Anne-Cécile Ratsimbason a créé sa marque de mode inclusive en 2015 de stylisme médical. L’objectif, rendre la mode plus accessible malgré les appareillages de différentes pathologies, et que le vêtement devienne une aide thérapeutique.
“On parle mal de la mode. Que ce soit dans les magazines, les pubs et les médias ou encore directement dans les magasins, elle est accessible à une taille 36 qui n’a pas de problème”.
Anne-Cécile Ratsimbason pose les bases du problème : la mode n’est pas accessible pour tous. Et elle n’est que trop bien placée pour le savoir !
De ses 19 à ses 29 ans, elle a dû porter un corset orthopédique pour soigner une scoliose, diagnostiquée sur le tard. À ce moment-là, elle fait face à une dure réalité : s’habiller quand on a un corset n'est pas une mince affaire.
Le dialogue au cœur du dispositif
Alors diplômée depuis 2011 d'une école de mode - spécialisation prêt-à-porter stylisme modélisme - elle n'était pas destinée à travailler dans l'univers médical.
Alors qu'elle était prise en charge à l’école du dos à Nice, et suivie par le Dr Pomatto, médecin en médecine physique et de réadaptation fonctionnelle, l'aventure commence en 2015.
"Le Dr Jean-Jacques Pomatto, aujourd'hui décédé, est l‘initiateur de ce projet “, explique-t-elle très touchée, comme lui rendant hommage.
Le médecin lui dédie un showroom dans son cabinet, afin qu’elle "imagine une collection adaptée aux différents corsets."
En plus du parcours de soin et thérapeutique du patient, la styliste propose un mode d’accompagnement supplémentaire.
Retour vers l’autonomie
L’objectif, pour Anne-Cécile, c’est de créer des vêtements qui sont à la fois esthétiques, mais aussi qui conviennent au dispositif médical.
À travers cet aspect physique, l'idée est réellement de rendre le patient à nouveau autonome et de l’accompagner vers sa reconstruction.
En effet, chaque habit répond à un cahier des charges bien précis. Que ce soit sur le choix du textile, l’endroit des différentes coutures… Rien n’est laissé au hasard !
Agathe, une petite fille aujourd'hui âgée de 7 ans et demi, s'habille avec les vêtements d'Anne-Cécile depuis qu'elle a moins de deux ans. Atteinte de la maladie d'Hirschsprung qui touche ses intestins, son body est "sa seconde peau", témoigne Marie, sa maman.
"Au début, je me suis demandée comme j'allais faire avec le matériel médical d'Agathe (cathéter + stomie). Puis j'ai rencontré Anne-Cécile. Elle a de suite compris notre demande et nos besoins, afin qu'Agathe soit la plus autonome possible."
Grâce à ce body, Agathe peut jouer, courir, tout simplement vivre comme tous les enfants de son âge. "Je suis plus sereine. Je sais que son matériel est protégé, et elle aussi est plus tranquille. "
"Je peux continuer de l'habiller dans les grandes enseignes, et je ne lui refuse aucun vêtement. Pantalons, jupes, robes... Surtout qu'Agathe est très coquette !", raconte-t-elle en rigolant.
"Aujourd'hui, je ne ferais plus sans ce body." Tous les ans, Anne-Cécile se rend au domicile d'Agathe pour prendre les mesures de la petite fille. Le body évolue et est adapté en fonction de l'autonomie d'Agathe. Par exemple, l'emplacement des boutons peut changer afin qu'elle puisse changer sa stomie seule. Tout est modifié pour qu'elle soit toujours plus autonome dans la gestion de son quotidien avec son matériel.
Du sur-mesure
Anne-Cécile travaille avec des hôpitaux, des associations de patients ainsi que des fabricants et distributeurs de matériel médical. Une quinzaine de fois par fois, elle se rend à des congrès pour toujours se former sur de nouvelles pathologies.
La marque de fabrique d’Anne-Cécile, c’est le sur-mesure. En effet, elle s’adapte à la vingtaine de pathologies, rares ou chroniques (Cancer, prothèses orthopédiques ou mammaires, lymphome, stomie.)
“En pédiatrie, j’ai commencé à avoir des demandes de productions en série. Parce que les enfants grandissent trop vite et que, financièrement, le sur-mesure a un coût trop important”. C’est donc à la suite de cela qu’elle se lance de la création de séries de vêtements.
Pour répondre à toutes les demandes, elle s’est entourée de trois couturières. Dont une ancienne professeure de l’Esmod, école dans laquelle elle a suivi ses études.
Mais Anne-Cécile s’est aussi lancée dans l’upcycling. À partir des vêtements que les patients possèdent déjà, elle les adapte à leur pathologie et leur matériel, tout en reprenant son cahier des charges auquel les vêtements doivent répondre.
“Le plus simple est que je leur envoie la fiche technique, et ensuite ils peuvent soit le faire eux-mêmes, soit se rendre chez un retoucheur.”
Un palmarès qui la fait progresser
Depuis la création de sa marque, la styliste a reçu plusieurs prix. Rapidement, en 2015, elle remporte le Grand prix du Sénat, Talents de cités. “ Cela permet de montrer qu’on peut être une femme de cité et monter une entreprise”, dit-elle fièrement.
En 2016, elle reçoit le Prix Fondation Cognacq-Jay, Prix des professionnels, qui lui apporte une reconnaissance par ses pairs.
En 2019, c’est au tour de l’aspect économique d'être récompensé, avec le prix MAAF - Les échos, Talents BGE. “Cela montre qu’on peut être artisan et être viable.”
“Recevoir l’ensemble de ces prix, ça assoit une certaine crédibilité, c’est très important”, souligne Anne-Cécile. Mais ils lui ont aussi permis d’avoir un apport financier, qui lui permet d’acheter les matières premières ainsi que son matériel de couture.