À Gardanne (Bouches-du-Rhône), le chantier de la centrale biomasse la plus grande de France est quasi terminé et les derniers tests sont en cours, mais sa mise en marche, prévue au deuxième semestre 2016, est contestée par les écologistes et des collectivités voisines.
Deux cent cinquante millions d'euros ont été investis par le groupe énergétique allemand EON pour transformer l'unité 4 de la centrale à charbon en centrale biomasse. Sa filiale, Uniper, indépendante depuis janvier, a pris la suite. Le projet prévoit de brûler 855.000 tonnes de bois par an pour une puissance de 150 MW.
Mi-janvier, les premières plaquettes de bois, près de 40.000 tonnes en provenance du Brésil, ont été réceptionnées.
Au démarrage, 55% du bois sera importé et 45% proviendra de ressources locales dont 60% issus de recyclage et de l'élagage et 40% de bois forestiers. A l'horizon 2026, Uniper utilisera 100% de bois local.
La production locale pourra-t-elle suffire ?
Ecologistes et scientifiques redoutent les répercussions de ce projet gigantesque -avec 2.500 tonnes de bois consommées par jour- sur la forêt régionale. Ils regrettent l'absence de toute étude d'impact sur la biodiversité ou la raréfaction du bois.
La filière bois est en outre particulièrement morcelée en Paca, 73% des propriétaires étant des privés. Pour Aline Salvaudon, du parc du Luberon, la demande en bois "dépasse la capacité de production de la forêt locale".
Pour répondre aux inquiétudes, le plan d'approvisionnement de la centrale a revu à la baisse le tonnage en bois local: 83.000 tonnes par an contre 331.000 prévues dans un premier temps. "A ce niveau, c'est soutenable, mais l'idée est de monter en puissance à 450.000 en dix ans", s'inquiète Mme Salvaudon.
Inquiètudes autour de la pollution atmosphèrique
L'Etat soutient la démarche de cette centrale au nom de la transition énergétique dans la troisième région forestière de France qui compte 1,5 million d'hectares de forêt (9% de la surface nationale) mais où la récolte de bois demeure faible : 720.000 m3 de bois brut en 2012, soit 2% de la production française.
Le projet "est une incitation au développement durable", a fait valoir Jean-Michel Trotignon, directeur de la centrale, lors d'une visite de presse du site. Il met en exergue une diminution de l'empreinte carbone de 4,5 par rapport à la production charbon grâce à un système de dépollution. Elle produit "100 fois moins de particules que le brûlage à l'air libre", ajoute-t-il. Le responsable vante aussi un meilleur rendement (40%) que celui des centrales classiques (30%).
La municipalité communiste de Gardanne et la CGT soutiennent la transformation de la centrale qui emploie 180 personnes. Mais les écologistes sont loin d'être convaincus sur ses performance en matière de prévention de la pollution. "Il y a certes des filtres à particules mais rien n'est prévu pour les toutes petites particules", dit Rémy Carrodano, membre d'un "collectif de vigilance".
"Cette centrale n'a aucun sens", fustige le député EELV François-Michel Lambert déplorant "l'argent public dilapidé et une pollution atmosphérique renforcée".
Trois recours déposés contre l'autorisation d'exploitation du site
Car Uniper "bénéficie d'une détaxe totale sur le charbon et 70 millions d'euros de subventions" avec l'achat d''électricité à un taux plus cher que sur le marché. Selon lui, "on ne s'en sortira que par la fermeture du site ou le versement de subventions ad vitam aeternam". A sept reprises, en 2014 et 2015, le député EELV a interrogé, par le biais de questions écrites, la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal. Elles sont restées sans réponse.
Les collectivités concernées craignent en outre une augmentation du prix du bois pour les particuliers et la mise en péril des petites chaudières biomasse gérées par les communes. "On brûle ce dont personne ne veut", affirme M. Trotignon notamment les déchets verts.
Trois recours ont été déposés pour demander l'annulation de l'autorisation d'exploitation de la centrale.
Précision : France 3 Provence-Alpes n'a pas été en mesure de couvrir la visite de presse à laquelle fait référence l'AFP dans cette dépêche, car la visite était exclusivement réservée à la presse écrite.