L'avocat de Jean-Noël Guérini a plaidé vendredi à Marseille la prescription ou la relaxe de son client accusé d'avoir favorisé les affaires de son frère.
"J’ai l’honneur de défendre Monsieur Guérini, ce n’est pas un propos galvaudé, c’est d’être contraint de l’accompagner dans une défense devenue nécessaire au crépuscule de sa vie".
Concentré, la tête baissée, les lunettes sur le nez, le bâtonnier Mattei se lance dans la plaidoirie pour son client, Jean-Noël Guérini.
Depuis le début de l’affaire en 2009 et sa mise en examen le 8 septembre 2011, l’avocat suit l’ex-président du Conseil Général et toujours sénateur. Le bâtonnier Mattei use de l’anaphore pour mieux marquer l’esprit des trois juges qui l’écoutent en ce début de matinée.
"Cet homme a été plongé dans une cascade judiciaire enfin juste. Effacée, la complicité d’obstacle à la manifestation de la vérité, la destruction des ordinateurs. Effacé, le trafic d’influence. Effacé le favoritisme. Effacé le détournement de fonds publics. Effacée l’association de malfaiteurs en vue du trafic d’influence et du recel de ce trafic, la plus odieuse et la plus infamante. Seule reste une petite fleur judiciaire que j’allais dire crépusculaire : la prise illégale d’intérêt."
Le conseil de l’ancien homme fort du département des Bouches-du-Rhône, loue les propos tenus par son client pendant l’audience.
"J'ai aimé qu’il puisse s’exprimer avec une de conviction qui a été parfois échevelée" et continue d’use de la formule anaphorique : "Je n’ai pas aimé les parties civiles avec leur langage journalistique. Je n’ai pas aimé l’hoirie Fredon-Semaire qui a utilisé le parfum appuyé de la caricature. Je n’ai pas aimé Anticor à l’agrément provisoire, une association suspectée de financement douteux. Je n’ai pas aimé le conseil départemental venant réclamer un préjudice moral avec une présidente qui a participé au vote querellé aujourd’hui sous forme de prise illégale d’intérêt."
"Tous sont venus réclamer de l’argent et pas de petites sommes !"
À propos du réquisitoire sévère prononcé deux jours plus tôt, le bâtonnier Mattei caresse d’abord les deux procureurs avant de les fustiger.
"J’ai entendu le réquisitoire, de deux procureurs talentueux, qui ont joué la symphonie de la suspicion. Je n’ai pas aimé le vocabulaire employé pour décrire Jean-Noël Guérini en professionnel du mensonge. On a fait feu de tout bois ; pour l’accusation, l’indice devient une preuve, sans démonstration. Je n’ai pas aimé la pénalisation de certains mots comme la préemption, c’est uniquement pour pallier le déficit de preuve."
Ensuite l’avocat reprend point par point les éléments développés par l’accusation, qui concerne la prise illégale d’intérêt supposée contre Jean-Noël Guérini.
Ces accusations concernent la préemption d’un terrain à La Ciotat, par le Conseil Général des Bouches-du-Rhône qui l’a classé au titre d’espace naturel remarquable, parce que pousse une plante remarquable le liseron duveteux.
Cette décision a été prise par la commission permanente de la collectivité, le 22 novembre 2004.
Quelque temps plus tard, le préfet de l’époque signe une déclaration d’utilité publique, permettant l’extension de la décharge mitoyenne qui accueille les déchets de la Communauté du Pays d’Aubagne et de l’Etoile, décharge exploitée par Alexandre Guérini.
Maître Dominique Mattei pointe l'enquête du juge Duchaine, qui a démarré cette vaste enquête.
"Ça a duré longtemps, très longtemps, l’enquête est de 2009. C’est un dossier difficile, complexe, confus qui d’une certaine façon, trahit l’esthétique judiciaire. En l’espace de quelques mois, le Conseil Général est devenu une jungle judiciaire avec un juge, devenu une sorte fauve de la loi, qui n’écoutant que ses élans répressifs, reniflait les effluves éventuels d’un détournement de fonds publics, convaincu que Guérini avait été gourmand de fonds publics."
Maître Dominique Mattei part du point de départ de cette tentaculaire affaire une lettre anonyme adressée en février 2009, au procureur de la République de Marseille, "probablement venue d’un petit voisin qui doit être influent et excédé par le bruit d’un voisinage politique à succès, une petite délation encombrante, dont je ne cherche pas ici l’inspiration. Car ici je la devine."
À propos du préfet de l’époque et de sa décision de déclaration d’utilité publique, l’avocat regrette que le représentant de l’État, de l’époque, Christian Frémont n’ait pas été entendu au cours de l’enquête.
Pour terminer, Dominique Mattei plaide la prescription de la décision prise en commission permanente le 22 novembre 2004. "Le reste n’est que circonvolution judiciaire."
Avant de conclure après un peu plus d’une heure de plaidoirie le bâtonnier Mattei tonne : "tant pis si un innocent est condamné, car il faut sauver le dossier ! Tant pis qu’un homme politique en fin de carrière soit sacrifié ! Est-ce qu’on va dire tant pis, dans les attendus du jugement ? Je ne le tolérerai pas !"
Plus mezzo voce en guise de conclusion un dernier argument visant à excuser son client au sujet du clientélisme et sa carrière politique : "pendant 30 ans les électeurs lui ont fait confiance, peut-être il y a eu du clientélisme. Il a tendu la main parfois par pitié. Et puis il y a aussi les grands électeurs qui lui ont renouvelé leur confiance en le consacrant à nouveau. Faut-il qu’il soit à ce point mauvais ?"
"Je défends un petit fonctionnaire"
Deuxième avocat à plaider en ce vendredi, Me Guy Alias. Son client c’est Raymond Bartolini. La justice lui reproche des faits de favoritisme au sujet de la décharge de la Vautubière à La Fare les Oliviers exploitée par une société d’Alexandre Guérini.
Le conseil de l’ex-élu et ancien directeur technique de la maire de Berre-l’Étang s’adresse aux juges : "J’ai beaucoup de respect pour l’homme politique, je reconnais leur courage. Il n’y a que des coups à prendre. J’en ai aussi, pour les fonctionnaires aussi. ; accablé par un redressement fiscal qui s’élève à 2.026.000 euros. Il a vendu sa maison. Vous l’avez compris, je défends un homme brisé."
Les plaidoiries de la défense reprennent mardi.