Coronavirus : "Je n'ai jamais fait autant de musique", les musiciens s'éclatent en mode confiné

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Le confinement a donné naissance à un groupe musical, les Musiciens confinés 2020. Chacun chez soi, ces artistes de Marseille et de la Ciotat se retrouvent pour des reprises à distance. Rencontre avec un groupe d'un nouveau genre, qui n'est pas le seul à s'adapter aux circonstances.

Le confinement n'arrête pas la créativité, bien au contraire. Des musiciens de la Ciotat et de Marseille en ont même profité pour monter un groupe. Ils sont douze professionnels de la musique.

Le projet s'appelle les Musiciens confinés 2020, et c'est un groupe aux formes toutes nouvelles : quand les artistes font du télétravail.

Lancée le 30 mars dernier, leur chaîne Youtube propose des reprises de Ben E. King ou encore d'Henri Salvador, enregistré dans leur salon ou leur chambre. Pour l'heure, neuf morceaux ont été diffusés par la bande.

Je n'ai jamais fait autant de musique que depuis que je suis confiné

A l'initiative de ce groupe par correspondance, un saxophoniste de la Ciotat, Bruno Barkats. Quand le confinement général a été annoncé, il y a vu une occasion de créer quelque chose.

"L'idée m'est venue tout de suite. J'ai commencé à jouer tout seul et partager des vidéos sur les réseaux sociaux. Ça a plu, et petit à petit, ça s’est élargi à d’autres musiciens qui sont venus me rejoindre".

Depuis la création de ce groupe, Bruno Barkats croule presque sous les demandes. "Je n'ai jamais fait autant de musique que depuis que je suis confiné", s'amuse-t-il.

Quand l'isolement devient une vitrine

"De nombreux musiciens m’appellent et me proposent des projets, car ils trouvent ça sympa. C’est devenu une activité à temps complet", explique encore Bruno Barkats. 

Pour le musicien, la quarantaine prendrait même des airs de petit tremplin. "Les gens sur les réseaux sociaux en redemandent, car ils ont du temps pour nous suivre. Finalement, ça nous donne une meilleure visibilité', se réjouit-il.

Bruno Barkats pilote le groupe à distance. Il centralise les propositions de morceaux et s'occupe de l'arrangement. "Chacun enregistre sa partie sur le morceau qu’on a décidé. Je récupère tous les audios et vidéos, puis je les assemble. Ma deuxième passion, c'est la vidéo."

Le domicile de Bruno Barkats peut ressembler à un studio d'enregistrement. Entre les micros, les ordinateurs et le matériel de mixage, il travaille sur chaque partition pour synchroniser et harmoniser les morceaux.
Le groupe n'a pas encore fait d'enregistrement en direct. Chaque musicien joue de manière isolée. Une méthode qui ne permet pas vraiment de répétitions : "Souvent, on doit refaire une partie, pour mieux s'accorder", témoigne le Ciotaden.

Récemment, le groupe a enregistré un morceau pour les victimes italiennes, "E penso a te" de Lucio Battisti, qui signifie en français "Et je pense à toi""La vidéo est beaucoup partagée en Italie, comme en France", se félicite le saxophoniste. Une italienne a même prêté sa voix pour la vidéo, en s'enregistrant depuis Milan.

Des rencontres entre musiciens confinés

Les douze musiciens professionnels sont tous des amis de Bruno Barkats, mais certains ne se connaissaient pas entre eux avant ce projet.

"J’ai monté des quartets de musiciens qui ne se connaissent pas forcément entre eux. On s'est promis qu'après le confinement, on irait tous boire un verre pour se rencontrer en vrai".

Parmi ces rencontres, celle de Laurent Versini et Alexandre Shirinyan. Le chanteur et le violoniste se sont découverts en enregistrant un morceau. Déjà, un lien s'est créé entre les deux musiciens.

"Je crois que Laurent a été beaucoup touché par mon violon. Il m'a proposé qu’on aille boire une bière dès que ce sera possible. Ca tombe bien, j’aime beaucoup la bière !", clame Alexandre Shirinyan avec joie.
 

Depuis le début du confinement, je voulais envoyer un message à l'Italie.

"Le but que ca continue, qu’on puisse faire d’autres projets. On le savait déjà, mais ca montre qu'on peut travailler avec des artistes qu’on a jamais vu, et bien s'entendre sur un morceau", conclut le violoniste.

Du même avis, le chanteur d'origine italienne Laurent Versini parle avec émotion de cette collaboration.

"Depuis le début du confinement, je voulais envoyer un message à l'Italie. Grâce au projet de Bruno, j’ai pu chanter cette chanson avec des musiciens de très haut niveau. Ils ont fait des solos de saxophone et de violon magnifiques. Quand je l’ai écouté, j’étais ému. Ca m’a touché", confie le chanteur.

Avant d'ajouter : "Le confinement nous a montré qu’on peut faire des belles choses, même a distance. Ca donne du baume au cœur. En plus on a économisé du diesel et du temps de répétition !"

Un album post-confinement

Depuis la naissance du groupe, les musiciens pensent déjà à l'après-confinement. Pas question d'arrêter ce projet soudainement. Le groupe réfléchit à la sortie d'un album post-quarantaine. Il s'agirait d'une compilation de tous leurs enregistrements faits pendant le confinement.

Jusque-là, la bande s'est contentée de reprises, mais des compositions sont en cours de préparation. "Avec un ami de Cavaillon, nous avons écrit un morceau pour soutenir la cause des gens qui travaillent. Il s'appellera 'Savez-vous". Le clip devrait sortir la semaine prochaine", prévient le musicien.

Les plus grands s'y mettent aussi

Dans la région, les Musiciens confinés 2020 ne sont pas les seuls à performer depuis leur salon. Nombreux artistes s'adonnent à l'exercice, à commencer par les plus grands.

Le groupe de rappeurs marseillais IAM propose chaque jour des lives sur Facebook. DJ Kheops, le DJ du groupe, diffuse en direct des mix Hip-hop "old school", et des morceaux de funk qu'il remix devant quelque 19.000 spectateurs en ligne. 

Au-dessus de ses platines, le DJ affiche un message : "Soutien aux commerçants". Pour la bonne cause, il propose un petit concert d'un quart d'heure.

Et les internautes en redemandent, à commencer par le rappeur Soprano, qui commente : "Merci de nous oxygéner, de nous faire évader de notre confinement et nous redonner le moral".

Le groupe Deluxe en duplex

Dans un autre style, le groupe d'Aix-en-Provence Deluxe donne lui aussi des concerts en direct.

Avec l'univers déjanté qu'on leur connaît, les six musiciens ont par exemple joué leur dernier tube "Get down" sur Facebook, isolés les uns des autres. Leurs vidéos cartonnent : 1,3 million de vues pour ce bœuf musical.

Pierre, le guitariste du groupe, raconte: "Le 28 mars dernier, on devait jouer à l'Arena d'Aix-en-Provence, devant 8.000 spectateurs. Le soir où devait se tenir le concert, on s'est dit: 'Il faut quand même qu'on fasse de la musique', alors on a décidé de s'enregistrer chez nous".

Le concert en question est finalement reporté au 14 novembre prochain. Pas de quoi consoler les musiciens aixois, qui imaginent mal l'après confinement dans le milieu de la scène.

"On voit pas comment les gens vont s’aglutiner dans les concerts ou festivals cette année. Cette période est difficile, on en voit pas le bout. Donc les vidéos, c’est peut-être la nouvelle forme de concert."

Moustaches, costumes excentriques et rythmes endiablés, les artistes aixois se donnent autant devant leur webcam que pour un vrai concert.

Dimanche 12 avril prochain, à 16h, le groupe va performer en direct, un extrait de concert. En longueur cette fois, avec leurs costumes de scène et même quelques chorégraphies.

"On avait fait un essai avec un direct d'un quart d'heure, mais ça faisait trop court. Alors on s'est dit: 'Quitte à faire un live, autant en faire un vrai'", raconte le guitariste.

The show must go on. Si les directs et les vidéos facebook ne permettent pas une technique sonore irréprochable, le musicien y voit presque un côté historique. "C'est très épuré en termes de production. Ces vidéos marquent un temps arrêt, qui témoignera de la façon de travailler, durant cette période."

De l'orchestre philharmonique de Nice à Jul

Comme eux, les artistes de la région s'y mettent les uns après les autres, et les initiatives sont indénombrables.

Entre autres, on a vu les 28 musiciens de l'Orchestre philharmonique de Nice interprèter ensemble le Boléro de Ravel, chacun devant sa caméra. L'orchestre de Marseille, lui a préféré opter pour la bande originale de Star Wars, renommée "Corona Wars" pour l'occasion.Autre exemple, celui de la chanteuse avignonnaise Suzanne, révélation scène des victoires de la musique 2020.

Sur sa page Instagram, elle sort de son répertoire pop pour reprendre l'hymne à l'amour d'Edith Piaf, assise sur son lit. Elle est accompagnée du guitariste Waxx, lui aussi habitué des performances en ligne depuis le confinement.

En commentaire, elle écrit : "A tous les gens que j’aime et qui sont parfois loin..."
Les internautes ont également pu apprécier le clip du groupe de Vauclusiens, Raoul Petite. Les onze musiciens ont composé une chanson dédiée au Covid-19, dont les paroles raconte l'après-confinement.

La chanson s'appelle "Dès qu'le virus se barre", et le groupe propose déjà un clip enregistré à la maison. En mosaïque de plusieurs vidéos, on y voit tous les membres du groupe chanter et jouer, depuis leurs jardins ou leurs salons.Enfin, le rappeur marseillais Jul, habitué des compositions faites-maison depuis sa chambre, a sorti un clip tourné en grande partie chez lui, dans son studio d'enregistrement à domicile.

La vidéo "Sousou" cumule déjà plus de 11 millions de vues... L'effet Jul assurément. Malgré l'effet dévastateur du confinementpour de nombreux artistes, dont les concerts ou tournées ont été annulés, cette crise aura peut-être eu un aspect positif: donner naissance à un foisonnement créatif à la forme inédite. 
 
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