Le procureur de la République de Marseille a détaillé ce lundi le démantèlement d’un réseau international de fabrication et de ventes d’armes fabriquées avec une imprimante 3D. Une arme de ce type a été utilisée pour la première fois dans une tentative d’assassinat à Marseille le 11 juin 2023.
Un gros coup de filet qui met en lumière un nouveau phénomène inquiétant dans la cybercriminalité. Quatorze personnes ont été interpellées dans le cadre d'une enquête sur la fabrication et la vente d'armes en 3D, a indiqué au cours d'une conférence de presse, le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, lundi 5 février.
Une enquête internationale qui a mobilisé 300 gendarmes
Ce sont 300 gendarmes qui ont été mobilisés la semaine dernière dans toute la France, en Paca, Ile-de-France, Grand Est, Bretagne et Occitanie. Douze personnes ont été présentées à la justice, et six ont été écrouées. Cinq d'entre elles ont été placées sous contrôle judiciaire, dont une à domicile avec un bracelet électronique.
L'affaire a démarré il y a un an, quand les gendarmes du groupe de surveillance du Darkweb sont tombées sur une annonce sur le fil Telegram. En s'infiltrant, ils ont repéré les trois premiers suspects, dans la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var). Rapidement, l'enquête a pris une dimension nationale et internationale, confiée à la Juridiction Interrégionale Spécialisée de Marseille.
Les auteurs sont des "libertariens"
Le leader présumé de cette organisation et de ce trafic, âgé de 26 ans, a quitté le Var pour s'installer en Belgique. Ce dernier fait l'objet d'un mandat d'arrêt européen. Ils sont tous "relativement" jeunes, indique le parquet. Le plus jeune est âgé de 18 ans, le plus âgé a une trentaine d'années. Certaines de ces personnes sont déjà connues pour un certain nombre d'infractions, d'autres n'ont pas d'antécédents judiciaires. "Nous nous trouvons avec des profils de ce que nous pouvons appeler des 'libertariens', défendant une idéologie selon laquelle "chacun doit pouvoir s'armer contre l'Etat et contre toutes les sortes d'atteinte".
"Toutes ces personnes partagent une idéologie très radicale, qu'elle soit d'extrême droite ou d'extrême gauche ou des écologistes radicaux", précise le colonel Hervé Pétry, chef de l'unité nationale cyber de la gendarmerie, basée à Pontoise.
Parmi les suspects interpellés, il y a ceux qui fabriquaient les armes, ceux qui les vendaient, mais aussi ceux qui les achetaient, notamment des collectionneurs et des trafiquants de stupéfiants. Egalement des personnes qui achetaient le procédé de fabrication sur le Darkweb pour une fabrication "plus artisanale".
En France, la fabrication, la vente, comme la détention de ces armes de catégories B, est punie de cinq de prison et 75 000 euros d'amende, mais cela peut aller jusqu'à 10 ans pour trafic d'armes.
Huit imprimantes et sept armes 3D saisies
Une des armes qui étaient vendues sur internet par ce réseau est un FGC ("Fuck Gun Control") 9 mm, "avec un pouvoir létal très fort", souligne Nicolas Bessone.
Les armes étaient vendues entre 1000 et 1500 euros sur le Darkweb, aussi bien à des collectionneurs qu'à des trafiquants de stupéfiants.
Le procureur de la République a rappelé que c'est une arme 3D de ce type qui a été retrouvée après une tentative d'assassinat, rue de la Loge, à Marseille dans la nuit du 10 au 11 juin. Mais pour l'heure, précise-t-il, "aucun lien n'est fait avec cette affaire".
Lors de cette opération, les gendarmes ont pu saisir huit imprimantes 3D et sept armes 3D "complètes, en état de marche", ainsi que 24 armes conventionnelles, saisies chez des collectionneurs.
"On assiste à une "ubérisation du trafic d'armes, ce n'est pas nouveau, mais ça prend une ampleur importante, car la qualité des armes est quand même bonne, voire très bonne", note le colonel Hervé Pétry. Des armes à 95% semblables des armes d'origine, et c'est pourquoi elles font l'objet des mêmes poursuites, a précisé le procureur.
Une idéologie pro-arme venue des Etats-Unis
"Ce qui se cache derrière ces individus, c'est une véritable idéologie pro-armes importée des Etats-Unis", renchérit le colonel Hervé Pétry.
Une démarche qui se réfère à la première conception d'une arme 3D, le "Liberator", en 2013, aux USA. Cinq ans après, en Europe, un "lobby pro arme anti-système et anti-Etat", s'est, lui aussi, lancé dans la fabrication d'une arme 3D, plus élaborée : un semi automatique, le FGC 9.
Dans cette affaire, à cette même fin, le réseau mettait à disposition du plus grand nombre sur le Darkweb et les réseaux sociaux ces armes fabriquées avec des "des moyens assez dérisoires" : "une imprimante à 150 euros, des fils de polymère de dizaines d'euros et une recette de fabrication des fichiers spécifiques qui s'appliquent aux imprimantes".