Après avoir subi plusieurs agressions, le docteur Saïd Ouichou a déménagé et installé des caméras de surveillance dans son nouveau cabinet des quartiers nord de Marseille.
"C'est une façon d'avoir un contrôle sur les gens qui rentrent et qui sortent dans le cabinet." Le docteur Saïd Ouichou a fini par craquer après avoir subi de nombreuses agressions. Ce généraliste a été contraint de déménager et a installé des caméras de surveillance dans le parking et la salle d'attente de son nouveau cabinet des quartiers nord de Marseille.
"On a eu plusieurs fois des affrontements avec des jeunes (...) Quand on leur dit "c'est complet, c'est l'heure de partir" (...) ils insistent pour rentrer de force, ils cassent la vitrine..." : l'un des patients du docteur Ouichou se souvient bien du climat de violences qui régnait dans son ancien cabinet. Il préfère aujourd'hui témoigner anonymement, par crainte de représailles.
Plusieurs plaintes classées sans suite
En septembre 2022, le docteur Ouichou avait fermé le cabinet qu'il avait ouvert quinze ans plus tôt après "l'agression de trop", selon ses propres mots. Il avait alors manqué de se faire frapper dans son cabinet.
Un patient "tambourine à la porte en (...) demandant 'Donnez-moi mon ordonnance maintenant', se souvient-il. Je lui ai expliqué qu'il fallait quand même attendre. Je ne sais pas pourquoi, il s'est mis à crier. Son copain, dehors, voulait me frapper. Les patients se sont interposés. J'ai fini par arrêter la consultation et fermer mon cabinet, suite à cet incident."
Au cours des dernières années, le docteur Saïd Ouichou a indiqué avoir déposé plusieurs plaintes après avoir subi "des insultes", des "menaces de mort", et même une "tentative d'incendie" de son cabinet. Mais elles ont toujours été classées sans suite.
Une "impunité" en partie responsable selon lui de la hausse des agressions : en 2022, 1 244 incidents et violences ont été recensés en France, selon les derniers chiffres publiés par l’Observatoire de la sécurité des médecins. Soit une augmentation de 23% en un an.
Dans le détail, 33 % des faits sont liés à un reproche relatif à une prise en charge, 20 % des faits sont liés à des refus de prescrire un médicament en particulier ou un arrêt de travail. Le reste des incidents concernent la falsification de document, d'ordonnance ou de certificat, une attente jugée excessive ou des vols.
"Le médecin est en première ligne"
En mai, le docteur avait exprimé plus largement son ressenti à propos de ces violences. Certaines sont, selon lui, spécifiques aux quartiers défavorisés, théâtre de trafics de stupéfiants, à l'instar des dérapages liés la demande de prégabaline, un psychotrope plus connue sous le nom Lyrica. Les patients "deviennent agressifs s'ils n'obtiennent pas l'ordonnance. Une consœur a été agressée récemment", avait-il expliqué.
Le médecin avait aussi pointé une offre de soin insuffisante : "Il y a un fort mécontentement généralisé des patients face à un système de santé qui s'aggrave", avait estimé le médecin.
Certains sont refoulés des urgences. Le médecin est en première ligne et prend tout sur la figure.
Saïd Ouichouà France 3 Provence-Alpes
"Certains patients n'ont plus de médecin traitant, ils se retrouvent dans un état de stress et d'anxiété extrême. Et c'est compréhensible." Avant de conclure : "Je prends 40 patients par jour sans rendez-vous, je suis le médecin traitant de 2 000 personnes et j'en prends régulièrement des nouveaux face à la forte demande. Certains présentent de graves problèmes de santé, je ne peux pas leur dire 'Repartez mourir chez vous'..."