Confinement-déconfinement : le témoignage de Julie, addicte à l'alcool

Le nombre de patients en psychiatrie est en augmentation. Résultat du confinement, et pour certains de la rupture des soins. Julie, addicte à l'alcool, témoigne du double isolement auquel elle a dû faire face, pour ne pas couler.

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Avec une voix mal affirmée, guidée par son médecin psychiatre, Julie se confie, posément.
Cette patiente atteinte d'addiction, est suivie depuis un an. Elle a pu reprendre ses consultations après trois mois extrêmement difficiles.

Elle témoigne de son expérience vécue durant le confinement "comme un enfer".

C'est l'isolement de soi-même, quelque part
 

Julie, addicte à l'alcool


"Je me suis retrouvée enfermée à la maison, sans pouvoir sortir. Je suis restée enfermée deux mois", exprime-t-elle.

"Le plus dur pendant le confinement, ça a été de ne voir personne. J'avais besoin d'aller à l'hôpital, j'avais besoin de soins. Le problème, c’est qu’avec le confinement je me suis isolée encore plus sans m'en rendre compte. C'est déjà le problème avec les addictions, on se referme beaucoup.
C’est devenu l’isolement de soi-même quelque part".


Confinée dans son appartement, Julie garde un oeil sur la télévision, et absorbe les nouvelles comme elle le peut.

"Avec les soucis que j'avais, tout s'est amplifié. J'avais peur pour mes proches, mon fils est cardiaque. Je me suis effondrée. En fait, j'ai totalement craqué. Je n'étais pas bien du tout, j'étais désespérée, j'ai cru que j'allais passer à l'acte".

Le service hospitalier qui suit Julie, ferme durant le confinement. Mais le contact avec les patients se maintient par des appels téléphoniques.

"Au début, j'ai essayé de tenir, de tenir mais au bout d'un moment j'ai quand même appelé au secours.
Je les ai appelés, et ils m’appelaient aussi. Ce qui m’a un peu aidée à tenir. Et je savais qu’il fallait que j’aille aux urgences, mais je ne voulais pas".


Durant le confinement, Julie parvient à ne pas rechuter dans l'alcool, mais elle augmente sa consommation de cannabis.

Lorsque s'ensuit le déconfinement, la patiente se retrouve confrontée à un obstacle supplémentaire.

"Quand on est complètement isolée, on reste isolée. Même si c’est ailleurs... En tous cas, c’est ce qu’il s’est passé pour moi.
Au départ ça a été compliqué pour moi de ressortir. Ca a été compliqué pour le soin, ça a été compliqué pour tout. Pour se remettre en fait.

Imaginez on a un confinement et en plus derrière on a des addictions, c’est une catastrophe".

Julie finit par être hospitalisée. Son état s'améliore, elle a réussi à diminuer sa consommation de cannabis.

"Pour s'en sortir, on a besoin des professionnels", dit-elle. "Sans eux, j’étais complètement perdue. J’allais passer à l’acte. J’allais en finir avec la vie. Faut dire ce qui est..."

Le cas de Julie illustre la situation de nombreux malades atteints d'addiction. Les conséquences de cette rupture brutale des soins ont été négatives pour leur psychisme.

"L'alternative à leur addiction était leur lieu de soin. Il a été remplacé par la consommation d'alcool et autres produits", estime le Dr Michael Bazin, addictologue au centre hospitalier d'Allauch, dans les Bouches-du-Rhône.

L' addiction crée une situation de confinement chronique par appauvrissement des relations sociales et professionnelles.

Dr Michael Bazin, addictologue


A la suite du confinement, "l’immense majorité des patients sont revenus dès que possible", poursuit-il.

"L' addiction crée une situation de confinement chronique par appauvrissement des relations sociales et professionnelles. Ils ont préféré braver les risques de coronavirus et revenir à une situation d’encadrement, d'aide, d'écoute, que de rester chez eux dans une impasse".

Les services psychiatriques s'attendent à une forte augmentation de nouveaux patients. Car "il y a un plus grand nombre d'utilisateurs de produits psycho-actifs, alcool et stupéfiants".

Mais la psychiatrie, déjà en crise par manque de moyens, aura-t-elle les capacités suffisantes pour soigner ces cas en nombre ?

La question, liée à celle de l'avenir public et des politiques de santé, est toujours aussi brûlante aujourd'hui.



 
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