Les avocats de hauts fonctionnaires du département des Bouches-du-Rhône et de la Métropole accusés d'avoir détruit des preuves ou faussé des marchés publics, ont défendu jeudi à Marseille la probité de leurs clients qui auraient agi sous pression.
Certains les présentent comme des victimes du système Guérini. Rémy Bargès, ancien directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini, était l’un des plus proches collaborateurs de celui qui, dans les années 2000-2010, était présenté comme l’homme fort du P.S dans les Bouches du Rhône.
La justice lui reproche d’avoir détruit des preuves, plus particulièrement quatre ordinateurs au cabinet du président du conseil général des Bouches-du-Rhône.
Le parquet a requis contre lui un an de prison avec sursis.
Michel Karabadjakian, ancien patron de la propreté à la Communauté urbaine de Marseille s'inscrit aussi dans le rang des "victimes". Selon l’enquête Alexandre Guérini, exerçait des pressions sur Michel Karabadjakian, sur plusieurs marchés publics de traitement des déchets.
La justice lui reproche des faits de favoritisme et d’avoir violé le secret professionnel. Le parquet a requis, à son encontre un an de prison avec sursis et 10.000 euros d’amende.
Le premier avocat à ouvrir cette première journée de plaidoiries, Me Olivier Lantelme, défend avec passion, Rémy Bargès, depuis sa mise en examen en mai 2011.
Ses premiers mots sont simples : "il va falloir relaxer Rémy Bargès, sauf à désespérer, sauf à dire que vous avez perdu le sens du juste, vous devez réhabiliter l’homme en souffrance, l’homme probe, le laver de ses salissures, celui qui est venu vous le dire, sans être obséquieux, sans être condescendant".
L’avocat présente son client comme une "pépite intellectuelle, une perle de probité". Le conseil de l’ancien directeur de cabinet, décrit la lente descente aux enfers de Rémy Bargès, ses longs mois sans activité professionnelle.
Un changement d'ordinateurs prévu de longue date
Il a été tout à tour sherpa bénévole de Michèle Rubirola, attaché parlementaire de Marie-Arlette Carlotti, pour ensuite avoir une proposition de formation de chauffeur de bus. Finalement, il devient attaché parlementaire de François-Michel Lambert, député de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône.
Me Olivier Lantelme, aborde les faits de destruction de preuves reprochés. "Je vais vous proposer une écriture qui va faire souffler le vent de la réhabilitation".
Depuis sa mise en examen, Rémy Bargès le 30 mai 2011, ne cesse de dire que le changement d’ordinateurs était prévu de longue date et que lorsque l’affaire Guérini a été révélée par la presse, le directeur de cabinet a accéléré le processus de changement de matériel les 19 et 20 novembre 2009.
"Il voulait protéger des données politiques, pour éviter qu’ils soient étalés publiquement. Des informations, comme il y en a dans tous les cabinets politiques, les cabinets d’avocats ou les entreprises de presse, il est dans son job, pas dans l’infraction".
"Il a été transparent, il a dit la vérité"
Parmi les quatre ordinateurs changés, deux étaient utilisés par les secrétaires particulières de Jean-Noël Guérin. L’avocat de Rémy Bargès indique que son client ne s’est pas occupé de ces matériels "ce n’est pas lui qui a pris l’initiative de ce changement, il l’a seulement accepté, et il se retrouve ici !"
L'avocat insiste. Son client "protéger son institution en mode gestion de crise, il avait un devoir de loyauté envers les équipes de les protéger contre la déferlante médiatique".
Après plus d’une heure de plaidoirie, l’avocat s’adresse une dernière fois aux juges : "je vous laisse cet homme de confiance…il a été transparent, il vous a dit la vérité, il s’est mis nu devant vous. Il ne doit pas être sacrifié à la place d’une autre ou d’un autre".
Pendant toute la plaidoirie de son avocat, Rémy Bargès a pris des notes dans son carnet, avant de se recroqueviller sur lui-même, lorsqu’ont été abordées les souffrances qu’il a endurées depuis près de dix ans.
"Un homme ordinaire placé dans une situation extraordinaire"
Me Nathalie Schmelck a ensuite pris la parole pour David Zerbib soupçonné de blanchiment. Banquier d’affaires, il a aidé Alexandre Guérini pour des montages financiers.
L’avocate a reproché un réquisitoire surprenant qui a mis en évidence de nouvelles charges contre son client.
Au début d’après-midi, les deux avocats de Michel Karabadjakian prennent la parole. Premier à la barre Me Serge Tavitian explique avoir reçu "un homme brisé, un homme ordinaire placé dans une situation tout à fait extraordinaire".
Le conseil de l’ancien directeur général adjoint en charge des déchets de la Communauté urbaine de Marseille (devenue depuis Métropole Aix Marseille, ndlr) décrit le piège dans lequel est tombé son client et la spirale dans laquelle il a été entraîné à partir du moment il a rencontré Alexandre Guérini.
Alexandre Guérini dans le rôle du harcéleur
L'avocat décrit des scènes de harcélement moral. Une fois en poste au sein de la collectivité, ce haut fonctionnaire est harcelé continuellement au téléphone par Alexandre Guérini, qui lui intime de modifier ou de changer des marchés de collecte et de traitement des déchets, ou lui conseille de rencontrer des personnes.
Et quand les ordres tardent à être effectués, les menaces pleuvent. "Cet homme a tout fait pour s’en sortir et résister", justifie Me Tavitian.
"Pour ce marché, de collecte et de traitement des déchets, il lui est reproché d’avoir sollicité un avocat, Me Olivier Grimaldi, à la demande d’Alexandre Guerini". Olivier Grimaldi était, à l’époque très proche d’Alexandre Guerini.
Me Tavitian relève que son confrère Grimaldi, n’est pas présent à l’audience pour parler de cette consultation. "Michel Karabadjakian était un homme sous influence, cette institution, la CUM, était sous influence, pour remplir et servir les intérêts de Jean-Noël Guérini pour qu’il puisse devenir maire de Marseille". L'avocat demande la relaxe.
"La fuite d’aujourd’hui vaut la fuite d’hier"
Me Christophe Bass prend ensuite la parole pour la défense de Michel Karabadjakian, il reprend les mêmes arguments que son confrère à propos de l’influence et la pression exercée par Alexandre Guérini sur son client.
L’avocat, s’étonne de ne pas voir à l’audience Eugène Caselli, le président socialiste de la Communauté urbaine de Marseille. Dans ce dossier, "c’est le grand absent", "on aurait pu attendre une explication".
"On aurait pu attendre une explication du supérieur de mon client. La fuite d’aujourd’hui vaut la fuite d’hier. Michel Karabadjakian, n’a personne à qui parler, il se recroqueville sur lui-même…il a tout fait pour résister. La consultation de l’avocat, il ne l’a pas faite en douce. C’est un acte de résistance !"
L’avocat évoque les dix années passées depuis sa mise en examen, les souffrances endurées "son frère a changé de nom ! Je vous demande d’ouvrir une nouvelle page de sa vie".
Les plaidoiries de la défense continuent, ce vendredi. L’avocat de Jean-Noël Guérini devrait plaider en début de matinée.