"C'est primordial de venir ici, pour constater les dérives de l'être humain", des supporters de l'OM au Camp des Milles

Le 23 décembre dernier, Rachid Zeroual, patron des South Winners, l'un des principaux groupes de supporters de l'OM, est venu au Camp d'internement des Milles à Aix-en-Provence avec des abonnés et un rabbin des quartiers nord de Marseille, Haïm Bendao. Une initiative pour combattre le racisme, le fascisme.

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C'est dans une ancienne tuilerie que le Camp des Milles, à Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône, a été ouvert en 1939. Près de 10 000 personnes y ont été internées, des gens venus de 38 pays différents ; tziganes, juifs, intellectuels ou artistes. C'est devenu maintenant un lieu de mémoire, où 121 000 personnes viennent chaque année, dont des jeunes notamment, pour apprendre l'histoire de façon palpable. Une visite qui ne laisse pas indifférent. Ce 23 décembre, une soixantaine de jeunes supporters de l'OM accompagnés, de Rachid Zeroual, président des South Winners et de Haïm Bendao, rabbin des 14 et 15ᵉ arrondissements de Marseille se sont rendus dans ce lieu mémoriel.

Combattre l'antisémitisme, le racisme 

"Actuellement, avec la montée des extrêmes dans tous les pays et particulièrement en France, je sens une haine pas possible et une division entre toutes les communautés, ça m'agace", lance Rachid Zeroual, leader des South Winners. Le décor est planté pour cette visite ce 23 décembre. Pour ce déplacement, il faut rappeler les valeurs du club dans ce lieu de mémoire. 

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"On est antifascistes, on est cosmopolites. On s'est battu pour que notre stade reste dans ce thème-là", appuie Rachid Zeroual. Ici, dans le camp des Milles, on décortique les mécanismes à l’origine du racisme et de l’antisémitisme.

" C'est primordial de venir ici, pour constater les dérives de l'être humain, si on ne combat pas les extrémismes, j'espère que les jeunes diffuseront ce qu'ils ont vu ici et qu'ils sauront faire la différence aussi avec ce qu'ils peuvent voir sur les réseaux sociaux", espère le chef de groupe. 

"Cela nous semblait intéressant de travailler sur l'expression dans les stades avec les jeunes supporters, dans un moment où il y a une explosion des actes antisémites, racistes et xénophobes dans le monde", explique Nicolas Sadoul, directeur du Camp des Milles. "En travaillant sur les mécanismes de racisme, il est intéressant aussi de travailler sur les mécanismes de résistance. On présente des clés de compréhension, tirées de notre histoire, de l'histoire, nous ne parlons pas d'actualité, nous parlons du présent et libre aux participants, de comprendre ces mécanismes et de gagner en lucidité ".

Bannir toute forme de haine et de violence des stades

Depuis toujours, les groupes de supporters de l'OM affichent des valeurs fortes d'antiracisme. 

Les stades, Rachid Zeroual peut en parler, il les connaît par cœur, avec leurs groupes de supporters, où parfois la rivalité dépasse le cadre sportif, où la haine s'immisce sur fond de racisme, d'antisémitisme, de fascisme.

" Cela fait des années que je vais dans les stades, j'ai vécu le fascisme contre les Marseillais dans les stades, bien qu'il y en ait eu parmi les Marseillais, aussi. Dans les années 1980, le fascisme s'est émancipé, avec les "Boulogne boys", "les Bad Gones", "les Dogs Est", détaille l'emblématique supporter.

" J'ai vu la violence dans laquelle ils s'exprimaient. On s'est retrouvé dans des situations dans lesquelles il fallait se défendre. À l'époque, on n'a jamais posé un genou à terre devant ces personnages. En 1989, comme eux [les skinheads, NDLR], ils étaient en bombers noirs, nous avons décidé de retourner les nôtres, en opposition, nous avons mis la doublure orange en première ligne en les floquant contre eux et on a combattu pour qu'ils dégagent de notre stade, à Marseille".

C'est de là que vient la couleur du groupe de supporter des South Winners, composés de 7 500 membres, situé dans le virage sud du vélodrome.

"On a voulu vraiment un Marseille indépendant, cosmopolite, pour dire aussi, la base de Marseille, ce sont des immigrés qui l'ont construite, des Grecs. Il fallait faire comprendre qu'on était français, comme eux", ajoute Rachid Zeroual.

Apprendre à combattre les préjugés

La visite du camp des Milles se fait avec une médiatrice qui accompagne le groupe. " Tous les juifs sont riches, ils sont radins. Est-ce que vous avez déjà entendu ça ? " leur demande-t-elle avant d'enchaîner " comment cela s'appelle lorsqu'on a des croyances sur un groupe de personnes ? ".

Les jeunes répondent alors : " des préjugés". Et c'est précisément où elle veut les amener, déceler les préjugés et décortiquer les mécanismes à l'origine du racisme et de l'antisémitisme.

"L'antisémitisme, il n'y en a pas plus à Marseille maintenant qu'avant", constate Haïm Bendao, rabbin des 14 et 15ᵉ arrondissements de Marseille, "mais on veut rajouter de la force dans le vivre ensemble, il ne faut pas confondre juifs de France et ce qu'il se passe là-bas". explique Haïm Bendao, rabbin des 14 et 15ᵉ arrondissement de Marseille.

"La volonté de venir ici, c'était d'expliquer aux jeunes et aux moins jeunes, comment du jour au lendemain, une société peut basculer très vite, dans l'extrémisme", détaille le rabbin. "Il y a quelque chose qui m'inquiète actuellement, peu importe le conflit, c'est la libération de la parole. Le fait de se libérer, de pouvoir condamner un pays, une race, d'en faire un amalgame, ça, cela me fait un peu peur". Sans le nommer, Haïm Bendao, fait référence à l'exportation du conflit israélo-palestinien. À Marseille, Rabbins, imams et prêtres se sont unis comme toujours pour faire front ensemble et éviter que le conflit s'implante dans cette ville. 

Dans ce camp, plus de 2 000 Juifs, hommes, femmes et enfants ont été déportés vers Auschwitz en 1942.

Un des jeunes supporters se dit ému " c'est ça qui nous prend aux tripes, de voir où dormaient les personnes au Camp des milles, de voir les vraies images avec le documentaire, de voir les trains".

Une supportrice, elle, se félicite d'être là, " J'ai vraiment beaucoup appris, je suis contente d'être venue, de découvrir ce lieu, et toute l'histoire".

"Il faut montrer à la nouvelle génération, ce qui s'est passé pour que cela ne se reproduise pas", insiste un autre participant.

Tous vont participer à un débriefing de cette visite au mois de janvier et une visite à  Auschwitz est programmée.

Article écrit avec Mariella Coste, journaliste à France 3 Provence-Alpes.

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