C'est un serpent de mer qui dure depuis une décennie... Le creusement d'un nouveau tunnel de Tende et le réaménagement de l'ancien pour relier la vallée de la Roya et le Piémont italien vient de connaître de nouvelles déconvenues : un énième retard dans les travaux et une entreprise qui se désengage d'une partie du chantier.
Dans la vallée de la Roya dans les Alpes-Maritimes, les habitants commencent à trouver le temps long.
Nous écrivions en avril dernier que "selon l'Anas, la société qui gère le réseau routier italien, il reste "environ 240 mètres" du nouveau tunnel à creuser".
Sauf que... Le chantier du tunnel de Tende est un serpent de mer qui dure depuis une décennie.
Limone a perdu ses touristes transfrontaliers
Le creusement d'un nouveau tunnel d'un peu plus de 3 km et le réaménagement de l'ancien pour relier la vallée de la Roya et le Piémont italien viennent de connaître de nouvelles déconvenues, après le scandale judiciaire de 2017 et la tempête Alex (qui a détruit la route côté français). L'accès routier, prévu par l'Anas (le gestionnaire des routes italiennes) pour octobre prochain, vient d'être repoussé à juin 2024, soit 6 mois de plus d'attente.
Aujourd'hui, Limone, connue pour sa station de ski, n'est plus accessible que par quelques trains italiens ou moyennant un détour de plusieurs heures par la route (via Savone).
Assise à une table du bar de Tende, Sabine n'en revient pas. "C'est un scandale, ça fait des années que ça dure et on repousse la date tous les six mois !", s'emporte la Tendasque.
Ce tunnel du col de Tende, depuis enfant, on en parle et quand le projet a commencé, on s’est dit 'ça y est enfin, on y arrive !' Mais, au fur et à mesure que le projet avance, c’est de pire en pire !
Jean-Marc Baldi, gérant du bar de Tende
Même ressentiment de l'autre côté de la frontière, à Limone. La commune italienne vit principalement du tourisme.
"Les gens en Italie commencent à trouver le temps long", affirme Ivano Alessandria, agent immobilier. "Nous vivons beaucoup du tourisme français et de Liurie. Nous avons perdu les clients qui venaient auparavant pour un ou deux jours."
"Nous sommes tous très déçus du gouvernement et de la région", poursuit Alfredo Scocozza, à la tête d'un restaurant qui a perdu "entre 30 et 50 % de sa clientèle".
Le lundi 31 juillet, l'Anas, le gestionnaire des travaux, a finalement publié des images du percement de la paroi qui séparait encore les portions italiennes et françaises du tunnel. "Une étape importante dans l'achèvement des travaux", avance l'Anas, qui assure que cette percée doit permettre "aux véhicules de chantier de se déplacer plus rapidement et plus efficacement vers les zones de chantier pour poursuivre les travaux".
"Inertie" d'un chantier transfrontalier
Les causes de ces nombreux retards ? Un scandale judiciaire impliquant la première entreprise de travaux, Fincosit, puis la tempête Alex... Et, aujourd'hui, l'achat de ventilateurs qui pose un problème, selon le maire de Limone, mais aussi les lenteurs administratives. Le tout dans un chantier coincé entre deux pays.
Lorsque vous êtes dans des relations internationales, sur un ouvrage transfrontalier, il y a de l’inertie et tout un ensemble de validations. Ça met forcément du temps. La priorité a été donnée à l’achèvement du nouveau tunnel en juin 2024.
Jean-Pierre Serrus, conseiller régional Paca en charge des transports.
"J'attends désormais un calendrier", poursuit le conseiller régional Jean-Pierre Serrus.
Une troisième entreprise à trouver pour terminer le chantier
"J’espère que ce ne sera plus repoussé", s'inquiète Massimo Riberi, le maire de Limone.
Quand ils ont construit ce tunnel fin 1800, ils ont mis 10 ans à la pelle, à la pioche. Aujourd'hui, avec toutes les technologies et les machines mécaniques, comment se fait-il qu'on attende autant pour faire ce tunnel et que, dix ans après, on n'a toujours pas fini ?
Massimo Riberi, Maire de Limone
Edilmaco, le consortium qui a repris le chantier après le scandale Fincosit, vient de jeter l'éponge pour la réhabilitation de l'ancien tunnel. Il faudra donc trouver une nouvelle entreprise et attendre encore quelques années supplémentaires pour voir la fin totale du chantier.
Pénalités de retard
Selon Massimo Riberi, le nombre d'ouvriers mobilisés va passer de 100 à 250 personnes "le mois prochain". Cela sera-t-il suffisant pour éviter un nouveau retard et permettre aux transfrontaliers de circuler de nouveau entre Piémont et Alpes-Maritimes ?
"Des pénalités de dépassement ont été négociées et seront finalisées à la prochaine conférence intergouvernementale (CIG)", révèle Jean-Pierre Serrus, conseiller régional Paca en charge des transports.
La prochaine CIG est prévue à Rome le 29 septembre prochain. Au programme notamment : la renégociation du contrat entre Edilmaco et l'Anas, le maître d'œuvre italien.
De nombreux élus et acteurs impliqués dans ce dossier (en France et en Italie) comptent bien faire le trajet jusqu'à la capitale italienne pour obtenir des réponses et des garanties.