ENQUETE. Kaporal en redressement judiciaire, San Marina liquidée... pourquoi ces entreprises régionales souffrent-elles autant de la crise ?

La marque Kaporal a été placée en redressement judiciaire. San Marina a fermé ses 163 magasins en février dernier. Les deux entreprises sont nées à Marseille.

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Le couperet va tomber sur une très grande marque régionale dans quelques jours. Par "couperet", nous entendons "liquidation". Le nom de l'entreprise est encore confidentiel.

San Marina a fermé. Kaporal s'accroche. De grandes marques nationales sont également touchées. Camaïeu, Go Sport, Gap, Cop.Copine, Kookaï... ont baissé le rideau. Nos rues commerçantes changent. Les confinements du Covid ne sont pas responsables de tout.  

Le renversement du mode de consommation

L'achat sur internet entre en collision violente avec les magasins. Les mœurs évoluent de différentes façons. Certaines clientes achètent une robe en magasin, la portent une soirée puis demandent qu'on leur rembourse. Des disques sont achetés, copiés, puis renvoyés. Les prix très attractifs du site Shein, par exemple, attirent le client.

"Les produits sont fabriqués dans des conditions interdites, au Bangladesh, par exemple, par des enfants pas ou très peu payés, dans des conditions écologiques dramatiques, décrit Jean-Marc Latreille, président du tribunal de commerce de Marseille. Le jour, les clients participent à des manifestations écologiques, le soir, ils portent leurs achats sur Shein."

"Le jour, les clients participent à des manifestations écologiques, le soir, ils portent leurs achats sur Shein."

Jean-Marc Latreille, président du tribunal de commerce de Marseille

France 3 Provence-Alpes

"Finies les deux collections par an. Aujourd'hui, la fast-fashion pratiquée dans le bas de gamme, c'est cinquante collections par an, selon Katia Richomme-Huet, directrice du département stratégie, entreprenariat et RSE de l'école Kedge à Marseille. Le milieu de gamme ne peut pas suivre. Quand on est classique et qu'on ne se renouvelle pas, on meurt. Les jeans éthiques, la filière bio, l'éco concept... trouvent leur clientèle."

Entre 1996 et 2010, de petites entreprises de mode se développent vite, avec succès. La niche "bobos" fonctionne. Aujourd'hui, on cherche les affaires dans les ventes privées en magasin ou en ligne, le marché de la seconde main, les collections de l'année précédente, tout a changé dans le milieu des vêtements.

"Le marché du prêt-à-porter est dominé par Primark, H&M et Zara, explique Katia Richomme-Huet. Le luxe, lui, se porte bien. Hermès ouvre une école car elle ne trouve pas de main d'œuvre."  

L'appel au secours de Kaporal 

    Trop de manifestations des gilets jaunes, trop de Covid, trop de grèves successives... l'énergie qui flambe, les matières premières aussi, le loyer des boutiques qui augmente et la guerre en Ukraine... l'entreprise Kaporal flanche. 

    Le groupe a demandé à être placé en redressement judiciaire. Le tribunal de commerce de Marseille a accepté vendredi 31 mars 2023.

    Le redressement judiciaire est une procédure qui vise à permettre la sauvegarde de l'entreprise. A ne pas confondre avec la liquidation judiciaire, qui concerne une entreprise en état de cessation de paiement et dont le rétablissement est manifestement impossible.

    "On ne peut pas répercuter toutes ces hausses de prix sur le prix d'un jean, nous dit une bon connaisseur du dossier. Kaporal espère attirer des candidats et recevoir des offres."  L'entreprise ne compte pas fermer, elle a l'espoir de surmonter cette grosse crise.   

    Créée à Marseille en 2004, Kaporal emploie 534 personnes et gère 113 boutiques en France.

    Les chefs d'entreprise ne sont pas bien formés

    "C'est comme de conduire en état d'ivresse, ils peuvent provoquer des accidents." Le langage du président du tribunal de commerce de Marseille est très imagé. Jean-Marc Latreille, président depuis quatre ans, évoque les lois sociales et fiscales en France, inconnues de certains dirigeants.

    Avant la crise du Covid, certaines entreprises étaient déjà en train de chuter. "Au dernier moment, on les a rattrapées par les bretelles. On a prolongé leur agonie, sans soigner la maladie, comme un acharnement thérapeutique."

    Selon lui, San Marina ne faisait pas partie des entreprises "incompétentes". "Les dirigeants étaient dignes de ce nom et ont réussi pendant plusieurs dizaines d'années ; San marina était ancienne, structurée et organisée", souligne Jean-Marc Latreille. 

    "Mais elle n'a pas eu le temps de se reconvertir, prise à contrepied par l'évolution du monde de la consommation."

    Créée en 1981 à Marseille, San Marina, basée à Gémenos, avait innové en posant directement les boîtes de chaussures au sol. Elle employait près de 600 personnes dans 163 magasins. 

    La prévention est également proposée par la justice, rappelle le président du tribunal de commerce de Marseille. Une aide confidentielle (alors que les procédures sont publiques, NDLR), pour faire un bilan de santé avec un expert-comptable, ou régler un problème avec l'Urssaf, les impôts... Une proposition pour trouver un accord, dans la grande majorité des cas, avant le redressement.

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