Olivier James, 48 ans, raconte dans le livre "Supercap" une odyssée optimiste. Privé d'oxygène à la naissance, il a des séquelles irréversibles. Toute sa vie aura été un combat, avec des efforts physiques et des joutes verbales incroyables. Pour être capable de tout, finalement. Interview.
Olivier James est né le 2 mars 1971 à Nice. Il a une infirmité motrice et cérébrale, par manque d’oxygénation du cerveau à la naissance.Malgré ce handicap, il a réussi à déjouer tous les pronostics, les défaitismes, et les pièges des empêcheurs de tourner en rond.
Il est ainsi devenu le premier éducateur sportif diplômé d’Etat pour les valides, étant handicapé. Il est en couple avec deux enfants de 11 et 8 ans.
Il est l’auteur d’un livre, Supercap, qui vient de sortir et qui raconte son histoire.
Nous l’avons rencontré.
Comment vous est venue l’idée d’écrire ce livre autobiographique ?
Olivier James : Ce sont des personnes du monde du cinéma et de la télévision, que je connais par le sport –des réalisateurs, des journalistes – qui m’ont persuadé.
Ils m’ont dit : « Ton histoire, il faut l’écrire ! ».
Et vous avez donc écrit ce livre, en 2018.
OJ : J’ai longtemps refusé d'écrire ce livre. J'estimais que ma vie n’intéresserait personne. Et puis, on m’a présenté Geoffroy Thiebaut, acteur dans la série Braquo. Lui aussi, il m'a dit qu’il fallait que je raconte tout ça.
Finalement, c’est une de ses connaissances, Jean-Marc Longval, auteur et metteur en scène, qui a fini de me convaincre. Lui pensait même que ça valait un film. On a commencé à écrire ce livre, ensemble.
Comme votre vie, qui a été un combat contre le handicap, sortir ce livre n’a pas été simple.
OJ : Les éditeurs célèbres trouvaient mon manuscrit intéressant mais ils ne voulaient pas prendre le risque d'éditer un inconnu. Comme je lâche jamais rien, j'ai fait un crowdfonding (NDLR : collecte de fonds par Internet) et j’ai réussi. Le livre est en vente sur Amazon en numérique et en version papier. Et sur la Fnac, iBook, et Apple en numérique.
OJ : En écrivant le livre, j'ai vu que tout ce que j'ai voulu faire dans ma vie a été difficile. Déjà, en France, il y a une sorte de mauvaise volonté partagée, on ne vous facilite pas la vie, on n’y croit pas.
Parce que j'étais handicapé, c'était encore pire pour moi.
Par exemple, quand j’ai voulu devenir professeur d’éducation physique, pour les valides.
Expliquez-nous votre handicap et ce long combat?On m'a dit : "Mais, Monsieur, c'est impossible!"
OJ : A trois ans je ne savais pas parler correctement. Je suis devenu aujourd’hui un homme, avec un travail, une famille. J’ai deux enfants. Dans ma salle de fitness, je donne des cours de stretching à des dames alors que je ne suis pas foutu de toucher mes pieds!
Je ne suis pas comme tout le monde. La période du brevet d’état pour devenir éducateur sportif a été spectaculaire. Quand j’ai dit, alors que j’étais handicapé, tout tordu physiquement, que je voulais être prof de fitness, on m'a dit : « Mais, Monsieur, c’est impossible ! ». J’ai répondu : "On ne peut savoir que si on essaie. Un gâteau, on ne sait qu’il est bon que si on le goûte ! »
Apparemment, votre répartie a été utile avec les examinateurs, mais aussi avec les filles.
OJ : Le secret de ma vie, c'est les filles. C'est parce que je voulais leur plaire que j'ai dépassé mon handicap. Le handicap ça leur faisait dire : "Oh le pauvre !" Moi, je voulais les intéresser pour autre chose. Ma vie, c’est ça, c’est une histoire de séduction. Avec les filles et puis avec tous ceux qu’il a fallu convaincre.
Vos parents vous ont-ils soutenu ?
OJ : J'ai des parents exceptionnels. Ma mère, d’abord, qui m’a dit dès le départ : « Démerde-toi ». Si je voulais quelque chose, quand j’étais petit, il fallait que j’aille le chercher, en rampant si nécessaire.
Je n’ai réussi à me tenir debout que vers deux ans et demi. La première fois que j’ai marché seul, c’était pour l’entrée en classe de maternelle.
C'était une victoire, pour mes parents. Ils ne voulaient pas que je sois en fauteuil roulant, car à l’époque, cela m’aurait interdit toute école maternelle classique. J'aurais été admis dans un institut spécialisé, nulle part ailleurs.
Ils voulaient que je sois "bipède" pour que j’entre à l’école, avec mon frère jumeau.
Je pense que je suis plus heureux que beaucoup de gens
Vous avez un frère jumeau ?
OJ : Oui. Mais justement, la naissance gémellaire n’était pas prévue (NDLR, en 1971, les échographies étaient rares).
Résultat, au moment de l’accouchement, je suis resté bloqué pendant plus de dix minutes, coincé avec mon frère, et puis je suis sorti comme un schtroumpf, tout bleu.
Pendant que le personnel médical essayait de me sauver la vie, la sage-femme a crié d’un seul coup : « Y’en a un autre ! ».
Mon frère est sorti comme un coq en pâte, en pleine forme. Moi j’étais tout déformé. Les médecins ont dit à mes parents que même si je survivais, il ne fallait pas espérer grand-chose. Imaginez le choc pour eux.
Quelle leçon de vie en tirez-vous et finalement êtes-vous quand même heureux ?
OJ : Je pense que je suis plus heureux que beaucoup de gens. Je pense qu’on ne peut être heureux que si on se bat dans la vie, car on apprend la valeur des choses. La valeur des choses matérielles et des choses sentimentales.
Pour créer ma place dans cette société qui est compliquée, où les gens n’ont pas confiance en eux, où ils ont tellement besoin des autres, moi je me suis beaucoup battu. Il m’a fallu des années pour savoir lacer mes chaussures. A neuf ans, j’ai réussi.
Du coup, avec mes deux filles, je me comporte comme ma mère l’a fait avec moi. Je les laisse se débrouiller toutes seules.
Parlons un peu d’humour. Comment expliquez-vous, avec toute cette histoire, que votre livre soit finalement si drôle ?
OJ : Depuis l’enfance, j’ai tout démystifié par l’humour. J’ai tout tourné à la dérision, pour que la vie soit acceptable. Et je prends le côté positif des choses. Je suis comme ça.