Lors d'un concert donné à Beaulieu-sur-Mer, la chanteuse Izïa Higelin a imaginé sur scène un lynchage violent du président de la République. Une enquête a été ouverte et une représentation que l'artiste devait donner le 13 juillet a été annulée. On fait le point.
La polémique ne cesse d'enfler après les propos d'Izïa Higelin envers Emmanuel Macron. Alors qu'elle se produisait en concert ce jeudi 6 juillet sur la scène du jardin de l'Olivaie, à Beaulieu-sur-Mer (Alpes-Maritimes), dans le cadre du festival de musique Les Nuits Guitares, la chanteuse de 32 ans a imaginé un lynchage du président de la République, suscitant un déferlement de réactions.
France 3 Côte d’Azur vous résume en 5 actes la polémique autour des propos de la chanteuse visant le chef de l'Etat.
Acte 1 : Izia imagine le lynchage d'Emmanuel Macron
Tout commence le 6 juillet lors du concert d'Izïa Higelin, à Beaulieu-sur-Mer. À l'approche de la fin du show, la chanteuse imagine comment le président Macron pourrait être lynché publiquement par les spectateurs.
"Je le connais, quelle coquine celui-là. Il s'est dit là, ce qui serait bien, je pense que ce que le peuple veut, ce dont le peuple a envie, c'est qu'on m'accroche à 20 m du sol telle une piñata humaine géante, et qu'on soit tous ici présents munis d'énormes battes avec des clous au bout comme dans "Clockwork Orange", commence-t-elle en référence au film "Orange mécanique", connu pour sa violence.
"Et là, on le ferait descendre, mais avec toute la grâce et la gentillesse que les gens du Sud ont, là juste au-dessus de vous, et on aurait tous notre batte avec nos petits clous, et dans un feu de bengale de joie, de chair vive et de sang, on le foutrait à terre, mais gentiment tu vois...", poursuit la chanteuse, en se déhanchant sur un fond musical, d'après la vidéo postée sur le site et le compte Tik Tok du magazine culturel InOut Côte d'Azur.
Sur le moment, le public ne semble pas relever quelque chose de choquant, ou ne le montre pas. Quelques acclamations échappent même de la foule. "Je vois déjà le gros titre de Nice-Matin demain : Izïa appelle au meurtre de Macron", lâche enfin celle qui est également actrice, avant de quitter la scène.
Acte 2 : une tentative d'interpellation avortée
Peu après la fin de son concert, les gendarmes de la compagnie de Beaulieu-sur-Mer, possiblement prévenus par des personnes du public, tentent de confronter et d'interpeller la jeune femme. Mais celle-ci aurait été rapidement exfiltrée vers le bus de son équipe, rendant son interpellation impossible, pour des questions de droit.
"Les gendarmes ont fortement insisté pour aller la voir dans les coulisses, raconte un des agents de sécurité privée présents sur place, mais nous ne les avons pas laissés entrer". "Leur domaine de compétence s'arrête où commence le nôtre", explique-t-il.
Acte 3 : une enquête ouverte par le parquet de Nice
Cette interpellation avortée n'empêche les choses de s'assombrir pour Izïa Higelin. Samedi 8 juillet, le parquet de Nice indique qu'il a ouvert une enquête visant l'artiste pour des faits de "provocation publique à commettre un crime ou un délit". Des faits passibles de cinq ans d'emprisonnement et de 45.000€ d'amende.
"C'est la brigade territoriale de la gendarmerie de Beaulieu-sur-Mer et la brigade de recherches" qui sont saisies de l'enquête, rapporte le procureur de Nice, Xavier Bonhomme. Il précise que l'enquête ne fait pas suite à une plainte. Cette annonce suscite un déluge de réactions sur les réseaux sociaux, largement défavorables à l'artiste. Le hashtag #IzïaHigelin est en top tweets (TT) pendant plusieurs heures.
Acte 4 : son concert du 13 juillet annulé
Ce "dérapage" a des conséquences pour Izïa. Ce lundi 10 juillet, le maire LR de Marcq-en-Baroeul, Bernard Gérard, annonce l'annulation de son concert prévu pour la fête nationale. La fille de Jacques Higelin devait se produire le jeudi 13 juillet à l'hippodrome de Marcq-en-Barœul (Nord). L'élu juge ses propos "scandaleux".
Il fait savoir que sa mairie a décidé de résilier "unilatéralement" le contrat relatif "à la prestation de la chanteuse" pour ce concert précédent les feux d'artifice de la fête nationale, jugeant que l'artiste avait tenu des propos "d'une grande violence à l'égard du Président de la République" et "pénalement répréhensibles".
"Les propos d'Izïa m'ont profondément choqué, avait plus tôt écrit Bernard Gérard ce dimanche 9 juillet dans un communiqué, la venue à Marcq de cette artiste pour un concert public, gratuit et familial, serait en contradiction avec les valeurs de rassemblement qui prévalent lors de notre Fête Nationale". Son premier adjoint Loïc Cathelin avait précédemment assuré à France Bleu Nord qu'il avait reçu plusieurs appels d'habitants demandant l'annulation du concert d'Izïa.
La députée Renaissance du Nord Violette Spillebout, par ailleurs conseillère à la métropole européenne de Lille dont fait partie Marcq-en-Barœul, avait également fait part ce dimanche 9 juillet sur Twitter de son opposition à la venue de la jeune femme de 32 ans.
"Je ne crois pas que les Marcquois aient envie de légitimer un tel délit", a-t-elle écrit. "Ce n’est pas une performance artistique, mais un appel au meurtre, qui déclenche une enquête pour 'provocation publique à commettre un crime ou un délit'", rappelle-t-elle.
Néanmois, le concert d'Izïa prévu le mercredi 12 juillet au festival de musique des Francofolies, à La Rochelle, aura bien lieu. C'est ce que rapporte France Bleu La Rochelle ce lundi 10 juillet. Selon la radio locale, la direction du festival ne souhaite pas communiquer sur les propos de la chanteuse mais a bien réaffirmé que son concert était "bien évidemment" maintenu.
Izïa Higelin a d'autre part reçu plusieurs messages de soutien sur Twitter, comme celui du rappeur Médine, qui a mis en avant le principe de liberté d'expression. La députée écologiste Sandrine Rousseau s'est également exprimée sur le réseau social à l'oiseau bleu : "c'est drôle que, là, personne ne veuille séparer la femme de l'artiste", a-t-elle ironisé.
Acte 5 : Izïa se défend
Dans un entretien accordé au journal Ouest-France, Izïa Higelin a réagi dans la soirée du lundi 10 juillet. "Que vous est-il passé par la tête la semaine dernière pour tenir de tels propos sur Emmanuel Macron ?", est-il demandé à la chanteuse.
"Je suis bien désolée que cela ait été mal interprété, décontextualisé. À aucun moment évidemment, je n’ai voulu inciter à la violence ou à la haine."
Izïa Higelin
"C’est une histoire, un liant improvisé et surréaliste entre deux titres qui parle de tout et de rien et qu’il ne faut surtout pas prendre au premier degré, a expliqué l'artiste, à aucun moment dans mes concerts, je n’incite à la violence ou à la haine. Ce sont toujours des lieux de bienveillance et d’amour, de folie et d’improvisation. C’est juste ça, purement et simplement."
Le journaliste demande ensuite à la chanteuse si elle regrette ses propos. Ce à quoi elle répond : "cela reste une histoire fantasmée, un moment partagé d’esprit libre, artistique. Ce n’est pas dirigé dans quelque direction que ce soit".