Aux studios d'habitude silencieux de "La Victorine" à Nice -patrimoine cinématographique français créé en 1920 et surnommé jadis le Hollywood français- arrivent par petites grappes, des pros de la figuration mais aussi des néophytes.
Le titre et le scénario du film (qui sera tourné avec le Britannique Colin Firth et l'Américaine Emma Stone) sont des secrets bien gardés.
En revanche, l'époque est située dans les années 20, particulièrement rédhibitoires en matière capillaire. Les cranes rasés, dreadlocks et pattes sont exclus chez les hommes. Les cheveux longs, mèches et colorations sont éliminatoires chez les femmes.
Lisa Lanteri, 20 ans, port gracile de danseuse classique professionnelle, est venue coiffée d'un chignon. "Ca ne me dérange pas de couper mes cheveux..." précise immédiatement la jeune femme, dont c'est le premier casting. "Le monde artistique me fait rêver, le cinéma m'a toujours intéressée", confie-t-elle avec enthousiasme.
On se serait crus dans un salon de coiffure jeudi. "Je précise que mes cheveux sont vraiment naturels, je peux même le prouver...", dit une candidate de 56 ans, aux longs cheveux d'un blond vénitien. "Je bloque tous mes départs en vacances en attendant la réponse!".
Les cheveux ras d'un grand échalas de 26 ans suscitent une réaction mitigée de la très diplomate directrice de casting, à la recherche de chevelures masculines épaisses. "D'habitude, je les coiffe en pic", tente timidement le jeune homme.
Le "mood board", dans le jargon anglo-saxon du cinéma, donne une idée du style général basé sur des recherches sur les années 20, précise Matthieu Rubin, directeur français de la production, dont la société Firstep a également produit "Minuit à Paris" une comédie de Woody Allen sortie en 2011.
"C'est un peu une drogue"
La Niçoise Yvette Poilvet, arrivée la première jeudi, semble parfaite avec ses cheveux blancs coiffés au carré à la Louise Brooks. C'est une habituée des castings qu'elle fréquente avec succès dans sa région.
A son long palmarès: "Cloclo", "Omar m'a tuer", "De rouille et d'os"....Elle vient tout juste de tourner une Niçoise promenant son propre chien sur la Promenade des Anglais devant l'hôtel Negresco, dans "La liste des mes envies" avec Mathilde Seigner.
A l'automne, elle s'est postée "dans un manteau bleu ciel", toute une nuit les pieds dans l'eau, devant le casino de Monaco pour "Grace of Monaco" incarnée par Nicole Kidman.
"C'était amusant, ils ont choisi un acteur petit et gros pour incarner le général De Gaulle", révèle la coquette septuagénaire qui noue des amitiés sur les tournages mais garde un oeil critique.
"Certains aiment être au premier rang. Ce sont toujours les mêmes. Ils s'imposent, c'est un peu une drogue", décrit-elle.
Elle salue Jean Vincentelli, 67 ans, qui a l'assurance de celui qui a déjà décroché des petits rôles. Il jouait un agent immobilier dans "Un balcon sur la mer" de Nicole Garcia en 2009. "J'étais aux anges", dit cet ancien commercial à la retraite qui s'adonne à la figuration depuis cinq ans.
Hier, il s'était mis sur son 31 : pantalon blanc, cravate, chaussures noires et blanches. Pas question d'arriver en tenue négligée comme nombre des postulants mal rasés du jour. "Je parle anglais", a-t-il insisté, dans l'espoir de pouvoir obtenir aussi quelques lignes de texte.
Peu de signes extérieurs témoignent encore des années de gloire des studios de Nice, si ce n'est leur grand portail d'entrée blanc affichant toujours "La Victorine" avec ses "i" désuets en forme de palmiers. Les studios
peinent désormais à attirer les longs métrages. Jeudi, un joyeux casting redonnait un air de fête au Hollywood azuréen.