Coronavirus : à Marseille, des associations demandent la réquisition des logements libres pour confiner les SDF

Comment confiner les personnes sans-abris ? A Marseille, des associations appellent à réquisitionner les logements libres et à rouvrir les hôtels. Elles recherchent des bénévoles ne présentant pas de risque de contracter une forme sévère de Covid-19, pour secourir les plus démunis.

 

Le gouvernement appelle toute la population à rester chez elle, mais comment faire lorsqu'on n'a pas de logement ? À la gare Saint-Charles à Marseille, les mineurs qui dormaient en groupe pour se protéger ont été priés de quitter les lieux.

"Les sans-abris sont bloqués à l'extérieur, c'est un paradoxe", s'insurge Fatih Bouaroua, co-président de la communauté Emmaüs Pointe-Rouge.

"On estime entre 14 et 15.000 le nombre de personnes qui relèvent de l'urgence sociale à Marseille". Comme plusieurs associations d'aide au plus précaires, Fatih Bouaroua appelle les pouvoirs publics à réquisitionner les logements vacants.

"Il y a 40.000 logements vacants à Marseille, 4.000 suffiraient pour confiner tout le monde... On pourrait rouvrir les hôtels qui ont fermé à cause du confinement", précise le responsable d'Emmaüs.

Manque cruel de bénévoles

Au centre Emmaüs de la Pointe-Rouge, les 71 compagnons sont confinés, les distributions quotidiennes de petits-déjeuners et de soupe sur la Canebière sont interrompues, ainsi que le "Lavo-mobile" qui permet aux sans-abris de laver leurs linges.

À la Croix Rouge, faute de bénévoles, le nombre de maraudes est passé de cinq à quatre par semaine.

"Nous continuons à maintenir l'aide essentielle, mais nous avons des problèmes de gestion d'approvisionnement", explique Armand Taranco, responsable territorial du développement et des ressources à la Croix Rouge. 

En revanche, l'aide vestimentaire est suspendue et l'accueil dans les unités locales est réduit au minimum, faute de personnel.

De nombreuses associations ont suspendu ou modifié l'aide alimentaire. Beaucoup de bénévoles sont des retraités de plus de 70 ans ou présentant un risque de contracter une forme sévère de Covid-19. Ils sont confinés et ne peuvent plus assurer leur mission de solidarité.

Sur les réseaux sociaux, des candidats se sont spontanément portés volontaires pour aider, une cellule a été mise en place pour gérer ces volontaires.

Face à l'urgence, Emmaüs, comme d'autres associations a prévu de retourner au contact des plus démunis, dès le début de la semaine prochaine.

"Sans braver les interdits"

"Sans braver les interdits, nous allons reprendre les distributions de petits-déjeuners, de soupes, de vêtements et de colis alimentaires, c'est notre ADN, il le faut", insiste Fatih Bouaroua. "Nous prendrons tous les moyens de protection, même si on n'a pas de masque".

"Au squat de Saint-Just dans le 13e arrondissement de Marseille, nous apportons près de deux tonnes de vivres chaque semaine, il y a 200 personnes, dont beaucoup de mineurs", insiste Fatih Bouaroua.

Selon le responsable de la communauté Emmaüs, le problème le plus important, c'est l'hygiène.

"A Marseille, il n'y a pas de douche publique, pas de toilette publique, contrairement à Paris", explique-t-il. "On demande aux gens de se laver les mains 30 fois par jour et eux, ils n'ont pas d'eau".

Il précise que la question de l'hygiène est déterminante par rapport à la maladie elle-même. "La priorité est de donner des produits d'hygiène et nous n'en n'avons pas", pour que les plus précaires ne soient ni vecteur, ni porteur de la maladie.

Les rues sont vides, mais les sans abri sont là !. Ça vous tente de nous aider? Merci de nous envoyer en message privé...

Publiée par Emmaus Marseille Pointe Rouge sur Jeudi 19 mars 2020

"Ils vont mourir de faim avant de mourir du Covid-19"

Entre 1.500 et 2.000 personnes vivent dans des squats ou des bidonvilles à Marseille, sans eau, sans électricité.

"Je vois des familles qui vivent dans des situations terribles où il faut parfois se mettre à quatre pattes pour rentrer chez eux. Pour aller chercher de l'eau aux bornes des pompiers, ils doivent faire des centaines de mètres et avec le confinement, ils n'osent plus, de peur de sanction", raconte Jane Bouvier, responsable de l'association "L'école au présent", qui s'occupe de scolariser les enfants.

Pour cette population, sans droit, les seules ressources sont la mendicité, la récupération dans les poubelles pour être revendue au marché aux puces ou encore le ferraillage.

"Avec les mesures de confinement, tout est devenu interdit, ils n'ont plus rien à manger, explique Jane Bouvier, ils vont mourir de faim avant de mourir du Covid-19, je suis très inquiète".

Les enfants, dont s'occupe l'association "L'école au présent", sont scolarisés dans 65 établissements scolaires à travers la ville. Soline Trottet, enseignante à l'école Révolution Jet d'Eau, dans le quartier de Saint Mauront (3e arrondissement) s'inquiète de la continuité pédagogique alors que les autres enfants poursuivent les cours à la maison sur Internet.

"Quand c'est possible, on les appelle au téléphone, sinon, des collègues ont laissé aux enfants des supports de cours vendredi dernier, avant la fermeture", explique-t-elle. "On n'en ait plus là, j'ai peur qu'ils meurent de faim, il faut une aide alimentaire et l'accès à l'eau de toute urgence", insiste Jane Bouvier.

La fermeture des écoles implique aussi la fermeture des cantines scolaires. "Pour certains enfants, le repas à la cantine est le seul repas de la journée", indique Soline.

Avec l'ensemble de l'équipe enseignante de l'école Révolution Jet d'Eau, elle a réuni une cagnotte destinée à aider les familles les plus démunies.

Une lettre collective de plusieurs associations est adressée aux pouvoirs publics pour mettre en place des actions d'urgence, pour ouvrir des logements vacants, donner des tentes, donner des denrées alimentaires, de l'eau et des moyens de protection aux bénévoles.

Au niveau national, le gouvernement a décidé de prolonger la trêve hivernale, du 31 mars au 31 mai. Des centres de confinement dit de "desserrement" vont ouvrir progressivement à partir de vendredi prochain. Au moins un centre par région.

Ces centres sont destinés à accueillir des sans-abris testés positif au coronavirus, mais ne nécessitant pas d'hospitalisation.
 
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