Âge de Jeanne Calment, le parquet de Tarascon ne fera "aucune vérification supplémentaire"

Peu importe la polémique et les études sur la validité du record de longévité de vie attribué à Jeanne Calment, décédée en 1997 à Arles à plus de 122 ans, le parquet de Tarascon a annoncé mercredi refermer le dossier.

Il n'y aura "aucune vérification supplémentaire". Le parquet de Tarascon avait fait procéder à des actes de vérifications concernant l'âge de Jeanne Calment, décédée à plus de 120 ans, à Arles en 1997.  

Cette enquête avait été ouverte à la suite de la publication de plusieurs articles de presse faisant état d'une étude scientifique russe contestant la validité du record de longévité de vie attribué à la doyenne de l'humanité.

Dans un rapport adressé au parquet de Tarascon, un expert en anthropologie a mis en cause "le manque de rigueur scientifique et d'objectivité indispensable à toute étude scientifique."

Le Dr Loïc Lallys souligne notamment "l'utilisation de certaines publications bibliographiques non scientifiques, l'absence de référence à la littérature scientifique sur des argumentations-clés ou la mise en place d'expérimentations scientifique sans aucune garantie méthodologique sérieuse."

Une analyse ADN pour lever le doute

Pour Nicolas Brouard, directeur de recherche à l'institut national d'études démographiques (INED), seul un examen ADN permettrait de lever le doute. "Le Centre d'Etude du Polymorphisme Humain (CEPH) dispose d'un échantillon ADN de Mme Calment, récupéré en 1991", affirme le chercheur.

"Si on regarde la généalogie du côté d'Yvonne Calment, il y avait de la cosanguinité. Si, à l'étude de cet ADN on n'en trouve pas trace, on pourra toujours dire qu'il ne s'agit pas d'Yvonne Calment." 

Selon Nicolas Brouard, "on pourrait aussi chercher du côté de la famille de Mme Calment". Gilberte Mery, 89 ans, est la plus proche parente encore en vie de Jeanne Calment. Son grand-père était le cousin germain de la supercentenaire. "Les traces seraient plus diluées, mais on pourrait là encore en avoir la confirmation."

Reste à prouver aussi l'utilité de ces investigations. "Il faudrait avoir la conviction de l'intérêt des recherches sur les centenaires et les supercentenaires pour convaincre une autorité de défendre le dossier."

Fin 2018, début 2019, la véritable histoire de Jeanne Calment, doyenne de l'humanité, avait fait polémique. Des chercheurs Russes affirmaient que sa fille, Yvonne, avait usurpé l'identité de sa mère, en 1934, pour une sombre histoire de frais de succession.

Cette thèse a été contredite par des chercheurs suisses et français, en septembre 2019. A leur tour, ces chercheurs affirment que les conclusions russes sont "sans fondement". Ils publient les résultats de leur étude dans le Journal of Gerontology.

Jeanne Calment est bien Jeanne

Jeanne Calment était bien la doyenne de l'humanité. Pour valider cette conclusion, les chercheurs suisses et français ont examiné de nombreux documents et procédé à des modèles mathématiques.

Parmi les documents, il y a notamment un article paru dans la presse locale en 1934. Il indique qu'une "foule particulièrement nombreuse" avait assisté aux obsèques d'Yvonne Calment, la fille de Jeanne, décédée à l'âge de 36 ans.

Les chercheurs précisent qu'il est "difficile d'imaginer que ces nombreux témoins n'aient rien remarqué de la supercherie, à moins d'accepter l'idée de la complicité de dizaines de personnes, dans cette fraude à l'identité".

Ces mêmes chercheurs ont également retrouvé plusieurs documents attestant qu'Yvonne était malade depuis plusieurs années, mais aucun qui accréditerait l'idée que Jeanne aurait été malade avant 1934. 

"Tous les documents contredisent la thèse russe"

Un acte notarié datant de 1926 indique que Nicolas Calment, le père de Jeanne, avait légué tous ses biens à ses enfants avant son décès.

Ce document met à mal la thèse des chercheurs russes selon laquelle Yvonne aurait voulu éviter de payer deux fois des droits de succession sur le patrimoine familial : une fois en 1931 à la mort de son grand-père, puis une seconde fois en 1934 à la mort (supposée) de sa mère.
 
"Tous les documents trouvés vont à l'encontre de la thèse russe", indique l'un des auteurs de l'étude, le démographe Jean-Marie Robine, directeur de recherche à l'Inserm et à l'Ecole pratique des hautes études.

M. Robine avait lui même rencontré plusieurs fois la doyenne de l'humanité dans ses dernières années. Il avait validé à l'époque son record de longévité, qu'il explique par "un mélange de bon patrimoine génétique et de chance".

Une chance sur 10 millions d'atteindre l'âge de 122 ans

Pour le docteur  François Herrmann, gériatre aux Hôpitaux universitaires de Genève et spécialiste de l'épidémiologie des personnes âgées, "la probabilité d'atteindre les 122 ans est mince, mais loin d'être impossible sur le plan statistique".

En étudiant la longévité de toutes les personnes nées en France en 1875 et en 1903, les chercheurs ont calculé qu'un centenaire avait une chance sur 10 millions d'atteindre l'âge de 122 ans.

"Considérant que l'humanité a accumulé au moins de 8 à 10 millions de centenaires depuis les années 1700, l'existence d'une personne de 122 ans autour de la fin des années 1900 est quelque chose de plausible", ajoute-t-il.

D'ailleurs, étant donné que la planète pourrait abriter 25 millions de centenaires en 2100, "la découverte d'une autre personne âgée de 122 ans (et même probablement un peu plus âgée) apparaît aussi comme quelque chose de raisonnable dans les années à venir", selon les auteurs.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité