"C'est urgent, l'État doit nous protéger". À Marseille, les chauffeurs VTC appellent à l'aide face au nombre grandissant d'agressions et à l'inaction des plateformes qui les emploient. Le président de l'Union des chauffeurs VTC marseillais alerte sur la dangerosité de leur métier.
Depuis la mort de Nessim Ramdane, chauffeur de VTC froidement abattu le 4 octobre par un adolescent à Marseille, la profession tremble face à des agressions qui se multiplient. Selon l'UCVM, l'Union des chauffeurs VTC marseillais qui représente 600 des 1500 professionnels de la cité phocéenne, la colère et la peur montent face à l’insécurité dont ils sont victimes, souvent la nuit, dès lors qu'ils prennent le volant. Houari Benali, président de l'association, raconte, l'angoisse des chauffeurs à France 3 Provence-Alpes.
France 3 Provence-Alpes : une psychose est-elle en train de gagner les chauffeurs de VTC ?
Houari Benali : les chauffeurs n'osent pas parler, mais ils s'expriment dans les groupes professionnels, sur WhatsApp, ils racontent ce qui leur est arrivé, on se donne de conseils, mais ils ont peur de parler, peur des représailles. Ces derniers jours, un chauffeur qui avait embarqué trois clients s'est fait courser par une autre voiture, qui l'a coincé en lui disant de s'arrêter et en le menaçant "arrête-toi si tu veux pas mourir". À l'intérieur, les clients le menaçaient de mort s'il s'arrêtait, une vraie scène de film ! Ce n'était pas lui qui était visé, mais ses passagers. Il s'en est sorti comme il pouvait, mais il ne peut pas reprendre le travail, il est sous le choc. C'est tout le problème, les clients connaissent notre prénom, notre photo, notre plaque d'immatriculation et ils peuvent nous retrouver. Ces chauffeurs victimes nécessiteraient une protection policière. Et pourtant, 99% de nos plaintes sont classées sans suite par manque d'éléments de preuve.
Est-ce que vous signalez les incidents à vos employeurs et que répondent-ils ?
Oui, sur l'application, il y a un moyen de faire remonter les incidents, mais on ne le fait que lorsque c'est grave. En réalité, les plateformes se foutent de nous, elles se réfugient derrière le RGPD et la protection des données des clients, mais notre protection à nous, personne ne s'en soucie.
On est comme dans une jungle, face à des multinationales, on n'y arrivera jamais seuls. L'État doit nous venir en aide avant qu'il n'y ait d'autres drames.
Houari Benali, président de l'Union des chauffeurs VTC marseillaisFrance 3 Provence-Alpes
Les plateformes de VTC jouent sur le turnover, "si tu n'es pas content, un autre prendra ta place", alors on reste les boucs émissaires silencieux. Après la mort de notre collègue Nessim, les plateformes auraient dû réagir en urgence, mais malheureusement personne n'a bougé. Et pourtant, nous, on reste face à des narcotrafiquants et des tueurs à gages sans limites, qui peuvent nous abattre à tout moment. Le paiement des courses en espèces aussi est un problème, notamment avec les applications Bolt et Heech, j'ai des collègues qui ont été menacés avec une arme, pour leur prendre leur recette. Dans certains quartiers, la nuit, on est en danger.
Que souhaitez-vous aujourd'hui pour améliorer votre sécurité ?
Nous demandons aux plateformes numériques de sécuriser les courses pour chaque commande, le client doit enregistrer une carte bancaire, ou une pièce d'identité et on demande une photo du client en selfie entre 18 heures et 6 heures du matin.
Pour louer une trottinette, on exige une carte d'identité ou une carte bleue, mais pas pour louer une voiture avec chauffeur ? Nos plaintes sont classées sans suite, parce que les clients ne sont pas identifiables.
Houari Benali, président de l'UCVMFrance 3 Provence-Alpes
Et on souhaite que les clients, eux aussi, soient identifiables, tout comme nous, et ne se cachent plus derrière des pseudos. Il faut qu'on arrête d'aller travailler avec la peur au ventre, ce n'est pas une vie de travailler dans ces conditions, c'est un cauchemar.
Est-ce que vous vous organisez, entre vous, pour vous protéger ?
Oui, nous faisons de la sensibilisation auprès des nouveaux chauffeurs, la "force de frappe des plateformes". Ils sont une centaine par mois à démarrer l'activité, souvent sans formation. Et ils ne savent pas ce qui les attend, ni comment ils devront réagir dans des situations délicates ou dangereuses.
On leur donne trois conseils : ne pas accepter les courses avec paiements en espèces le soir, ne pas accepter des clients sous pseudos et s'équiper d'une "dashcam", une caméra embarquée, pour filmer ce qui se passe à l'intérieur du véhicule. Ce n'est pas très cher, et de toute façon, on ne fait pas d'économie sur notre sécurité. On n'a pas le choix, on est seuls et personne ne nous écoute. C'est pour cela que l'on demande l'intervention en urgence de l'État pour nous protéger avant que d'autres drames ne se produisent.