Il a quitté ce monde à l'âge de 90 ans, durant son sommeil. Il laisse derrière lui son personnage Mister G, l'autre lui-même, qu'il n'a cessé de mettre en scène dans ses photomontages, avec la complicité de sa femme. Le photographe au parcours atypique avait découvert son art à l'âge de la retraite
Avec le départ de Gilbert Garcin, c'est tout un univers qui disparaît... Un monde irréel, poétique et philosophique qu'il a réussi à rassembler dans des photomontages qui ont fait le tour de la planète.
De la lumière au noir et blanc
Ce vendeur de luminaires, natif de La Ciotat, avait découvert la photographie sur le tard, une fois retraité.
"Dans ma vie antérieure je n’aurai jamais imaginé avoir une telle activité entre 65 et 84 ans. Je me voyais bien aller à la pêche", confiait -il au journal La Croix en 2013.
C'est lors d'un stage aux rencontres de la Photographie d'Arles, qu'il découvre en 1995 l'art du photomontage en noir et blanc. L'ancien vendeur de lumières trouve sa nouvelle voie dans ce contraste.
Travail de minutie et de précision, Gilbert Garcin dit retrouver un peu de "sa passion pour les mécanos et modèles réduits" qui l'ont animé durant son enfance.
Mais au coeur de ses réalisations, il place très vite deux personnages, des clones de sa femme et de lui-même. Il nomme sa silhouette "Mister G", et l'habille avec le pardessus de son beau-père.
"Cela en fait un personnage neutre, un tantinet hors du temps", confiait-il au réalisateur Ralph Kämpfe, en 2013.
L'allure de Mister G fait penser tout à la fois à Monsieur Hulot de Jacques Tati et à la stature à nul autre pareil de Hitchcock.
Philosophie et poésie en noir et blanc
Mister G et son double féminin sont des miniatures que l'artiste place à l'envie dans des tableaux qu'il confectionne lui même.
Le sable des plages de la Ciotat où il habitait sert souvent de fond à ses compositions. Il y ajoute toutes sortes d'objets. Et photographie l'ensemble en noir et blanc.
Peiné d'apprendre la mort de Gilbert Garcin, photographe sur le tard, dont les photomontages mélangent avec légèreté, poésie tendre, onirique et philosophie sur la condition humaine. À découvrir où re-découvrir. pic.twitter.com/nI2yg73AgB
— Cédric Maurin (@ced_maurin) April 18, 2020
Le tout donne une ambiance surréaliste, qui rappelle sans conteste des tableaux de Magritte.
"Il y a un grand plaisir à créer l'illusion... Constamment je trompe les gens", racontait-t-il avec malice.
Car le photographe place ses personnages dans une mise en scène abstraite, intemporelle, poétique, philosophique... et drôle.
précisait-il auprès de Ralph Kämpfe. "Il faut recouvrir tout ça d'une couche d'humour... En plus je ne me force pas. C'est naturel, ça vient comme ça".Il faut avoir un certain recul, ne pas se prendre au sérieux
Ce sont ses"réflexions de la journée" qui inspiraient le photographe. Il agissait principalement "par sensibilité, par instinct".
"Je n'ai pas été formaté par une école des Beaux-arts, on ne m'a pas mis sur les rails.
J'ai un peu bénéficié de cet isolement pour construire mon petit univers à moi.
Les Rencontres D’Arles annoncent le décès du photographe marseillais Gilbert Garcin. Très grande tristesse. https://t.co/3vpQKqVzMI
— Gilles Rof (@gillesrof) April 18, 2020
Mister G et sa compagne ont voyagé à travers les galeries du monde entier.
Grâce à ses miniatures, Gilbert Garcin a ainsi trouvé sa place parmi les grands.