Six semaines d'examen approfondi sur les pratiques et le fonctionnement du groupe ont été menées par L’IGAS et l’IGF. Les conclusions sont similaires à l'enquête du journaliste Victor Castanet, auteur des "Fossoyeurs". L'Etat a décidé de saisir la justice, de demander le remboursement des aides publiques et va mettre en place un plan d'action.
L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF), ont remis les conclusions de leur mission de contrôle sur la gestion des EHPAD du groupe Orpea.
"Au regard des dysfonctionnements graves, l’État saisira la Justice et exigera le remboursement des dotations publiques présumées détournées de leurs fins", indique le Ministère chargé de l’Autonomie.
Ce rapport intervient après les révélations du journaliste Victor Castanet, dans son livre "Les fossoyeurs", où il avait dressé un bilan effroyable des pratiques du groupe dans toute la France, après des centaines d'heures de travail auprès des salariés et des familles pour recueillir leurs témoignages.
Des manquements humains et des pratiques financières frauduleuses
Le rapport met en évidence des manquements graves comme "dysfonctionnements significatifs dans l’organisation du groupe, au détriment de la prise en charge des résidents... la non transmission d’évènements indésirables graves n’est pas suffisamment maîtrisé, et la politique en matière d’alimentation ne présente pas toutes les garanties pour la satisfaction des besoins nutritionnels des résidents".
Face à ces dysfonctionnements et ceux relatifs aux financements flous, les différents ministères concernés ont décidé de signaler au Procureur de la République "les faits relatifs à ces pratiques financières, afin que des poursuites judiciaires puissent, le cas échéant, être diligentées contre le groupe".
Sur le plan financier, l’IGAS et l’IGF ont mis au jour des pratiques présumées irrégulières, "notamment l’absence de suivi comptable des excédents sur les financements publics et une imputation non conforme à la réglementation de dépenses aux sections soins et dépendance financées par des dotations publiques".
Orpea va devoir "restituer des financements publics présumés irrégulièrement employés", indique le Ministère chargé de l’Autonomie.
Au-delà du constat, de la justice saisie et de la demande de remboursement de certaines aides publiques, l'Etat a décidé de mettre en place un plan d'action rapide avec cinq priorités.
Ce plan comprend un contrôle des 7500 EHPAD de France en deux ans avec la publication de dix indicateurs permettant d'évaluer et comparer les EHPAD entre eux.
Une charte devrait engager la responsabilité des établissements au niveau qualité avec également plus de place laissée aux familles et aux résidents dans le fonctionnement des structures. Et pour finir, une régulation des pratiques tarifaires devrait voir le jour.
Des milliers de témoignages enfin écoutés
Laurent Gény avait accepté de livrer son témoignage à nos journalistes à l'époque de la sortie du livre "Les fossoyeurs", et du scandale qui avait suivi.
La mère de Laurent Gény a passé deux ans dans un des Ehpad de ce groupe à Vence dans les Alpes-Maritimes. De négligences en mauvais traitements, il dénonce un "système institutionnalisé".
Loin de lui la volonté de mettre toutes les maisons de retraite dans le même panier. Aujourd'hui sa mère âgée de 89 ans vit dans un autre Ehpad, où "tout se passe très bien."
Des témoignages comme le sien, il y en a eu des milliers dans toute la France, les langues se sont déliées, des soignants se sont même mis en grève dans des établissements pour faire entendre aussi leur malaise de travailler dans ces conditions.
Particulièrement vieillissante, la région Paca compte quelque 600 Ehpad. Selon l'association Alma, une plateforme d'écoute téléphonique réservée aux personnes âgées fragilisées et à leurs familles, le nombre de cas de maltraitance en Ehpad dénoncés par téléphone a bondi de 37 % en France, entre 2020 et 2021.