Quand le cancer frappe l’estime de soi :“perdre ses cheveux, c’est perdre son identité”

Le mois d’octobre marque chaque année la sensibilisation pour la lutte contre le cancer du sein, c'est l'opération "Octobre rose". Lors de leur parcours de chimiothérapie, la quasi-totalité des femmes concernées voient leurs cheveux tomber. Récit d’une étape cruciale, où l’amour de soi et vision de la féminité sont mis à rude épreuve.

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“La féminité ne se résume pas à des cheveux longs et de beaux ongles” affirme avec entrain Cécile Bertolini-Grosjean, socio-esthéticienne. Son travail, c’est d’accompagner les personnes atteintes de cancer dans le soin de leur peau, et notamment de leur cuir chevelu.

Elle évolue au sein du centre Antoine Lacassagne, à Nice. 

Changement rapide et radical 

Après l’annonce de la maladie et le début des traitements, il faut affronter la transformation physique. Femme, homme, les cheveux tombent, parfois aussi les sourcils, les cils, et les ongles se fragilisent. “Les cheveux restent une préoccupation principale pour les malades” détaille Cécile Bertolini-Grosjean. 

“Perdre ses cheveux, c’est perdre son identité” poursuit Muriel Massoubre, onco-esthéticienne pour la Ligue contre le cancer.

“Tous les matins, ces femmes se regardent dans un miroir, ne savent plus qui elles sont” ajoute la professionnelle, pour qui il est primordial d'accompagner la perte de cheveux. Avec des soins capillaires adaptés, mais aussi auprès de psychologues et/ou sophrologues “cette chute de cheveux n’est pas qu’esthétique, elle fait appel à beaucoup d’autres choses”. 
“Je fais une première coupe de cheveux plus courte avant toute chose” détaille la coiffeuse.

Il faut s’habituer à changer de tête. 15 jours après le début des traitements, les premières alopécies peuvent avoir lieu, puis rapidement la perte “par poignées”. 

“J’ai passé ces quatre derniers jours à souffrir” relate Laurette.and.co sur son compte Instagram, alors qu’elle est en train de se raser les cheveux “ça fait très mal les cheveux, c’est comme des aiguilles qu’on nous plante dans la tête, il y en a partout, dans le bonnet .. c’est un truc de fou”. 
La coiffeuse spécialisée refuse quant à elle le rasage “c’est pour moi un évènement traumatique de plus, qui renvoie directement à la maladie. Je coupe très court”. 

Le crâne rasé comme étendard du combat 

Une fois le crâne à nu, certaines le portent fièrement, comme l'étendard de leur combat. C’est le cas de Victorine qui a raconté son cancer sur les réseaux sociaux. 
La peau est souvent asséchée sur la tête, Cécile Bartolini-Grosjean se munit alors d’huiles végétales, et baumes adaptés selon des protocoles spécifiques et validés par des équipes médicales.

C’est le moment pour les patientes d’apprendre à prendre soin de leur crâne, notamment avec des auto-massages. 

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Dans la rue, les regards deviennent cependant pesants “par moment, ils sont tellement insistants que je remets mon chapeau. J’ai envie de dire aux gens ‘c’est bon, ce n'est pas contagieux, calmez-vous’ ” raconte Laurette.and.co sur son profil. 

La chevelure à prix d’or 

Certaines optent pour les prothèses capillaires, les perruques. “Celles naturelles peuvent coûter 1 500, 2 000 euros” détaille Muriel Massoubre “des femmes font des crédits pour pouvoir se les offrir”. 
Il est alors primordial pour elle que les premières concernées puissent être bien accompagnées et conseillées “c’est aussi pour ça que j’ai voulu me spécialiser, en voyant des amies tomber malade et recevoir de mauvais conseils”. 

La Sécurité sociale prend en charge les prothèses classées catégorie 1, des salons sont d’ailleurs conventionnés pour se faire rembourser directement par l’organisme, et ne demandent ainsi aucune avance.

Pour la catégorie 2, “il faut pouvoir échanger, savoir quels sont les critères de remboursement de la mutuelle”. Un échange nécessaire, selon la professionnelle, en amont de la chute, pour que le processus se passe sereinement. Elle peut ainsi expliquer les avantages et inconvénients des perruques synthétiques ou naturelles. 

Puis, il y a celles qui jouent d’astuces pour se retrouver. Comme Julie Herbin-Meunier, créatrice des Frangynes. Atteinte d’un cancer à 27 ans, elle noue souvent des turbans sur son crâne chauve. Elle commence ensuite à placer des franges qu’elle réussit à fixer. Elle aussi, raconte son combat sur internet, et très rapidement, on lui demande ses conseils.

C’est ainsi qu’à sa rémission, elle lance son entreprise.

La beauté dans ces moments, ça n’a rien de futile, c’est même primordial.

Julie Herbin-Meunier, créatrice des Frangynes

Instagram.

Face à un crâne qui gratte, des perruques inconfortables, elle propose alors une alternative entre la chevelure de rêves et le turban. Malade, oui, mais stylée alors. 

Le retour des cheveux, pas toujours une bonne expérience 

Après les traitements arrive le temps de la repousse des cheveux, “au début, je me suis dit que mon corps était en train de retrouver de la force” explique Victorine. Les premiers cheveux sont souvent blancs, et surtout, très abîmés. Muriel Massoubre coupe cette première repousse qui est encore trop sensibilisée par les produits injectés pendant la chimiothérapie. Ensuite, le cheveu grandit d’un centimètre chaque mois. 

Et là, le regard des autres vient peser une nouvelle fois “parce qu’on ne voit plus trop la maladie, et on pense que c’est une coupe choisie” détaille Victorine dans une vidéo postée sur son compte. Les clichés de genre et d’orientation sexuelle vont alors bon train “je ne me faisais plus draguer que par des femmes, et quand on est attiré par les hommes, c’est frustrant”.

La jeune femme fait alors des expériences capillaires, teint à outrance. Pour finalement se rendre compte que cette repousse, elle n’en veut pas. 

Cette maladie m’a fait comprendre que je n’avais pas besoin de cheveux longs pour être féminine.

Victorine, ancienne malade de cancer qui raconte son parcours sur internet. 

“La repousse, c’est comme la maladie, elle nous tombe dessus. Je suis une nouvelle personne, j’ai pas totalement envie de redevenir la même personne qu’avant” explique-t-elle. Sa longue chevelure d’antan n’est alors plus signe de guérison pour elle, mais d’un retour en arrière. Pourtant, la maladie l’a changée. En emportant un morceau d’insouciance, elle la transforme en une personne qu’elle souhaite désormais être pleinement “j’ai eu ce besoin de comprendre ce qui m’est arrivé avant de me laisser repousser les cheveux”. 
Après un an et demi de processus, elle se sent enfin prête. Certaines ne souhaitent jamais être tête nue, d’autres ne reviendront jamais à leur coupe d’avant.

“Prenez le temps, et écoutez-vous”, conclut la jeune femme.  

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