Les professionnels du monde de la nuit sont à bout de souffle. Pour palier la crise dans le secteur, les aides de l'Etat vont être prolongées de quatre mois jusqu'à la fin de 2020, de quoi "survivre" encore un peu. Réactions à Marseille.
Depuis le mois de mars, toutes les discothèques de France restent portes closes. Ce vendredi 18 septembre, l'Etat a annoncé le prolongement des aides financières pour les établissements "jusqu'à la fin de l'année 2020 selon les mêmes critères que ceux annoncés en juillet". Soit une aide à la prise en charge des frais fixes dont les loyers jusqu'à 15 000 euros par mois. Cette décision a été annoncée à l'issue d'une rencontre du ministre délégué aux PME Alain Griset avec les représentants du monde de la nuit.
A Marseille, la nouvelle a été accueillie avec soulagement par Michel Piacenza, gérant de "The New Cancan" dans le premier arondissement. Depuis quarante ans, ce marseillais gère des discothèques et se dit satisfait de la décision du gouvernement. "Cela va dans le bon sens mais j'espère que les fonds seront débloqués rapidement", précise M. Piacenza.
Un avis que partage Sam, gérant du "Baby" mais avec plus de nuance : "Tant que je ne vois pas l'argent sur le compte, je n'y crois pas", explique le patron de ce club situé dans le quartier de la Plaine. Les fonds débloqués restent pour lui une simple promesse. Il n'a touché, par exemple, que deux fois 1 500 euros. Depuis, les autorités ont refusé de lui verser l'aide pour motif d'une dette impayée, qu'il a pourtant bien réglée peu après, grâce à ses fonds personnels. Aujourd'hui, il n'a toujours pas reçu le reste de sa compensation.
Autre coup dur pour le milieu : aucune nouvelle n'a été donnée sur une date de réouverture. "Je comprends que personne ne sache quand cela sera possible, je n'en veux à personne et au moins ces aides montrent que l'on ne nous oublie pas", rappelle Michel Pacienza. Car même fermées, les discothèques coûtent de l'argent en loyer, frais fixes, ou en système de surveillance et de sécurité.
Un gouffre financier alors que les patrons de ces établissements n'ont pas touché de réels revenus depuis mars dernier. "Je suis d'ailleurs un peu déçu que le salaire au pro rata calculé sur l'année dernière ne soit pas alloué [une des mesures proposées par les syndicats des discothèques], explique Michel Piacenza, mais au moins nous avons accès au fonds de solidarité.
Incompréhension et injustice
Si la prologation des aides financières de l'Etat est bien accueillie, la permission d'événements en plein air, régulièrement organisés cet été à Marseille n'est pas toujours comprise. "Que vous ayez 2 000 personnes dans un club ou 2 000 personnes dansant en plein air, je doute que les distances physiques de un mètre en chaque personne soient toujours bien respectées", justifie M. Piacenza. "Beaucoup d'événements ont été autorisés sous prétexte qu'ils se déroulaient à l'air libre et aujourd'hui on le paye en recrudescence de cas de COVID-19", ajoute le gérant du New Cancan. Il estime que cela a nuit davantage à la réouverture des clubs.
Surtout, la colère se fait sentir au regard des nombreux bars qui ont profité de la fermeture des clubs pour se "transformer" en discothèques, sans en avoir le droit. Par exemple, en fermant plus tard que la loi ne leur permet normalement. Une injustice qui reste en travers de la gorge des patrons de clubs : "Dans certains restaurants il y avait des pistes de danses, des DJ et ça jusqu'à six heures du matin", s'étouffe Sam du Baby club. Les patrons de clubs veulent aussi rappeler le "rôle social" qu'ils jouent, au même titre que les bars et les restaurants. "Les gens ont besoin de décompresser et de danser, nous aussi nous servons à quelque chose dans la société" déplorent les professionnels.
Face à la fermeture de nombreux clubs, près de 100 dans toute la France, Michel et Sam s'estiment chanceux. Ils pourront encore patienter jusqu'à la réouverture imaginée au printemps prochain, mais pas éternellement.