Ce lundi 25 septembre, à Limone (Italie), le vice-ministre italien de l’Infrastructure et des Transports, Edoardo Rixi, rencontrait à huis clos, le commissaire et les administrateurs de "Tenda bis" pour faire le point sur l'avancement des travaux du tunnel de Tende.
Depuis quelques jours, la petite mairie de Limone (Italie) voit défiler tout ce que le Piémont et le gouvernement italien compte d'important en matière d'infrastructures routières et d'élus territoriaux. Au cœur des débats : Tenda bis, le chantier de construction du nouveau tunnel de Tende. Ou plutôt la fin de Tenda bis.
Car tout a commencé, il y a une dizaine d'années. Le tunnel routier de Tende devait être doublé, et les travaux terminés en 2017. Le tunnel historique construit à la fin du XIXe siècle, lui, devait être mis aux normes et livré en 2020. Chaque tunnel devait être unidirectionnel. Dix ans plus tard, le nouveau tube vient tout juste d'être percé de part en part.
"La priorité est de ne pas passer un autre été sans circulation"
Ce sont les mots du vice-ministre italien de l'Infrastructure et des Transports venu faire le point sur l'avancement des travaux. L'objectif de la réunion est de définir une "position politique" précise. En clair: comment terminer ce projet si souvent contrarié ? Et quand ?
"Un chantier particulièrement complexe, grevé par les importants dégâts causés par la tempête Alex d'octobre 2020, les difficultés causées par la pandémie de Covid-19 et, enfin, la forte augmentation du coût des matériaux."
ANAS, société gestionnaire de l'ensemble du réseau routier italien
Il s'agit surtout de préparer la prochaine réunion de la Commission intergouvernementale franco-italienne (CIG), qui aura lieu le 6 octobre prochain à Rome. Là où tout va se décider. "Plus la demande est claire, plus il y a de chances que la réponse soit favorable", affirme le vice-ministre.
Ce chantier semble parfois plus politique que technique et repose, au final, sur l'entente entre les deux pays.
"Selon moi, les Alpes doivent unir et pas diviser. Pour cela nous devons nous asseoir, et trouver une solution qui convienne aussi bien aux Français qu'aux Italiens."
Edoardo Rixi, vice-ministre italien de l'Infrastructure et des Transports
Le vice-ministre précise que lors de la réunion à Rome, "nous devrons obtenir des Français qu'ils redéfinissent le financement des opérations" en raison de l'augmentation du coût des matières premières. Le montant total avait été estimé, dans un premier temps, à 176 millions d'euros (58% à la charge de l'Italie et 42% de la France). Dix ans plus tard, le montant est évalué à 265 millions d'euros. Soit 50% d'augmentation ! Edoardo Rixi poursuit : "La poursuite des travaux du nouveau tunnel a été rendue possible grâce aux ressources prévues pour l'ancien tube. Il faudra redéfinir le cadre financier général".
"Nous n'avons jamais eu de problèmes d'argent pour le tunnel de Tende (...) aujourd'hui, nous travaillons le plus vite que nous pouvons, la productivité sur le chantier est maximale."
Edoardo Rixi, vice-ministre italien de l'Infrastructure et des Transports
Les travaux de rénovation du tunnel historique à l'arrêt
La réunion doit également établir "un calendrier précis pour la conception et le financement du deuxième tube". C'est-à-dire la mise aux normes du tunnel historique. Les élus de la vallée de la Roya, avec le maire de Tende en tête, craignent que cette partie du projet soit abandonnée. Si cela était le cas, la circulation se ferait uniquement en alternance avec un temps de latence qui devrait avoisiner la demi-heure. Le trafic serait moins fluide. Seule la mise aux normes de l'ancien tunnel permettrait une circulation unique dans chaque tube. Le premier édile de Limone (Italie), la commune où débouche le tunnel de Tende, a fait aujourd'hui une autre proposition.
"On a demandé la possibilité de rouler dans les deux sens à 30 km au lieu d'une circulation alternée."
Massimo Riberi, maire de Limone (Italie)
Autre mauvaise nouvelle : Edilmaco, le consortium qui avait repris le chantier après le scandale Fincosit en 2017, vient de jeter l'éponge pour la réhabilitation de l'ancien tunnel. Son avenir est aujourd'hui très incertain.
Le tunnel de Tende a 140 ans
Avant la construction du tunnel, le col de Tende était le principal accès entre les ports azuréens et le Piémont. Une route commerciale de la plus haute importance. En 1882, un tunnel sera construit près de 600 mètres en dessous du col géographique.
Avec ses 3.182 mètres il est, à l'époque, le tunnel routier le plus long jamais construit. Sa largeur de 6 m est restée quasiment la même jusqu'à nos jours (8m). Le tunnel n'est donc plus aux normes, et ce depuis de nombreuses années. Le département des Alpes-Maritimes le décrit dans un rapport comme " un tunnel routier trop étroit et parfois saturé" . Il est le 3e tunnel alpin en termes de trafic, après le Tunnel du Mont-Blanc et le Tunnel du Fréjus. Sa fréquentation journalière moyenne serait de 3400 véhicules. Mais le trafic peut atteindre jusqu’à 9 000 véhicules certains week-ends... dans un tunnel de 8 mètres de large ! Certains sites internet spécialisés ont placé ce "tunnel mono-tube bi-directionnel" sur une liste noire. Son doublement était alors envisagé, mais les discussions s'éternisaient (déjà) entre les États français et italien. Mais aujourd'hui, il semblerait qu'en juin prochain on puisse voir ... le bout du tunnel.
(Avec Loïc Blache et Frédéric Roche, à Limone)