Des commerces qui ferment, des immeubles frappés de péril imminent, des locations saisonnières partout, le centre-ville de Marseille change. Avec quelles perspectives ? Un urbaniste donne sa vision des choses.
Le centre-ville de Marseille ressemblera à une crise du logement. C'est l'opinion, un brin exagérée, d'Emmanuel Patris, urbaniste et président de l'association "Un centre-ville pour tous". Depuis la crise du Covid-19, les achats en ligne ont fait un bond. Des commerces tirent le rideau. Et les Marseillais ont du mal à se loger, les appartements en location saisonnière ne font qu'aggraver une situation existante.
France 3 Provence-Alpes : Quel regard portez-vous sur la place des locations saisonnières à Marseille ?
Emmanuel Patris : Marseille est très dynamique pour la location saisonnière : 12.000 logements sont à louer contre 9600 l'an dernier. L'appât du gain, des JO alléchants... Autant de logements qui ne sont pas disponibles pour des foyers.
Comment le quartier Noailles évolue-t-il ?
Après l'effondrement des immeubles de la rue d'Aubagne, des milliers de bâtiments ont été sinistrés. Aujourd'hui, nous en sommes toujours à 30 par mois, c'est-à-dire un par jour. La dégradation va se poursuivre. Cela accélère la crise du logement. La mécanique des taudis et les marchands de sommeil profitent du manque de logements.
On appelle Noailles "le ventre de Marseille". La clientèle est là pour les primeurs et les aliments bon marché. Mais en bas de la rue d'Aubagne, des restaurants et quelques boutiques ont ouvert. La rue se gentrifie, alors qu'elle est presque équivalente à la Belle de Mai. À Noailles, le revenu moyen est en dessous de 1000 euros. Il faudrait réguler ce marché immobilier sans évincer la population.
On retrouve le même type de commerçants au marché de la Plaine avec des fripes et de l'alimentation, à bas prix.
La rue de la République trouvera-t-elle sa vocation ?
Avant la rénovation de cette immense rue, de petits artisans y travaillaient. Ils ont été remplacés par des magasins de prêt-à-porter, des franchises. Ces magasins ferment les uns après les autres, peut-être parce que la clientèle n'a pas les moyens d'acheter leurs produits. Les artisans, eux, ne reviennent pas.
Les bobos gentrifient-ils Marseille ?
C'est une tentative vieille de 25 ans. Surtout dans les quartiers de Noailles, du Panier et de la rue de la République. On peut dire qu'au Panier, le résultat a finalement été atteint.
Quels sont les projets pour les logements en centre-ville ?
Quatre îlots de logements sociaux seront construits à Noailles, ce qui est évidemment insuffisant. L'État, la ville et la Métropole laissent la situation se dégrader. Faute de régulation, les mécaniques deviennent très libérales. Les prix des locations et des ventes augmentent, les habitants les plus pauvres se retrouvent dans des logements sociaux à l'extérieur du centre-ville. Des logements qui sont souvent très mal tenus, dans des quartiers ou les transports sont défaillants.