Refus d’obtempérer mortel à Nice en septembre 2022 : pourquoi le parquet estime que le policier n’a commis aucune faute

Le parquet de Nice souhaite que le policier qui a abattu Zyed B. lors d’un refus d’obtempérer soit mis hors de cause, car il aurait agi conformément à la loi. Les avocats de la famille du défunt dénoncent "un véritable permis de tuer pour les policiers" pour ces faits qui ont eu lieu en septembre 2022.

Y aura-t-il un procès suite à la mort de Zyed B., tué par un policier au terme d’une course-poursuite à Nice en septembre 2022 ? Le parquet niçois ne le souhaite pas.

Dans son réquisitoire définitif daté du 29 mars, et que France 3 Côte d’Azur a consulté, la procureure adjointe demande aux deux juges d'instruction saisis de cette affaire que le policier mis en cause bénéficie d'un "non-lieu total", c’est-à-dire qu'ils abandonnent les poursuites engagées pour "violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner".

Course poursuite sur la voie Mathis

La magistrate indique qu'"il ne résulte pas de l’information judiciaire de charges suffisantes contre Michel G. d’avoir […] volontairement commis un acte de violence ayant entraîné la mort de Zyed B., sans intention de la donner" le 7 septembre 2022 avenue Henri-Matisse, à Nice, vers 16h30.

Ce jour-là, vers 16h15, un équipage en voiture banalisée contrôle un SUV qui zigzague à vive allure dans la circulation sur la voie Mathis. Les deux policiers le prennent en chasse jusqu'à ce que le SUV se trouve bloqué dans un bouchon à la sortie du tunnel sous l'avenue Grinda. Les deux policiers procèdent à un contrôle quand le conducteur redémarre en trombe...

"Hémorragie massive"

S'ensuit une course-poursuite qui va tragiquement se terminer avenue Matisse. La voiture en fuite fait demi-tour et percute violemment le véhicule de police qui lui barre la route. C'est alors que le jeune policier adjoint de 23 ans se saisit de son arme de service et la braque en direction du conducteur.

Le SUV, endommagé, recule alors de quelques mètres puis tente de repartir en marche avant quand le policier ouvre le feu à travers la vitre. La balle de 9 millimètres va perforer le cœur et les deux poumons de Zyed B., 24 ans, qui décédera rapidement d'une "hémorragie massive" selon le rapport du médecin légiste.

"Absolue nécessité"

Pour le parquet, le tir du policier était justifié au regard de l'article L435-1 créé par la loi de 2017, dite "Cazeneuve", qui définit le cadre légal d'usage des armes pour les forces de l'ordre. La magistrate considère que les quatre conditions imposées par le texte pour utiliser son pistolet sont remplies. Les deux premières conditions ne posent aucune difficulté : le policier a agi dans le cadre de ses fonctions et portait un uniforme. Les deux suivantes ont nécessité quelques développements...

Pour être mis hors de cause, le policier auteur du tir mortel doit avoir agi "dans le cadre d'une absolue nécessité". Pour la magistrate, lui et son collègue "étaient bien face à une menace d'atteinte à leur intégrité physique dans la mesure où [...] l'auteur du refus d'obtempérer venait de commettre une tentative d'homicide volontaire sur leurs personnes en fonçant de face sur leur véhicule de service".

Dernière condition : une action proportionnée. "Ici la riposte paraît strictement proportionnée dans la mesure où la seule arme de force intermédiaire [...] était une bombe lacrymogène dont M. G. avait au préalable fait usage en vain avant de sortir du véhicule avec son arme dirigée en direction du conducteur sans pour autant réussir à le dissuader de tenter de poursuivre sa fuite".

Pas d'autre alternative

Dans cette situation, le policier est en droit d'ouvrir le feu pour immobiliser le véhicule "dont les occupants sont susceptibles d'être dangereux" dès lors qu'ils n'ont pas d'autre alternative, que le conducteur a déjà commis un refus d'obtempérer, que le tir intervient immédiatement après sommations et qu'ils ont des raisons de penser que les occupants du véhicule pourraient dans leur fuite perpétrer des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique.

Confronté à un véhicule toujours en marche (qui venait de reculer et d'avancer légèrement) et dont le moteur émettait un fort bruit d'accélération, M. G. n'a eu d'autre choix que de faire usage de la seule arme de service qui reste à sa disposition. [...] En conséquence la "règle d'adaptation des moyens policiers" imposant de ne faire usage de leurs armes qu'en cas d'absolue nécessité et de manière proportionnée [...] a été strictement appliquée et respectée, en dépit de la gravité du résultat, à savoir le décès de M. Zyed B.

Réquisitoire du procureur

"Permis de tuer pour les policiers"

Du côté de la famille du défunt, c'est l'incompréhension. "Nous sommes choqués de cette position du parquet. Aller dans ce sens équivaudrait à instaurer un véritable permis de tuer pour les policiers", indique Me Sefen Guez Guez. L'avocat niçois souligne que la police des polices avait une tout autre interprétation des faits.

En contradiction avec les conclusions de l'IGPN

Dans ses conclusions, l'IGPN indiquait : "la détermination à fuir de Zyed B. semblait confirmée au vu de tous les témoignages, de même que sa conduite dangereuse pour les usagers de la route. Pour autant, au moment du tir, et au-delà de l'appréciation et de la perception qu'aurait pu avoir de la situation le policier adjoint, aucun élément objectif ne tendait à démontrer que celui-ci, son collègue resté dans le véhicule, ou tout autre personne, était alors placé en situation de danger immédiat. Les conditions imposées par le Code de la sécurité intérieure pour justifier l'usage des armes ne paraissaient pas réunies".

La décision appartient maintenant aux juges d'instruction. Ils peuvent décider de suivre le réquisitoire du parquet en classant l'affaire, ou au contraire renvoyer le policier devant le tribunal correctionnel pour qu'il soit jugé.

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