Ce lundi 25 janvier, devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes, le procès des ravisseurs de Jacqueline Veyrac entre dans sa 4ème semaine. Giuseppe Serena a pris la parole. Une peine de 30 ans réclusion criminelle a été requise à son encontre.
Jacqueline Veyrac, une riche hôtelière azuréenne, a été enlevée en plein jour le 24 octobre 2016 et retrouvée vivante, ligotée dans une fourgonnette 48 heures plus tard. Le procès de 13 hommes a débuté le lundi 4 janvier dernier devant la cour d'assises de Nice.
Depuis le début du procès l'Italien Giuseppe Serena, l'ancien gérant du restaurant gastronomique La Réserve dont Jacqueline Veyrac est propriétaire, nie être l'instigateur de la tentative d'enlèvement de 2013 puis du rapt de 2016. Ses co-accusés l'accablent.
Ce lundi, alors que l'avocate générale devait entamer son réquisitoire, Giuseppe Serena, 67 ans, a demandé la parole.
Samedi matin dans ma cellule, j’ai eu un dernier signe de Dieu.
Le prêtre venu le confesser en prison lui donne ce conseil : "Pour être pardonné, il faut dire les choses".
Ce "signe" le conduit, à la barre, à des aveux... à demi-mots.
J'avais dit que j'assumais ma responsabilité morale dans cette tragique expérience, j'assume aussi ma responsabilité pénale. C'était pas de la haine. C'était peut-être mon ego frustré, mon travail qui ne valait plus rien du tout. Pas non plus la soif de l'argent.
"Bien sûr que j'ai assisté à certaines discussions. J'ai su tout ce qui s'est passé, de A à Z : la surveillance. L'usage de la voiture que j'ai loué pour eux." Mais à la question précise du président Véron, "Est-ce que vous reconnaissez être l'instigateur de la tentative d'enlèvement et de l'enlèvement ? ", la réponse reste la même :
Non, je ne suis pas l'instigateur.
Vous tentez de confisquer la parole de l’audience mais vous dites toujours la même chose !
L'avocat de Jacqueline Veyrac, Luc Febbraro, tente alors de lui faire éclaircir sa position :
Allez jusqu’au bout ! Est-ce que je dois comprendre qu’après avoir été un peu l’instigateur, vous avez été dans la réticence, vous n’avez pas su arrêter la dynamique ?
Oui vous pouvez comprendre parfaitement cela.
Parole à l'avocate générale
Ce que vient de faire M. Serena ressemble à M. Serena...
Pour la représentante du Ministère publique, la culpabilité de Giuseppe Serena ne fait pourtant pas de doute.
En 2007, l'Italien, alors en couple avec le jeune chef étoilé du restaurant "L'Atelier du goût" dans le quartier du port, décide de prendre en location-gérance le restaurant La Réserve. Pour aller "plus loin, plus haut, plus grand". "Trop loin, trop haut, trop grand", rectifie l'avocate générale dans son réquisitoire. En 2009, c'est la dégringolade. "Giuseppe Serena ne parvient pas à tirer un trait sur ce qui a sans doute été pour lui la plus belle période de sa vie". "La famille Veyrac était responsable de tout".
Giuseppe Serena, c'est la Castafiore dans son amplitude. L'établissement (La Réserve) était envahi par M. Serena avec faconde, truculence, sympathie. Serena ne se remet pas de ce qui a été pour lui une chute sociale.
Voilà pour le mobile. Mais pour l'avocate générale, il ne s'arrête pas à ce désir de vengeance :
Ce n’était pas un enlèvement gratuit. Il devait être à l’origine d’une rançon importante ! Quel montant ? On ne saura jamais très bien. On a entendu 6 millions pour 2013 et 10 millions en 2016. Serena devait prendre plus de la moitié, l’autre moitié se répartir entre ceux qui agissaient.
30 ans requis
A l'issue de cette matinée, une peine de 30 ans de réclusion criminelle a été requise à l'encontre du restaurateur. "Selon moi, il est resté l'instigateur quoi qu'il dise", a déclaré l'avocate générale Annie Brunet-Fuster.
25 ans de réclusion criminelle ont été requis à l'encontre de Philip Dutton, l'ancien militaire britannique SDF à Nice, le seul à reconnaître les faits, et qui se présente comme le "chef opérationnel".
Des peines de 18 à 20 ans de réclusion ont été requises à l'encontre des trois membres supposés de l'équipe des kidnappeurs, trois jeunes recrutés dans le quartier des Moulins.
De 2 à 10 années de prison requises pour quatre autres protagonistes pour leur intervention à divers degrés dans la préparation du rapt de 2016, et notamment dans le recrutement des kidnappeurs.
Concernant Luc Goursolas, l'ancien paparazzi qui a reconnu avoir posé des balises sous la voiture de Jacqueline Veyrac tout en niant avoir été au courant d'un projet d'enlèvement, l'avocate générale a requis 8 ans de prison pour complicité, et en cas d'acquittement sur ce chef d'accusation, 4 ans pour abstention volontaire de dénoncer un crime.
Enfin pour les trois jeunes Tchétchènes du quartier des Moulins, trio d'abord pressenti pour le rapt et dont les traces d'ADN avaient été retrouvées dans le véhicule, le Ministère Public a requis l'acquittement.
Place aux plaidoiries de la défense pour les 13 accusés, le verdict est attendu jeudi.