"Interdit aux chiens et aux Italiens", c'est ainsi qu'Alain Ughetto a intitulé son nouveau film d'animation. Cette nouvelle création entièrement réalisée en stop-motion, retrace l'exil de ses grands-parents italiens venus vivre et travailler en France. Rencontre avec le réalisateur qui vit dans les Bouches-du-Rhône.
En 1984, Alain Resnais lui décernait le César du meilleur court-métrage d'animation pour "La Boule". Cette année, Alain Ughetto revient avec sa nouvelle création, "Interdit aux chiens et aux Italiens". Dans ce long métrage, entièrement réalisé en stop-motion (marionnettes animées), le réalisateur spécialiste d'animation, relate son histoire familiale.
Une ode à la transmission
Il voulait remonter le fil de ses racines, partir à la découverte de vies passées. Sous son nom Ughetto, Alain a trouvé une histoire, l’histoire de ses ancêtres, ses grands-parents italiens.
Luigi et Cesira, modestes paysans transalpins affrontent la rudesse du travail, le manque d’argent, la nourriture rationnée. Désireux d'offrir une vie meilleure à sa famille, la misère et la montée du Fascisme poussent Luigi à quitter le Piémont pour la France.
"Les lopins de terres étaient très petits, la terre ne donnait pas beaucoup. C'était la misère. Ils mangeaient de la polenta tous les jours, ma grand-mère mettait du lait dans la polenta et mon grand-père obligeaient leurs enfants à manger avec une fourchette pour qu'ils ne prennent pas trop de lait. C'est comme ça qu'ils parlaient de la misère avec fierté et dignité", raconte Alain Ughetto.
Un film pétri d'émotions où se mêle l'humour à la nostalgie
"Je ne voulais surtout pas être plombant. Tout au long du tournage, je me répétais "surtout ne sois pas plombant !". Ma référence, c'était Ettore Escola, "Affreux sales et méchants", des films où ce qui se passe est terrible mais c'est raconté avec humour. Donc j'ai veillé à raconter cette histoire en mettant en avant le fait qu'ils sont restés debout, fiers, dignes. C'est la vie! Tu prends des coups tu en donnes mais c'est ça la vie !", sourit le réalisateur, spécialiste de l'animation.
9 ans de travail
Neuf années d'investigations, de recherches lui ont été nécessaires pour reconstituer minutieusement le passé de ses grands-parents, les raisons de cet exil et, à travers eux, celui de milliers d'immigrés italiens.
"C'est une enquête d'historien sur la tradition orale. Je voulais me concentrer sur l'oralité. D'où venaient-ils, pourquoi sont-ils partis ? Et surtout, pourquoi ne sont-ils pas revenus ? C'est ce que j'ai cherchais à savoir. En travaillant sur la mémoire orale, j'ai reconstitué leur parcours en France. Cette mémoire orale, je l'ai retrouvée en Italie grâce à un sociologue qui avait enregistré des témoignages de paysans et paysannes, de l'âge de mon grand-père et de ma grand-mère, qui habitaient dans le même village qu'eux et qui parlaient de la misère, de la guerre et du fascisme", explique Alain Ughetto.
Une création façonnée par des centaines de petites mains
Alain Ughetto a hérité de son père et de son grand-père un goût prononcé pour le bricolage, qu’il infuse dans son cinéma par l’animation, un vecteur pour explorer l’intime.
"Mon grand-père fabriquait lui même ses outils, ses pelles, ses râteaux. Ce savoir il a transmis aux mains de mon père ; lui était un grand bricoleur, il savait tout faire. Quant à moi, j'ai écrit une histoire, façonnée par des centaines de petites mains qui sont venues animer, éclairer, financer....donner vie à une histoire ; toutes ces petites mains m'ont permis de raconter l'histoire de migration d'une famille", détaille le réalisateur.
Déjà auréolé de nombreux prix, Interdit aux chiens et aux Italiens a reçu en décembre dernier le prix du meilleur long-métrage d’animation européen, lors de la cérémonie des European Films Awards (EFA).
En France, Interdit aux chiens et aux Italiens sort en salle le 25 janvier 2023.