On ne les voit pas, mais on les sent. Les canicules marines. Ces épisodes de fortes chaleurs qui font grimper la température de l'eau et qui mettent l'écosystème marin à rude épreuve. Voyons pourquoi ce phénomène est plus fréquent et surtout plus intense en Méditerranée.
Les canicules marines sont systématiquement liées aux canicules terrestres. Et nous sommes en ce début août en pleine vague de chaleur et phénomène de nuits tropicales. La mer Méditerranée a été particulièrement chaude ces derniers jours, au-delà de 29 °C relevés au large de Nice ce dimanche 4 août 2024. Le record de 2023 sera peut-être battu cette année, on s'en approche.
D'où viennent ces canicules marines
Le cocktail déclencheur ? De très fortes chaleurs associées à une absence de vent pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines suffisent à engendrer des dégâts considérables sous la surface.
Une canicule marine, nous en vivons une en ce moment même. Comment le savons-nous ? Principalement grâce à une bouée de surveillance installée en entrée de rade à Villefranche-sur-Mer dans les Alpes-maritimes.
Elle relève la température toute l'année, toutes les heures et depuis mi-juillet, elle indique aux chercheurs de l'Institut de la Mer (IMEV) que la période est très critique.
Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherches à l'IMEV et ses équipes, gardent un œil rivé sur les données en permanence. Les derniers relevés (du week-end précédent) indiquaient 29.1 degrés.
Ce sont 3 à 3,9 degrés au-dessus des normales constatées lors d'un mois d'août classique.
Nous avons pris vraiment conscience du problème dans la région lors de la canicule extrême et meurtrière de 2003. Depuis cette période, nous suivons de près l'évolution de la situation. Cette saison 2024 et l'année 2022 sont les dernières canicules en date qualifiées de très importantes.
Jean-Pierre Gattuso / Directeur de recherches à l'Institut de la Mer (IMEV)
Pourquoi et comment ça arrive ?
Nous sommes en vigilance orange canicule depuis plusieurs jours...
Cet air chaud réchauffe la surface de la mer. Une singularité que l'on doit au fameux effet de serre. Cette espèce de "couverture" brumeuse autour de la planète qui fait chauffer l'air qui lui-même fait chauffer l'eau.
Ajoutez à cela l'absence de mistral qui empêche l'eau de surface de se mélanger, de se brasser avec l'eau du fond, plus froide (13 degrés en Méditerrannée à partir de 40 mètres de profondeur).
Au final, cela donne des conditions très favorables au développement des canicules marines mais également de violents épisodes méditérannéens.
On dit plus communément qu'il y a...le feu dans la mer.
On observe une augmentation de la fréquence de ces épisodes. Ça n'est pas une surprise. Un rapport du GIEC de 2019 démontre que selon le respect ou non de l'accord de Paris, on va multiplier par 20 ou même 50 les canicules marines d'ici à 2100.
Jean-Pierre Gattuso / Directeur de recherches à l'Institut de la Mer (IMEV)
Les espèces
Des études sont en cours pour observer la réaction, la résistance ou la résilience de certaines espèces. Ce sont les gorgones, ces espèces de forêts sous-marines qui sont les plus sensibles au réchauffement. Elles ne se déplacent pas et font partie de la flore fixe. Leur étude et observation est de ce fait facilité.
Depuis la canicule de 2022 on s'est aperçu qu'en l'absence de canicule marine pendant un certain temps des gorgones sévèrement touchées avaient de petites repousses certes timides mais il y a en ce moment un état des lieux réalisé au large de Marseille par l'association Septentrion Environnement
Philippe Vallette / Océanographe membre de la Fondation de la Mer
Depuis les années 60, on sait qu'un millier d'espèces ont migré du sud vers le nord via le Canal de Suez, car les températures sont devenues plus supportables au fil des ans. L'inverse n'existe pas. Les espèces endémiques du nord habituées aux températures tempérées ne peuvent pas se rendre au-delà car la Méditerranée au nord est un "cul-de-sac" infranchissable contrairement à l'Atlantique par exemple.
Quelle solution ?
Selon Jean-Pierre Gattuso, la solution passe par l'application de l'accord de Paris sur le climat. Si on arrêtait d'augmenter la concentration du CO2 dans l'atmosphère, on pourrait déjà stabiliser les températures actuelles et stopper ce développement continu.
La situation préoccupante mais Il y a des choses à faire et tout le monde a un rôle à jouer.