Après de longs mois de bataille judiciaire, l'assureur Axa a débloqué 300 millions d'euros pour les restaurateurs ayant subi des pertes en raison de la crise du Covid. Une enveloppe très attendue, mais qui ne satisfait pas. L'addition reste salée pour les restaurateurs concernés.
300 millions d'euros pour tourner la page. C'est ce qu'Axa est prêt à payer, mais ce "n'est pas une indemnisation, c'est une transaction", précise le directeur général du groupe.
En clair, ceux qui l'acceptent, s'engagent à renoncer à toute action en justice contre l'assureur dans ce dossier.
20 000 euros en moyenne
La somme équivaut en moyenne à 50 % du manque à gagner des restaurateurs sur les périodes d'interdiction d'accueil du public lors des différents confinements, dans une limite de trois mois pour chacun d'entre eux. Soit en moyenne 20.000 euros par restaurateur.
Jean-Michel Alazard va lui toucher 86.000 euros. Installé à Mouriès dans les Alpilles, ce restaurateur est le tout premier à avoir engagé une procédure judiciaire contre Axa, qu'il a gagnée.
Après plus d'un an de bras de fer judiciaire, ce "geste" a pour lui un goût amer. "Je trouve que c'est tard, c'est un peu malsain parce qu'on vient vous tendre la main en vous donnant 20.000 euros et en vous disant vous prenez 20.000 euros et vous nous attaquez pas en justice."
Comme Jean-Michel Alazard, en France, 15.000 restaurateurs ont souscrit cette assurance. Jusque-là, Axa avait refusé d'indemniser leurs pertes d'exploitation liées à la crise sanitaire, estimant que ses contrats ne couvraient pas les pertes liées à un épisode de pandémie.
Le géant de l'assurance joue l'apaisement
"Nous sommes aujourd'hui à un moment clé en France, la réouverture des restaurants et des bars mais aussi la réouverture de l'économie. On veut accompagner nos clients restaurateurs dans cette réouverture, (...) il est important de mettre derrière nous cette difficulté, le flou judiciaire qu'on a vécu dans le dossier des restaurateurs", a expliqué jeudi sur Europe 1 Thomas Buberl, le directeur général du groupe.
Propriétaire d'une pizzéria à Marseille, Chabha Piron est chez AXA depuis 20 ans. Elle aussi est en procès avec l'assureur. Elle a déjà gagné en appel. Elle a reçu une provision de 60 000 euros mais elle estime que la proposition de l'assureur est loin du compte. Elle réclame 120 000 euros pour ses deux établissements.
"Je demande mon dû simplement, calculé au plus juste avec mon expert comptable", explique Chabha Piron.
"Ça va permettre de survivre, c'est vraiment le mot, et de maintenir les meubles parce qu'on ne sait pas de quoi sera fait la rentrée, on parle de 4e vague... on a peur".
"C'est une demande d'armistice, le combat a été rude, mais Axa a perdu", estime l'avocat Jean-pierre Tertian qui défend une centaine de restaurateurs. Proposer de payer enfin est selon lui "une attitude raisonnable" pour l'assureur qui a tout intérêt à éviter les tribunaux.
Une offre jugée "insuffisante"
Dans 80 % des cas, la justice condamne en effet l'assureur à payer des indemnités, qui sont souvent bien supérieures aux 20.000 euros proposés.
"La proposition d'indemniser les 15.000 restaurateurs qui sont concernés par ce contrat à hauteur de 300 millions d'euros apparaît nettement insuffisante".
Pour Jean-pierre Tertian, l'offre de l'assureur n'est qu'un point de départ pour des négociations.
"Il va falloir continuer le combat sur le montant des indemnisations à hauteur des pertes réelles qui ont été subies par les restaurateurs et nous savons qu'il s'agit de pertes très lourdes compte tenu des périodes de fermeture dont ils ont fait l'objet", ajoute-t-il.
L'offre d'Axa devrait donc faire l'objet de contre-propositions. Pendant ce temps, les actions en justice suivront leur cours. A ce jour 1.500 requêtes ont été déposées.