Un petit air de vacances. Sans y être vraiment. Pour les pelouses, comme pour nous autres, le calme a des vertus insoupçonnées : pelouses et végétaux profitent, se régénèrent à l'abri des bottes et des crampons. Cette fois, l'herbe n'est pas plus verte ailleurs, mais juste sous nos yeux.
Un stade confiné, ça sonne étrangement creux. Vidé de tous ses habitants habituels. Les footballeurs, qui eux ne sont jamais là bien longtemps, quelques heures par semaine, mais aussi toutes les petites mains, les travailleurs, qui grouillent et s'activent entre deux rencontres. Plus personne. On s'attendrait à entendre chanter les oiseaux.
Mais il ne faut pas pousser non plus. Ce que l'on entend bien, pour le coup, c'est le ronronnement des tondeuses, qui n'ont jamais vraiment cessé leur ballet. Les deux jardiniers (ou Groundkeeper, pour désigner leur spécialité un peu particulière) sont toujours à pied d'oeuvre, certainement pas en télétravail.
"On la laisse un peu filer mais pas tant que ça : on tond à 30 mm au lieu des 25 mm réglementaires," confesse Jérémy. Mais pourquoi donc ne pas la laisser tranquille, cette pauvre pelouse ? "C'est un tapis hybride, un mélange de synthétique et de végétal. Si on laisse l'herbe pousser trop haut, la matière organique morte s'accumule. Et il faudrait rapidement changer tout le tapis."
Il n'empêche : l'absence de matchs et de crampons fait du bien. "On essaye de faire respirer le terrain le plus possible en ce moment," explique Benoit Riccobene, responsable de la maintenance de Nice Eco Stadium.
Bichonnée mais pour autant pas complètement régénérée : pour les gros travaux, renouvellement complet de la pelouse, il faut compter cinq semaines au bas mot. Or, impossible de prévoir à l'avance que le confinement durerait aussi longtemps. La date de la reprise de la compétition n'est pas encore arrêtée."La matière organique qui s'accumule forme une espèce de feutre, comme une algue. C'est cela qu'il faut gratter régulièrement."
En attendant, la pelouse se prépare pépère au redémarrage.
"On a réappris à guetter le cri des oiseaux en ville ! On voit des gazons à 15, 20 ou 30 cm de hauteur et qui fleurissent ! C'est bucolique ! D'habitude on les coupe bien avant qu'ils fleurissent."
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— Valery HACHE (@ValeryHache) April 27, 2020
La petite Métropole dans la prairie
Résultat : la promenade du Paillon n'a jamais aussi bien porté son surnom de "coulée verte", là où habituellement on pourrait plutôt évoquer une "coulée noire de monde". Et ses petites soeurs et petits frères, jardins publics et parcs, se portent à merveille.
On voit fleurir des essences habituellement écartées par les jardiniers au titre de "mauvaise herbe", l'herbe de son côté pousse à hauteur de cheville. La nature, dès qu'on la laisse un peu faire librement, prend ses aises.
De toute façon, l'usage de certains outils comme les souffleurs n'est pas recommandé pour le moment, pour éviter la dispersion de poussières et de virus. Moins d'interventions humaines, retour à des outils traditionnels, moins de piétinements.
"Finalement c'est une belle expérience en temps réel, qui se situe un peu dans la continuité de ce que nous avons entrepris depuis 2016, la gestion écologique des espaces verts," reprend Romain Betti. "Une expérience sur laquelle nous pourrions nous appuyer pour poursuivre dans la voie des techniques alternatives." Comme par exemple ménager des pauses d'exploitation importante pour les parcs et jardins, une sorte de rotation des cultures.
Il n'empêche : le directeur sait déjà que, dès la fin de la récréation sifflée, les 323 hectares d'espaces verts seront pris d'assaut. "C'est normal, les gens sont sevrés. Ils auront envie de se retrouver dehors. Tout ne sera pas nickel au moment du déconfinement mais il faut qu'on se prépare à une forte affluence."