Marseille-Cassis 2021 : journaliste embarquée, laissez-moi vous raconter comment j'ai vécu cette course

Pour cette 42e édition, près de 18.000 coureurs (et courageux) sont sur le départ. Hélas, je n'en fais pas partie. À l'arrière d'une moto, je me glisse parmi la foule pour faire vivre les coulisses d'une course mythique. Foulée après foulée, de Marseille à Cassis, de la ferveur à la délivrance.

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Les cheveux blond vénitien et le regard aussi bleu que son short, Jean-Jacques, 46 ans, est en pleine concentration.

Depuis plusieurs minutes, il tente d'accrocher tant bien que mal son dossard à l'aide d'épingles à nourrice. "On voit qu'il a l'habitude !" lance Laïla, d'un ton moqueur, une casquette hawaïenne sur la tête.

Dans le dos du jeune homme de 26 ans, on peut lire "The Big Foot", écrit au marqueur noir. Une inscription qui laisse présager de grandes foulées.

"On a fait 200 kilomètres en deux mois pour notre préparation. On ne doit pas décevoir notre directeur qui court le Marseille-Cassis en 1h15", m'expliquent les deux employés d'une grande surface.

Eux se fixent comme objectif 1h40. "On s'est abstenu de boire et de sortir hier soir. Et par chance, on a l'air de passer à l'as, ou plutôt entre les gouttes car il ne pleut pas", poursuit Jean-Jacques, décontracté et tout sourire. 

Capricieuse quelques heures plus tôt, la météo s'est en effet décidée : ce sera venteux. Chacun sa technique pour se couper du mistral.

Certains enfilent des sacs poubelle ou encore des couvertures de survie. D'autres optent pour des combinaisons blanches de chimiste.

"On craint dégun, comme ils disent dans le sud", lance Steeve, en première ligne, sur le départ. "Même si on espère l'avoir dans le dos, ça pourrait aider quand même", nuance-t-il en riant.

Le départ approche, les coureurs sont prévoyants. J'en croise plusieurs, banane et barre de céréale en bouche. Avec quelques minutes de retard, la course s'élance enfin. En tête l'incontournable Morhad Amdouni, vainqueur des 20 kilomètres de Paris, trois semaines plus tôt. 

De mon côté, je me rapproche à moto des premières féminines. La chevelure ébène coiffée d'un chignon, l'une d'entre elles profite de son élan pour grappiller plusieurs places.

Allure de gazelle, elle s'échappe à près de 20 km/h. Mais déjà, je vois sur certains visages les traits qui commencent à tirer. Les coureurs attaquent le début d'une montée. 

Pour les relancer, une fanfare les attend au rond-point Luminy. Costumes rouges, trompettes et tambours : Marseille-Cassis, c'est aussi ça. Le plaisir et la fête. 

Kilomètre 5 : la fougue et l'énergie

La plupart ne prennent pas le temps de s'arrêter au point de ravitaillement. Ils arrachent les bouteilles d'eau des mains des bénévoles avant de tenter de viser le bac de récupération, 50 mètres plus loin.

À l'aide d'un bâton équipé d'une pince au bout, une femme ramasse les flacons jetés par terre tout en évitant les éclaboussures. "Je suis là pour attraper les tirs loupés" répond-elle. "Ça doit être une course propre et responsable car on entre dans le parc national des calanques." 

Cette année, pas d'abricots secs ni d'oranges fraîches sur les tables. "On ne distribue que de l'eau pour des raisons sanitaires", explique Elizabeth, la responsable du stand.

"C'est dommage qu'il n'y ait rien à manger, mais bon c'est le Covid", regrette Ludovic dans la course. 

À bord du scooter électrique, je profite du large panorama qui s'offre à moi. Sur ma droite, la rade de Marseille. Devant et derrière moi, des centaines de coureurs essoufflés. Un ou deux marchent. Le plus dur commence. Nul choix que de serrer les dents sur le col de la Gineste. 

Kilomètre 10 : la souffrance 

"On a vaincu la Gineste" s'exclame un coureur d'une cinquantaine d'années, cheveux poivre et sel, les bras en étendard, en arrivant sur le deuxième point de ravitaillement.

La moitié de la course entamée, la moitié des efforts aussi. À ma question "Comment s'est passée la montée ?", Margaux, un bandeau rouge sur ses cheveux blonds, réplique aussitôt : "Assez costaud mais ça va."

Athlète licenciée dans un club de Bordeaux, elle ne perd pas de temps et poursuit sa route, le sourire aux lèvres. 

Quoi qu'il arrive, plus loin, une compagnie jamaïquaine, un groupe de pom-pom girls ou encore un spectateur en tenue de ski sauront les rebooster. 

Kilomètre 15 : le mental

"Les 3/4 sont faits, c'est la tête qui prend le relai", lance Bertrand, un coureur barbu d'une trentaine d'années.

Je m'aventure à courir aux côtés de Joëlle, équipée d'affaires roses de la tête aux pieds, pour vérifier ses propos. "Oh c'est dur avec le vent", me confirme-t-elle. "Encore 5 et puis c'est bon !" se dit-elle pour se motiver. 

Sur le bord de la route, Nasson attire mon attention. "Nous, on est les ramasseurs de l'extrême !" crie-t-il fièrement avant de rire à gorge déployée.

"Imaginez-vous 18.000 bouteilles multipliées par deux, avec ça il faut tenir le rythme !" D'un air farceur, le bénévole explique : "J'ai mal au genou donc je participe à Marseille-Cassis à ma manière."

Puis vient la descente et les visages qui se relâchent avec. "Ça s’arrose le Marseille-Cassie, allez vous avez fait le plus dur, reste le plus facile", encouragent les bénévoles, tous vêtus de K-way mauves. Au loin, on aperçoit la baie de Cassis et son majestueux Cap Canaille. 

"Excellent monsieur", félicite un jeune homme, la vingtaine, au bout de son mégaphone. "Vous allez avoir une photo magnifique", s'exclame une photographe après la grimace d'un coureur.

De quoi donner des idées à celui d'après qui s'élance pour sauter à pieds joints et prendre la pause dans l'air. "Vive Cassis et le Pastis", s'amuse encore à dire un autre. 

Peu ont l'oeil rivé sur leur montre ou des écouteurs dans les oreilles, et beaucoup prennent la course avec plus de légèreté. C'est le cas de ces trois amis que j'aperçois dans un petit chemin entouré d'arbres. Maillots de football de l'équipe de France sur le dos et bonnet en forme de coq sur la tête, ils se serrent les coudes dans la bonne ambiance. 

Floriane, elle, court pour les pompiers. Allure déterminée avec tout l'attiral d'une coureuse de fond, elle finit par lâcher : "Je crois qu'il faut que j'accélère si je veux finir dans les temps".  

Kilomètres 20 : la délivrance

Enfin, la dernière ligne droite. Elle est digne d'une entrée hollywoodienne sur un tapis rouge flamboyant déroulé au milieu des vignes de Provence.

Les coureurs lèvent les bras au ciel. Signe de satisfaction à l'américaine ? 

Des Toulousains se charrient, se tapent sur l'épaule. Avant de répondre en chœur, les pouces levés : "Ah c'était génial !" La tante rigole : "Il m'a rattrapée, il m'a foutu le stress", en regardant son neveu, l'air complice. 

"Allez l'OM" ,s'esclaffe Olivier, un parisien supporter du club marseillais. Forcément, j'étais obligée de l'interviewer : "46 ans, 1h46, je suis content", dit-il fièrement.

Après avoir fait 16 marathons, le coureur n'a pas vu le temps passer sur cette course: "Je pensais que ça montait plus et finalement ça passe crème, avec le paysage !" 

Tous, à l'arrivée, s'accordent tout de même pour me confier : "Les pires, ce sont les deux derniers kilomètres!"

Thibaut, lui, est venu de Bretagne et se réjouit : "Le plus important, c'est la médaille, je vais pouvoir l'afficher dans la chambre avec toutes ses potes médailles."  

Bravo à tous, vous m'avez convaincue. C'est décidé, je m'inscris l'année prochaine. 

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