, a raccroché vendredi son hermine mais pas ses «principes» d’indépendance et de franc-parler voire d’intransigeance.
Fier de n’arborer aucune décoration au revers de son veston, le procureur général de Bourges, Eric de Montgolfier, 67 ans, qui s’est fait connaître avec l’affaire VA-OM en 1993, a raccroché vendredi son hermine mais pas ses «principes» d’indépendance et de franc-parler voire d’intransigeance, après 37 années d’exercice sans concession au cours desquels il ne s’est pas fait que des amis.
«La carrière ne mérite pas qu’on sacrifie sa conscience», explique le magistrat amateur de formules qui font mouche, lors d’un entretien avec l’AFP. Gilles Accomando, qui a été son bras droit à Nice de 2000 à 2006, confirme:
«il porte des principes, il est attaché à des principes, (...) Des comme ça, il en faut».
Mais son côté «chevalier blanc» a beaucoup irrité, notamment parmi ses collègues. On lui reproche souvent son côté cassant, parfois hautain, ainsi que sa médiatisation jugée excessive.
Ancien procureur de la République de Chambéry (Savoie), de Valenciennes (Nord), puis de Nice (Alpes-maritimes), Éric de Montgolfier, auteur en 2006 du livre «Le devoir de déplaire», se défend d’avoir été carriériste. Alors qu’il est magistrat du parquet depuis 1975, on réduira souvent l’essentiel de son activité à l’affaire VA-OM impliquant Bernard Tapie. «Une affaire médiocre. Un peu d’argent sous une pelouse, des trucages dans le football, de la corruption», résume-t-il avant d’ajouter: «Dieu merci, j’en ai eu d’autres dans ma vie professionnelle nettement plus intéressantes».
Ironie du sort, au moment où Eric de Montgolfier tire sa révérence, Bernard Tapie l’homme clé du dossier VA-OM, mis en cause dans l’enquête sur l’arbitrage avec le Crédit lyonnais, a de nouveau affaire à la justice.
L’affaire VA-OM lui a surtout valu d’être parachuté à Nice sur la Côte d’Azur en 1999 par une Chancellerie qui veut le voir y faire «le ménage». A Nice, il a été le tombeur du juge d’instruction Jean-Paul Renard, qu’il a épinglé pour ses rapports ambigus avec la franc-maçonnerie.
La justice, «un idéal hors d’atteinte»
Si les têtes de notables tombent une à une, l’une de ces affaires le conduit tout de même jusqu’en correctionnelle. En 2008, il est soupçonné d’avoir maintenu abusivement en détention un voleur de bijoux qui s’est suicidé en mars 2007, à la prison de Draguignan (Var). Il revient sur cet épisode douloureux:«Apprendre le jour où vous êtes auprès de votre fille qui essaie sa robe de mariée que vous devez aller comparaître devant le tribunal correctionnel n’est pas un souvenir des plus plaisants».
Les coups durs de la vie, le magistrat en a encaissé de nombreux comme la perte de deux enfants: «C’est là tout le temps (...) Mais un magistrat qui aurait traversé la vie sans douleur, sans difficultés, aurait du mal à comprendre ceux qu’il juge». Le magistrat reconnaît toutefois que la justice est «un idéal hors d’atteinte».
Ses 14 mois passés à Bourges n’ont pas été des plus palpitants. «Ma nomination était une nouvelle forme de promotion, la promotion débarras. Être nommé procureur général 15 mois avant de partir à la retraite, ce n’était peut-être pas judicieux d’un strict plan de service public», déclare-t-il sans détour.
Lui, le gosse de riche à qui le père industriel disait: «magistrat est un métier de con», n’a pas rêvé non plus d’une carrière politique. «Il y a quelque chose qui me gêne un peu dans le fait de conquérir une réputation dans un domaine. Et de la faire valoir dans un autre. Ca n’a pas réussi à Eva Joly», dit le magistrat. Vendredi à Bourges, il a «vidé les ordinateurs» et «rendre les clés» sans savoir encore vraiment où il passera sa retraite.
A Nice? «J’y ai conservé des amis. Mais j’ai bien peur que n’ayant pas fait fortune dans la vie publique, je sois obligé de me rabattre sur des endroits un peu moins chers», sourit-il.
Éric de Montgolfier se fait philosophe: «La retraite, ce n’est pas la fin de la vie!» Il déborde de projets comme donner des conférences dans les universités ou écrire un second livre «bourré d’anecdotes».