"Demain, il n'y aura plus de médecins", un généraliste des quartiers nord de Marseille désemparé face aux agressions

Elle a été mordue et frappée, son collègue ne décolère pas. Un médecin dans les quartiers nord depuis plus de 15 ans, le docteur Ouichou, appelle à plus de fermeté contre les auteurs de violence, après l'agression de son associée au sein de sa maison médicale.

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La jeune médecin a suspendu son activité à la maison médicale de la Viste. La généraliste ne sait pas encore si elle reviendra dans le quartier populaire, au nord de Marseille. Lundi 12 août, elle était seule au cabinet quand une femme d'une vingtaine d'années accompagnée d'une adolescente se sont présentées à l'heure de la fermeture, vers 18h30. Elle ne s'est pas méfiée. "En fait, elles voulaient une ordonnance pour quelqu'un à la maison qui ne voulait pas de déplacer", raconte le docteur Saïd Ouichou qui partage le cabinet.

Griffures, morsures et coups

Le médecin refuse, appelle une première fois la police, laquelle ne juge pas opportun de venir. Les deux jeunes femmes insistent, elles ne veulent pas partir. Quand le médecin prend son téléphone pour appeler à nouveau le 17, la violence se déchaîne. 

La grande, âgée de 24-25 ans, lui arrache les cheveux, elle lui bloque la tête entre les jambes, la tabasse, la mord, elle appelle la petite jeune de 14 ans, et elles se sont mises à la frapper toutes deux.

Saïd Ouichou, médecin dans les quartiers Nord

France3 Provence-Alpes

"Elles se sont acharnées sur elle", avant de partir, s'indigne-t-il. Sa collègue a eu quatre jours d'ITT, elle a porté plainte jeudi au commissariat. Elle est toujours sous le choc. "Elle m'a dit "ce n'est pas quand est-ce que je reprends, c'est : est-ce que je reprends ?'", s'inquiète le docteur Ouichou. 

Les quartiers Nord se vident de médecins

Médecin dans les quartiers Nord depuis plus de 15 ans, le Dr Ouichou, a lui-même plusieurs fois été confronté à l'agressivité des patients. "Au début, c'était une fois par mois, et après, c'était quasiment tous les jours". C'est pourquoi, il a déménagé il y a deux ans pour ouvrir cette maison médicale, sécurisée, équipée de vidéosurveillance. Il se sent en partie responsable pour ce qui est arrivé à sa jeune collègue. "C'est moi qui l'ai invitée à venir s'installer avec moi, en lui disant 'tu ne crains rien, ça se passe bien, les gens sont sympas' et voilà!" 

En deux ans, il a sollicité une dizaine de médecins pour venir travailler avec lui. C'est la seule qui a accepté. "Personne ne veut s'installer dans les quartiers Nord, note-t-il, ils viennent, ils font un remplacement et ils partent s'installer ailleurs". 

Le praticien s'inquiète pour la population qui paie les conséquences de ces actes. "Dans les quartiers Nord, il n'y a pas de spécialistes ou très peu, et demain, il n'y aura plus de médecins, plus de soignants".

Tolérance zéro contre les auteurs de violence

"Le problème, c'est que les gens ne craignent pas la police, et ne craignent pas la loi, ils font ce qui leur passe par la tête et ils ne mesurent pas la portée de leur geste, si elle s'en va, je ne sais pas si je vais rester". 

Le docteur Ouichou est membre du collectif "Santé en danger". Il demande "plus de fermeté" contre les auteurs d'agressions de soignants. "J'ai déjà porté plainte plusieurs fois, et chaque fois, c'est classé sans suite, alors pourquoi ils ne vont pas recommencer ?". 

Les médecins demandent la création d'un délit d'outrage contre les professionnels libéraux, comme cela existe déjà pour les hospitaliers. Et la tolérance zéro. "Il faut qu'on sanctionne immédiatement et sévèrement les agresseurs, dit-il, quand on agresse un médecin, on ne va pas rentrer chez soi tranquille, continuer de mener sa vie comme si de rien était, et attendre d'être convoqué par la justice trois, quatre ou six mois après."

"Je lance un coup de gueule, un appel au secours, qu'est-ce qu'on va faire pour empêcher, pour que ça ne recommence pas ?", demande le médecin de la Viste.

Un rassemblement est organisé avec des élus le jeudi 29 août à 18h devant le cabinet pour interpeller les autorités. 

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