Congrès mondial de la nature : en déficit tous les étés dans le sud-est, la gestion de l'eau enjeu majeur de demain

Une alerte sécheresse a été lancée fin août par la préfecture des Bouches-du-Rhône. Une de plus, comme tous les ans en Paca. Sur certains cours d’eau, la situation est critique. L'eau est plus que jamais un enjeu majeur du XXIe siècle, alors que s'ouvre à Marseille le congrès mondial de la nature.

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À Pernes-les-Fontaines, petite commune du Vaucluse, les Fontaines se sont tues. La municipalité a décidé de ne plus alimenter la majorité des 42 fontaines publiques de la commune. "L’eau est coupée le soir après 23h et elle se remet en route aux alentours de 6-7h du matin. On arrose aussi très peu les pelouses et bien évidemment la nuit", explique son maire Didier Carle.

Depuis près d’un an, les précipitations sont inférieures à la normale sur la plus grande partie de la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ajoutez à cela, chaleur et sécheresse estivales et vous obtenez une diminution marquée du débit de la plupart des cours d’eau. L’Huveaune, principal cours d'eau arrosant Marseille, est même pratiquement à sec à certains endroits.

La situation est inquiétante. En Paca, plus de 35 millions de m3 d’eau manquent ainsi chaque été. 21 bassins versants et nappes souterraines sont en déficit d’eau. Cinq des six départements de la région ont dû prendre des arrêtés sécheresse en 2020.

Une ressource en eau abondante mais inégalement répartie

En Paca, la ressource en eau est relativement abondante sur l'ensemble de l'année. Problème, elle est très inégalement répartie comme le montre la carte ci-dessous.

A 200 km au nord de Nice, le lac de Serre-Ponçon est la grande réserve d’eau de la région. Sur ses 1,27 milliards de m3, 200 millions sont réservés pour irriguer les terres agricoles de Provence.

Un contrat qui date de la construction du barrage en 1961. Le ministère de l’agriculture avait alors financé 12% de sa construction. A la sortie de l’ouvrage, le canal Durance-Verdon fournit ensuite les deux tiers de la ressource en eau dans les secteurs les moins dotés comme Marseille et Toulon.

Les problèmes en eau se concentrent l’été. En cause, la chaleur sur des épisodes parfois caniculaires et la sécheresse observée aussi en marge de la saison estivale. Et en raison du tourisme aussi. Dans le golfe de Saint-Tropez par exemple, la population est multipliée par dix en juillet-août. Difficile alors de pouvoir répondre à la demande en eau potable.

Depuis 2017, un Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE) a été mis en place pour analyser das le Var le fonctionnement des nappes alluviales du fleuve la Giscle et de la rivière Môle et leur vulnérabilité. Un système de tarification progressive incite également les usagers à une utilisation économe.

Un usage précautionneux de l’eau va s’imposer comme une nécessité absolue.

Hervé Le Treut, climatologue

La situation du sud-est de la France est loin d'être un cas isolé. Avec le réchauffement climatique et la croissance démographique, les situations de crise ne vont cesser d'augmenter. À l’horizon 2050-2070, le débit moyen des principales rivières de France devrait diminuer de 10 à 40% minimum, alerte Hervé Le Treut, climatologue et professeur à l’université de la Sorbonne.

"La gestion de l’eau devient de plus en plus saisonnière. L’été, l’évaporation directe de l’eau est en forte croissance dans toutes les rivières et plans d’eau et l’évapotranspiration des plantes est plus forte que par le passé. Cette notion d’évolution climatique reste mal comprise par la majorité des Français. Un usage précautionneux de l’eau va s’imposer comme une nécessité absolue".

Un milliard de m3 d’eau gaspillé chaque année en France

L'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse cherche des solutions pour établir une gestion sobre et économe de l’eau. Et surtout éviter une ruée vers l’or bleu où le premier arrivé serait le premier servi.

"Il faut apprendre à gérer collectivement la ressource en eau, explique Thomas Pelte, chef du service Ressource en eau. Des Plans de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE) sont construits en concertation avec l'ensemble des usagers du territoire (commune, industries, agriculture) et visent à garantir un partage équilibré entre les besoins des différents usagers et un volume d'eau suffisant dans les rivières et nappes pour minimiser l'impact écologique de ces prélèvements".

Pour Thomas Pelte, il existe deux types de leviers pour assurer l'avenir de la ressource en eau. D'abord lutter contre le gaspillage.

En France, un milliard de m3 d’eau est gaspillé chaque année. Les fuites dans les réseaux de distribution engendrent une perte de 20 % de l’eau distribuée.

La Société du Canal de Provence, concessionnaire de la Région Sud, explique suivre un programme de rénovation des infrastructures hydraulique régionales. Ce sont 30 % des recettes de vente d’eau qui sont ainsi réinvesties, pour environ 30 millions d’euros par an.

"Ce taux est le plus élevé parmi les grandes infrastructures de la région Sud", précise la Société du Canal de Provence. Le rendement des 5.600 km des réseaux est ainsi proche de 87%.

Autre réponse, prélever l'eau ailleurs en alimentant par exemple des champs grâce à des canaux venant de la Durance plutôt que d’une nappe phréatique. Ou encore stocker l’eau tombée en hiver pour l’utiliser en été.

Mais le stockage coûte cher. Il faut l’amortir sur plusieurs années et cela ne résout pas le problème du déficit en eau qui va progresser dans les prochaines années.

Grâce aux actions inscrites dans les PGRE, 14 millions de m3 d’eau ont été économisés ou substitués entre 2015 et 2020. 8,2 millions en agriculture et 5,8 millions en eau potable. Un effort qu’il va encore falloir accentuer.

Selon les experts, il n'y a pas de risque de pénurie en eeau en France, mais une bonne gestion des ressources s'impose. En France, une baisse de 10 à 20% des précipitations est attendue d’ici la fin du siècle, principalement en été.

Le congrès mondial de la nature à Marseille du 3 au 11 septembre

Annulé en 2020 à cause du Covid-19, le congrès mondial de la biodiversité se tient à Marseille à compter du 3 septembre. Pendant 8 jours, plus d'un millier de participants, chefs d’État, ONG et citoyens issus de 160 pays vont tenter d’impulser des actions urgentes à mener pour la planète.

Parmi les conférences au programme, plusieurs traiteront de l’eau et de sa préservation. Le 8 septembre, par exemple, de 16h45 à 17h30, le thème suivant sera abordé. « Agriculture biologique, agroécologie : quelles bonnes pratiques pour préserver l’eau et la biodiversité ». Cette table ronde réunira la régie publique Eau de Paris, la Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique et France Nature Environnement. En ligne de mire, évoquer les différentes pratiques et autres dispositifs d’accompagnement des agriculteurs pour une meilleure gestion de la ressource en eau notamment.

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