Du café, des biscuits et depuis peu une prise de température. Malgré les mesures de confinement, les maraudes ont repris dans les rues de Marseille, avec le doux espoir de ne pas voir apparaître des cas de coronavirus au sein d'une population très fragilisée depuis le début de l'épidémie.
Il est 10 heures, l'équipe mobile d'aide débute sa tournée auprès des sans-abris. "Ce sont des personnes que l'on a pas vu depuis quelques jours, les maraudes alimentaires n'ont pas pu tourner aussi, ils ont le sentiment d'être délaissés", témoigne Mélody, infirmière bénévole.
Direction un camp bien connu de SDF, sous un pont à Marseille. Quelques chaises, une vingtaine de matelas, entassés, empilés, bien trop proches les uns des autres... cartons, couvertures et mobiliers de récup' complètent le paysage.
"Ils sont nombreux, assez proches les uns des autres, on peut voir que la distance des "un mètre" de sécurité, même en les ayant sensibilisés, n'est pas respectée", constate Kader.
Masque sur le visage, gants, le bénévole donne les consignes : "Comme il y la coronavirus, il faut que tu restes juste un petit peu loin".
Kader et Mélody font partie d'une association qui accompagne les plus précaires. Prises des constantes, hydratation et depuis ce matin une nouvelle mesure. En cas de température élevée, ils sont obligés d'appeler le 15 avec pour objectif, celui d'éviter la propagation du coronavirus entre SDF.
"On prend les températures quand les personnes sont fatiguées ou âgées. Là je l'ai prise parce que ceux-là je ne les connais pas et que les conditions le permettaient", explique Mélody. L'infirmière peine à dissimuler son inquiétude pour cette population naturellement plus sensible aux agressions bactériennes.On ne peut plus se laver, se doucher, on est plus seuls
Comme pour lui donner raison, un homme s'approche. "Depuis une semaine, on ne peut plus se laver, se doucher, on est plus seuls, le coronavirus a changé beaucoup de choses, témoigne-t-il. Les toilettes publics sont fermées, tout est plus difficile".
Gare Saint-Charles fermée, "à cette heure-ci, je ne devrais même pas être là, je devrais être dans mon foyer", témoigne une femme. "Mais le foyer ne nous accepte plus dedans".
Du plan B de la débrouille, il a fallu passer au plan C de la survie. Certains trafics ont même commencé à voir le jour. Comme celui de Djamel. L'homme se verse un peu de sucre dans un gobelet de café chaud, qu'il serre dans une grosse paire de gants jaunes en caoutchouc.
"Ceux-là, ce sont les miens, perso", affiche Djamel, mais j'en ai environ 200 des paires de gants, de toutes les tailles et je les revends aux gens". L'homme est gêné pour en expliquer la provenance... on en saura pas plus.
"Tous les jours je fais ça pour acheter un truc à manger, si je fais 20 euros c'est le bout du monde, après c'est comme ça, c'est la débrouille".
"La principale problématique, c'est la faim et la soif"
Sur un mur, un tableau numérique rappelle s'il en était besoin l'urgence de la situation : 4.076 appels reçus, temps d'attente 7'23"... Dans les locaux de l'association Sara logisol, ses membres tentent de s'adapter pour trouver des solutions, face à la crise épidémique.Une soixantaine de personnes précaires y est hébergée. Chaque jour l'association tente de trouver des solutions d'hébergement d'urgence, comme tout le monde, en télétravail. D'un hôtel à l'autre, 700 places ont ainsi pu être dégagées.
"On fait face à des publics très inquiets, totalement angoissés et on fait face à des problématiques que l'on n'avait pas l'habitude de traiter avec des gens dont la principale problématique, c'est la faim et la soif," explique Sylvain Rastoin, directeur.
Dans un contexte, où même faire la manche n'est plus possible.
Selon les associations d'aide aux sans-abris, 14 à 15.000 personnes relèveraient de l'urgence sociale à Marseille. Selon Emmaüs, entre 1.500 et 2.000 d'entre eux viveraient dans des squats ou des bidonvilles de la cité phocéenne, sans eau ni électricité.