Abus et violences : placements d'enfants, quand la justice déraille selon un avocat à Marseille

C'est un véritable coup de gueule que pousse Maître Michel Amas contre le système de la justice pour enfants en France. Cet avocat marseillais dénonce notamment des placements abusifs et des violences dont seraient victimes des centaines d’enfants. 

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Maître Michel Amas dénonce le système de la justice pour enfants en France. Le 15 juillet dernier, l'avocat marseillais a fait le "buzz" grâce à une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Son témoignage touche alors près de 4 millions de personnes. 

Dans cette vidéo, Michel Amas pousse un "coup de gueule" contre les situations "injustes subies par les parents et les enfants dans le secret" des bureaux des juges pour enfants. "L'un des problèmes aujourd'hui, c'est que personne ne parle de cette situation et des problèmes de cette justice. Il n'y pas de public, pas de presse lors des audiences. Et puis les parents ont honte, donc certains ne prennent pas d'avocat". 

Pour franceinfo, l'avocat raconte également une affaire récente qui l'a "profondément marqué". Elle concerne "la destruction d'une famille après le placement des quatre enfants".

Je n'ai jamais vécu de choses aussi violentes que le placement d'enfants.

Des histoires comme celle-ci, Michel Amas en a des centaines. Avocat en droit des affaires et en droit pénal depuis 30 ans, le marseillais officie depuis le 12 septembre 2018 auprès de parents, "à 90% des femmes seules" pour tenter de récupérer leurs enfants.

"Une personne que je connaissais m'a sollicité. J'ai gagné ma première affaire, puis une deuxième... Avec le bouche à oreille, j'en suis aujourd'hui à près de 150 dossiers. En 30 ans de carrière, je n'ai jamais vécu de choses aussi violentes que le placement d'enfants".

Désormais, le juriste sillonne la France, de Mulhouse à Cahors, de Marseille à Mont-de-Marsan, de Versailles à Mâcon pour "aider des parents à récupérer leurs enfants". Pour Me Amas, à chaque audience les jeux sont déjà faits, le représentant des parents "n'a pas d'armes pour les aider".

"Aujourd'hui, nous ne sommes pas acteurs de la procédure. Les parents n'ont aucun moyen de défense et les enfants en danger ont moins de droit qu'un terroriste".

Quatre enfants envoyés en foyer...

C'est le cas notamment de Rodolphe, veuf depuis 2013, dont les cinq enfants de 9 à 17 ans ont été placés en octobre 2018, moins d'un an après son arrivée en France.

"J'ai honte d'être français, je suis révolté. En Belgique, on ne m'a jamais traité de la sorte. Ici, on m'évite et surtout mes enfants ne sont pas en sécurité", affirme ce père de 40 ans.

Le placement a été "brutal" pour cet habitant des Landes : le décès de sa femme dans un accident de la route. Rodolphe perd pied, mais assure réussir malgré tout à s'occuper de ses enfants.

Mais un jour tout bascule. Ses quatre premiers enfants sont envoyés en foyer, la dernière en famille d'accueil. Rodolphe peut voir ses deux ainés un week-end et ses trois plus jeunes le week-end suivant.

"Les gendarmes sont venus les chercher à l'école alors que j'étais en train de travailler sur les marchés. Et maintenant chaque semaine ou chaque mois, un événement dramatique se produit".

...deux de ses filles agressées sexuellement

8 jours après le placement, l'une de ses filles âgées de 16 ans est agressée sexuellement. Un mois après, sa fille de 14 ans subit elle aussi une agression sexuelle. Ses enfants sont fréquemment victimes de coups, d'agressions physiques ou verbales. Ces derniers jours, Irina* et Marie*, deux de ses filles ont fugué. 

"C'est un véritable calvaire. Mes enfants sont clairement en danger et les magistrats et les assistances sociales ne font rien. Mon crime est d'être un papa veuf avec 5 enfants".

En avril, pour avoir rendu sa fille trois jours plus tard, ses droits de visite ont été suspendus. Malgré une audience le 5 juillet, la situation ne s'améliore pas.

"Je l'ai gardé trois jours de plus car elle devait être entendue dans une affaire d'agression sexuelle, dont elle a été victime. Elle voulait que je l'accompagne plutôt qu'elle y aille avec des personnes du foyer où elle a été agressée. Mon tort est juste d'avoir voulu accompagner ma fille au commissariat", reconnaît Rodolphe.

"Des droits d'hébergement pour un autre enfant placé"

Ce père a porté plainte plusieurs fois notamment en raison des violences subies par ses enfants. Et durant l'année, Rodolphe a également vécu une situation ubuesque.

"On m'a octroyé des droits d'hébergement pour un autre enfant placé, un ami d'une de mes filles également résident d'un foyer. Je l'ai accueilli comme un fils, je ne comprends pas le raisonnement de la justice". 

Aujourd'hui, Rodolphe vie un enfer. Sa famille a subi de nombreux préjudices à la fois financier, "près de 35.000 euros", psychologique, esthétique, mais surtout humain. 

"On fait souffrir mes enfants alors que les éducateurs sont clairement en faveur de la levée du placement. La responsabilité de l'Etat est clairement engagée".

Une à deux heures de visite par mois

En cas de placement de l'enfant, au départ pour six mois, les parents ne peuvent le voir en général qu'une à deux heures par mois. L'avocat nous donne l'exemple de cette mère de famille de Versailles, frappée par son mari.

"Avant la mise en place d'une mesure de protection envers son mari, les services sociaux sont venus (...). Ses deux filles ont été placées directement à Mulhouse. Elle fait deux fois 1.200 km par mois pour voir deux heures ses enfants sans pouvoir les prendre dans ses bras. Derrière obligatoirement la relation avec les services sociaux se tend".

Autre témoignage celui de Virginie Lledo. Cette mère célibataire, habitante de Villeneuve-sur-Lot, élève seule ses trois enfants, quand on lui propose un contrat à Paris.

"Je démarrais mon contrat alors j'ai laissé mes enfants à ma mère. Deux jours plus tard, les services sociaux m'ont contacté pour me rencontrer", indique Virginie. 

30 secondes d'explications à ses enfants

La mère de famille se dit "victime d'une dénonciation calomnieuse d'un homme reprochant la forte agitation de son fils".

Le lendemain, la femme dépose ses enfants au centre aéré, puis rencontre les services sociaux. Quinze minutes plus tard, des policiers arrivent pour récupérer les enfants avec une ordonnance de placement provisoire.

"J'ai eu 30 secondes pour leur expliquer, ils n'ont rien compris à ce qui arrivait, puis j'ai eu le droit à ma première visite deux mois plus tard", raconte Virginie.

Depuis avril, elle ne voit ses enfants qu'une heure par mois contre deux auparavant. Ses deux jumelles et son fils de 8 ans ont été placés le 30 janvier.

Son fils a dernièrement tenté de se défenestrer

Désormais, ses enfants vivent dans des familles à 30 et 50 km de chez elle. L'une de ses filles a changé six fois de familles d'accueil. Son fils a dernièrement tenté de se défenestrer. La mère ne peut actuellement rien faire pour les récupérer.

"J'ai l'impression que la justice veut m'effacer de la vie de mes enfants. Je ne suis pas entendue. Maintenant je suis prête à me mettre en danger, notamment entamer une grève de la faim pour dénoncer tout ça".

Dans d'autres dossiers de Michel Amas, certains enfants fuguent, "quatre dans trois de mes dossiers" voir "même pire, six ont été violés en foyer. Mais les mesures de placement continuent".

Le placement casse le lien parent/enfant

L'un des autres problèmes relevés par l'avocat est la destruction du lien entre le parent et l'enfant. 

"On enlève tout à l'enfant; les activités scolaires, le sport, les copains de classe, les grands-parents. C'est une violence sans nom et à 18 ans, on vous met dehors sans repère. 80% des sans domicile fixe sortent de l'aide sociale à l'enfance pour moi".

Avec son expérience, Michel Amas compare la situation des mineurs délinquants et des mineurs en danger.

"Pour les mineurs délinquants, des programmes sont prévus, de la réinsertion, alors que pour les mineurs placés c'est différent".

500 dossiers à gérer pour une juge

Pour lui, les causes de ce dysfonctionnement sont connues. L'avocat ne pointe pas du doigt les juges et les services sociaux, mais plutôt "le système judiciaire".

"Les juges des enfants sont écrasés par les dossiers, changent trop régulièrement et surtout la protection du mineur en danger n'est qu'une petite partie de leur travail face à la délinquance. De son côté, l'Aide sociale à l'enfance ne fait pas mal son boulot, elle est dépassée. Les deux ont trop de dossiers à gérer. Comme cette juge à Marseille qui gère 500 dossiers". 

Un projet de réforme de la justice pour enfants

L'avocat préconise un changement du système judiciaire pour améliorer la situation. Avec des élus marseillais et nationaux, Michel Amas réfléchit à un projet de réforme de la justice pour enfants. 

"Il faut que ça s'arrête. Nous sommes en train de lever un loup. Il faut créer "l'avocat de l'enfant" et éviter les 6 placements sur 10 qui ne se nécessitent pas".

Le juriste entend notamment dissocier la justice des mineurs en danger et la justice des mineurs délinquants, mais également "rétablir une égalité entre le juge, les services sociaux et l'avocat. Il faut protéger l'enfant, ce qui actuellement n'est pas du tout le cas".  

Contactés les services de protection de l'enfance n'ont pas encore répondu à nos sollicitations. 
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