L'espace culturel départemental Lympia, situé dans l'ancien bagne au port de Nice, accueille jusqu'au 19 septembre l'exposition "Tatoueurs tatoués". L'art du tatouage transverse les cultures et les époques, et fascine toujours autant qu'il inquiète.

Discours policé : "c'est très beau !" Et dans un souffle, façon confidence au journaliste : "mais ils sont complètement fadas !" Cette petite dame aux yeux espiègles, qui se qualifie elle-même de "plus toute jeune", résume à elle seule le scepticisme de beaucoup de visiteurs à l'entrée de l'exposition.

"Tatoueurs, tatoués" interpelle. Comme les tatouages eux-mêmes en fait. "Il y en a certains, comme celui de l'affiche, que je trouve fascinants. D'autres qui sont carrément repoussants. Mais c'est l'occasion d'en apprendre un peu plus," confie ce quinquagénaire, qui confesse également que sa fille en a un tout petit au poignet...

Des membres en silicone pour des tatouages plus vrais que nature

Et ces visiteurs-là ne seront pas déçus : une exposition consacrée à un tel sujet ne pouvait se contenter de photos ou d'affiches. Une vingtaine de moulages en silicone, de dos, de torses, de bras ou de jambes, présentent des tatouages originaux, réalisés avec les mêmes techniques que sur la peau humaine.

Pour un résultat assez impressionnant.

"Ce ne sont pas des applications de photographies sur silicone," confirme Benoit Dercy, "mais véritablement des objets tatoués par des grands noms du tatouage contemporain. Ce qui permet au public de découvrir les différents styles," reprend l'adjoint scientifique au directeur de l'espace culturel départemental Lympia, "dont certains se rattachent à une vraie tradition ancienne, quand d'autres proposent de nouveaux ancrages." Ou encrages. (Sourire).

L'exposition a une démarche à la fois historique et géographique, soulignée symboliquement par le lieu : l'espace Lympia occupe un ancien bagne, où l'on peut imaginer que les tatouages avaient une signification bien particulière. La portée du tatouage fluctue énormément selon les époques et les cultures...

"Même le Japon connaît des périodes où la bonne société se faisait tatouer, alors qu'à d'autres moments le tatouage est rattaché à la pègre et aux milieux marginaux, et donc complètement stigmatisé," explique encore Benoit Dercy. "En occident en revanche, notamment en raison d'un interdit religieux, le tatouage a vraiment une image négative. Bien que certaines têtes couronnées aient porté des tatouages !" Rien n'est figé, pas même l'encre des tatoueurs.

Le tatouage, un art en mouvement

Il y a les innovations techniques, d'abord, comme des stylos électriques qui permettent de faire des aplats de couleurs ou encore des encres non permanentes ou phosphorescentes.... Il y aussi une créativité débridée, que le musée tente de saisir, grâce à cette exposition réalisée en collaboration avec le Musée du Quai Branly à Paris. De quoi se hisser au rang de 10ème art, une place disputée avec les jeux vidéos.

La fascination pour les tatouages se traduit aussi par l'explosion du nombre d'officines. Rien qu'à Nice on en compte plusieurs dizaines. Le tatouage a même depuis dix ans son propre salon dans la capitale azuréenne... "Presque tout le monde veut un tatouage de nos jours," explique Fabrice, tatoueur du côté du port de Nice, lui-même tatoué de la tête aux pieds. "C'est un élément d'une tenue, du style qu'on veut dégager..." Au même titre qu'un chapeau ou qu'un vêtement ?

"Il y a dix ans, on tatouait les phalanges ou le cou chez les personnes qui n'avaient vraiment plus de place ailleurs ! Aujourd'hui des gamins réclament qu'on commence par ces endroits-là!" s'indigne presque Fabrice. Inversion des paradigmes : le tatouage n'est plus caché sous les vêtements, il doit au contraire s'afficher. Sinon à quoi bon s'en affubler !

Quitte au passage à ne plus se préoccuper de message ou de symbolique. Moins de mystique, plus d'esthétique. Comme ces oeuvres exposées à l'espace Lympia, qui s'inspirent de grands noms de l'art contemporain tels que Vasarely ou Mondrian. Des oeuvres en chair et en encre !

Fabrice, lui, ne se voit pas artiste, plutôt comme un artisan. "Comme un ébéniste, vous voyez ? Sauf que je travaille pas le bois, mais la peau..." Aïe. Peut-être qu'il changera d'avis après avoir visité l'exposition ! Elle ne laisse pas indifférent. On pourrait même dire qu'elle est marquante ! (Sourire).

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