Nice : "Dreyfus" opéra populaire signé Michel Legrand, en création mondiale

Le compositeur Michel Legrand et l'écrivain Didier van Cauwelaert en fredonnaient les mélodies depuis une dizaine d'années. Le spectacle musical "Dreyfus", création mondiale percutante, vit ses quatorze premières représentations à Nice jusqu'au 6 juin.

L'affaire d'Etat du capitaine Alfred Dreyfus -innocent condamné en 1894 pour avoir livré des documents aux Allemands alors que l'antisémitisme bat son plein en France, déporté sur l'île du Diable au large de la Guyane avant d'être difficilement réhabilité-racontée tout en chansons et en légèreté?
Le tandem Legrand-Cauwelaert a réussi un pari plutôt osé, servi par une distribution mêlant interprètes de théâtre, de comédie musicale et d'opéra.
Des décors coulissants, époustouflants de prouesse technique, permettent de suivre l'intrigue simultanément dans 9 univers superposés se présentant comme les cases d'une maison de poupée.
S'y ajoute la scène principale de l'Opéra de Nice, baignée dans les atmosphères de projections vidéo, tantôt les vagues de la mer, l'ambiance mouvementée d'un bordel parisien, l'état-major de l'armée...
Les spectateurs ne savent plus où donner de la tête devant ce décor de prestidigitateur, sans cesse renouvelé.
Le metteur en scène Daniel Benoin, qui signe sa dernière saison au Théâtre national de Nice, jongle non sans angoisse avec 130 effets de lumière et 60 effets vidéo, qui doivent servir une histoire en 53 chansons sous les accords de l'Orchestre philharmonique de Nice.
"C'est techniquement compliqué", admet-il.
Le librettiste Didier van Cauwelaert n'a pas choisi comme personnage principal le tragique capitaine Dreyfus, "patriote et militariste qui se laisse déporter et veut protéger l'armée", dont la seule action est d'écrire à sa femme.
Il raconte l'histoire du point de vue inédit du traître cabotin Esterhazy, "voyou que l'armée française va manipuler".
C'est par ce personnage que l'armée essaie de livrer de fausses informations à l'Allemagne, déposées auprès de l'attaché militaire allemand à Paris.
La découverte d'un document dans la corbeille à papier de l'attaché militaire oblige le ministre de la guerre français à désigner un faux traître.
Alfred Dreyfus, un juif alsacien, fera parfaitement l'affaire dans l'opinion publique.

'Des émotions directes' :

Les auteurs du spectacle ont voulu "une alchimie entre le rire et l'émotion", car sinon le message sur l'antisémitisme ne passe pas, résume Didier van Cauwelaert.
"C'est un opéra populaire, avec une musique déchiffrable à la première audition. Je souhaite des émotions directes", explique Michel Legrand.
A 82 ans, le compositeur de musiques de films, instrumentiste, jazzman, a réuni une palette d'interprètes aussi éclectiques que sa propre carrière.
Le personnage principal, le commandant Esterhazy, campé par l'acteur Pierre Cassignard, déploie un phrasé naturel en chantant avec énergie pour la première fois sur scène.
Le couple d'amoureux séparés par l'exil, Alfred Dreyfus et sa femme Lucie, sont portés par les voix cristallines de 2 chanteurs de comédies musicales, Vincent Heden et Rachel Pignot (la Blanche Neige française de la version modernisée du dessin animé de Disney).
Leurs duos ou solos font partie des temps forts de l'opéra.
Quant aux généraux, qui ourdissent maladroitement un complot contre Dreyfus au nom de la raison d'Etat, ils offrent un registre musical lyrique,  nécessitant davantage un recours aux sous-titres, tout comme le choeur professionnel de l'Opéra de Nice qui scande "mort aux juifs" ou "non aux juifs dans l'armée".
Legrand flirte avec la comédie musicale, mais ne cherche pas à produire un spectacle truffé de tubes radiophoniques.
"Michel n'est pas un compositeur qui fait revenir les airs, c'est un feu d'artifice constant", décrit son librettiste, qui livre parfois des paroles de chansons mais souvent des dialogues chantés.
"Dreyfus" devait initialement se monter à Liège, sur une commande de l'ancien directeur de l'Opéra Jean-Louis Grinda, parti en 2007 diriger l'Opéra de Monaco sans réaliser le projet.
Michel Legrand et Didier van Cauwelaert avaient déjà collaboré à la comédie musicale "Le Passe-muraille" d'après Marcel Aymé, joué en 1997 à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord, qui a ensuite fait le tour du monde en 300 eprésentations.
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