Brigitte Bardot interpelle le préfet au sujet des chèvres de la Nerthe et met en cause le maire de Châteauneuf-les-Martigues qui aurait "sabordé" le travail de sa fondation pour éviter la divagation des animaux. Ce dernier s'en défend.
"Petit shérif", c'est en ces termes que Brigitte Bardot qualifie Roland Mouren, maire de Châteauneuf-les-Martigues, dans les Bouches-du-Rhône. Dans une lettre ouverte envoyée au préfet au sujet des chèvres de la Nerthe, la présidente de l'association éponyme met en cause l'élu qui, selon elle, imposerait "par l’intimidation, sa loi aux autres élus du département".
"Le travail que nous menons depuis des années avec vos services et l’association Chèvres de notre colline pour éviter la divagation des chèvres de la Nerthe est systématiquement sabordé par Roland Mouren".
Le maire de Châteauneuf, "un excité du coin" responsable d'"abattages clandestins?"
Brigitte Bardot déclare que sa fondation a déjà pris en charge environ 150 chèvres, a financé la castration de boucs et la création d'enclos de capture. Un travail qui, selon l'actrice retraitée, serait mis à mal par la municipalité.
"Tout cela pour quoi, pour qu’un excité du coin use de son pouvoir de maire pour mettre en échec l’opération et fasse capturer les chèvres, y compris les boucs castrés, pour les envoyer on ne sait où et probablement in fine à l’abattoir ?
Les chèvres du massif de la Nerthe posent problème depuis des années. Historiquement, ces chèvres appartenaient bien à un particulier. Elles étaient dans un enclos, sur la colline. A son décès, les biquettes sont retournées à l'état sauvage et se sont reproduites. Rapidement.
Selon les dernières estimations de la mairie de Châteauneuf-les-Martigues, plus de 1.000 chèvres divagueraient actuellement dans cette zone proche de l'autoroute A55 et de la départementale D9, faisant craindre notamment un risque d'accidents.
Pour le maire de Châteauneuf-les-Martigues, Roland Mouren, c'est trop. "Je pense aux viticulteurs qui avaient d'énormes dégâts dans leurs vignes. Je pense à la biodiversité, nous avons un secteur sur la colline où rien ne repousse, donc il faut agir".
Captures, suivi sanitaire et éco-pastoralisme
La mairie a organisé de récentes captures mais assure qu'elles ne vont pas jusqu'à l'abattoir. "C’est une grave erreur que d’avancer de tels propos. L'abattoir est interdit : il faut une traçabilité avant d’envoyer les bêtes à l’abattoir. C’est de la sécurité alimentaire."
Des vétérinaires assurent un suivi sanitaire et vérifient qu'elles ne sont pas atteintes de brucellose, puis les chèvres rejoignent le cheptel d'un berger. "C’est ça ou l’équarrissage et bien sûr que je ne veux pas en arriver là".
Jean-Michel Caze, berger, y voit plusieurs intérêts : "Agrandir mon troupeau, parce qu'on fait beaucoup d'éco-pastoralisme en France et sauver ces animaux d'un accrochage et on les met en règles sanitaires". Avec l'éco-pastoralisme, les chèvres servent, par exemple, à débroussailler un espace.
La ville de Châteauneuf-les-Martigues a mis en place deux parcs de trappage en colline pour les capturer. "Ces opérations de trappage s'effectuent en coordination avec les services de l'État : la Direction départementale de protection des populations des Bouches-du-Rhône et la chambre d'agriculture".
La municipalité ne souhaite pas faire disparaître le troupeau mais bien le réguler et ceci dans le respect du bien-être des animaux.
Mairie de Châteauneuf-les-Martigues
Le rôle de l'association "Chèvres de notre colline"
L'association "Chèvres de notre colline" a vu le jour en 2015. Son but : "sauver de l’éradication les chèvres libres du Massif de la Nerthe près de Marseille".
Sur son site, l'association dit s'être dans un protocole précis : éloigner les chèvres des axes routiers par agrainage sur les hauteurs des collines, identifier et contrôler sanitairement tous les animaux, castrer les boucs pour limiter la prolifération.
En 2021, une équipe de France 3 Paca a rencontré Sylvie Vidal, présidente de l'association. "Sans la fondation Bardot, nous n'existerions pas. Ils ont toujours assumé totalement les frais vétérinaires".
L'association annonçait alors avoir castré 96 boucs et contrôlé 117 animaux sur le plan sanitaire.
Mais selon le maire Roland Mouren, l'association aurait "refusé de collaborer avec la ville" et ferait "obstruction aux opérations de trappage".
"Je ne fais plus confiance à l'association Chèvres de notre colline, déclare Roland Mouren. Sa présidente n’a jamais eu la volonté de diminuer le nombre de chèvres dans le massif. Elle refuse d’agir pour améliorer la situation. Or il faut agir professionnellement, et j'ai proposé d'aider. Ils ont levé 150 bêtes, moi 400. L'association n'assume pas ses responsabilités. Et je privilégierai toujours la sécurité des individus ".
En 2011, après de nombreuses plaintes d’agriculteurs et de riverains, la Préfecture avais émis l’idée de procéder à des abattages. A l'époque, les chèvres errantes n'étaient qu'au nombre de 60. Dans son arrêté, le préfet soulevait le problème du risque sanitaire. Des chèvres potentiellement malades qui menaceraient les troupeaux du massif de la Nerthe servant à produire la fameuse "brousse du Rove" classée AOP.
Cette initiative avait choqué la Fondation Brigitte Bardot qui s’était emparée de l’affaire. "Ce n’est plus une régulation mais bien une extermination pure et simple, s’était-elle offusquée. Il est ridicule et déplacé d’organiser des commandos armés, mobilisant de nombreux services publics, pour s’en prendre à de pacifiques chèvres".
Droit de réponse de l'association "Chèvres de notre Colline"
Nous avions tenté de contacter l'association au moment de la rédaction de l'article. Voici son droit réponse, envoyé après la publication :
1) Refus de collaboration : nous collaborons de fait puisque notre but est de limiter la prolifération. Le seul refus de collaboration dont il parle a été de ne pas avoir accepté de capturer les animaux à son profit en utilisant notre enclos. L’enclos a été financé par la FBB, des donateurs privés et nos adhérents dans le but de maintenir des chèvres gérées par l’Asso dans la colline et de ne pas les envoyer dans un filon commercial. Pensait-il que nous allions trahir tous nos soutiens ?
2) Obstruction aux opérations de trappage : AUCUNE ni physique ni écrite ni orale. La seule publication de l’Asso sur le sujet a été de louer son passage vers l’éco-pastoralisme (voir notre face book)
3) Jamais eu la volonté de diminuer le nombre : Quel but pense-t-il que nous poursuivions en castrant les boucs et donnant les femelles la FBB ? 155 castrations effectuées, opération interrompue tant que le Maire fait don de nos animaux castrés à des bergers.
4) Refuse d’agir pour améliorer la situation : L’Asso travaille seule depuis 2015 avec des résultats conformes a la feuille de route établie par la DDPP et même au-delà ; don des femelles, sécurisation de la A55, panneautage des routes et autoroute, et mise au point d’un programme d’éco-pastoralisme sur le massif pouvant régler tous les problèmes d’Ensuès à Martigues. Ce plan a été présenté à M. le Sous-Préfet d’Istres et à la direction de l’ONF. Il a été bien reçu par tous. Pourquoi changeraient-ils d’avis ?
5) Il a proposé d’aider : qui ? Pas nous en tout cas. Sauf en nous ayant autorisés et aidés à implanter notre 1er enclos de fortune sur terrain communal. Nous l’avons depuis remplacé par un enclos plus solide et plus technique. Il veut maintenant nous imposer de le supprimer… ! Pourquoi !?!?
6) N’assume pas ses responsabilités: Lesquelles… ? Il est important de souligner que nous avons rempli notre contrat sur la zone d’action qui nous a été allouée. La prolifération est due aux troupeaux voisins de la D9 et de la Méde non gérés, et HORS de notre responsabilité
7) Je (le Maire) privilégierai toujours la sécurité des individus : Nous aussi et sans lui ; nous avions proposé un projet de sécurisation de la A55 auprès de la Préfecture qu’il a refusé d’appuyer. Malgré ce, le projet a été approuvé par le Sous-Préfet et a été en partie réalisé. La suite est à l’étude. Nous avons aussi proposé un projet à la Direction des routes pour la D9 qui a été en partie réalisé (grands et petits panneaux) la suite également à l’étude.
8) La municipalité ne souhaite pas faire disparaître le troupeau mais bien le réguler et ceci dans le respect du bien-être des animaux !?!?!: C’est exactement ce que nous faisons. Nous avions fidélisé un troupeau à notre enclos loin des routes, avions castrés les males, donné en 2021 toutes les femelles à la FBB… quoi de mieux ? S’il pensait vraiment ce qu’il écrit, il profiterait de notre action au lieu de la saboter systématiquement, de nous faire démolir l’enclos, de capturer nos bouclés castrés et les déboucler pour les donner ! Dans son plan, rien n’est prévu de ce que nous faisons pour les animaux qu’il prétend vouloir laisser en place :
- pas de contrôle sanitaire
- pas de castration
- pas d’éloignement des routes et des vignes.
- Pas de protection des zones incendiées (dans notre projet les animaux seront dirigés en permanence par des bergers professionnels).