ENTRETIEN. "Je ne veux pas mourir pour un match de foot", un arbitre du District de Provence témoigne de la violence ordinaire sur les terrains

Les matches prévus ce week-end dans le District de Provence ont été reportés, conséquence de l’agression d’un arbitre sur un terrain le 26 février. Pascal Caspar officie comme arbitre depuis 17 ans. Il témoigne de la violence ordinaire dont les hommes en noir font l'objet sur le terrain.

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  • Les matches prévus ce week-end dans le District de Provence ont été reportés, conséquence de l’agression d’un arbitre sur un terrain le 26 février. La Ligue Méditerranée de football a annoncé sa décision jeudi 2 mars pour les compétitions départementales U14 à séniors après la mise sous tutelle du District de Provence .

Au cœur de cette mesure exceptionnelle, se loge la violence chronique dont souffrent les arbitres chaque week-end sur les terrains de football. Pascal Caspar, arbitre depuis 17 ans dans le District de Provence répond aux questions de France 3 Provence Alpes et raconte son '"ras le bol" au delà de la passion. 

  • La violence sur les terrains est-elle grandissante au fil des années ?

Pascal Caspar : la violence envers les arbitres a toujours existé, elle est diffuse et récurrente mais toujours de trop. Je n'ai jamais fait l'objet d'agressions physiques, mais la violence verbale je l'ai subie et observée sur les autres arbitres. C'est souvent des insultes ou de l'intimidation avec des menaces du style "oh l'arbitre, on sait où tu habites, on va venir chez toi, on va s'occuper de ta femme et après on te retrouvera à ton travail". De la part de joueurs parfois aussi. Je me suis entendu dire, alors que je venais de mettre un carton à un joueur, "je me suis toujours dit qu'un jour je me ferai un arbitre et bien c'est aujourd'hui". Physiquement j'ai eu de la chance d'être épargné.

  • Que ressentez-vous face à ces agressions ? 

Ça gâche tout. C'est dommage d'en arriver là, car nous faisons de l'arbitrage par plaisir et on devient de la chair pour recevoir des agressions gratuites et inutiles.

Ces agressions verbales n'ont pas d'âge, elles peuvent provenir de jeunes de huit ans comme de personnes âgées. Le père dit "va te faire… " Et l'enfant répète.

Pascal Caspar, arbitre du District de Provence

Nous sommes là pour diriger une rencontre. Alors, on peut se tromper sur une décision mais entendre des insultes et en l'occurrence être la seule cible pointée du doigt, c'est inacceptable. On n'a jamais vu un supporter s'en prendre à un joueur qui aurait raté son action ou son match ! C'est plus facile de venir insulter l'arbitre, c'est de la lâcheté.

  • L'arbitre agressé le week-end dernier, vous le connaissez ?  

Non, pas directement, mais nous tous, arbitres du District de Provence, lui apportons notre soutien. Il a reçu des coups au visage, mais demain ce sera quoi ? Un coup de couteau ? On est pas à l'abri d'une dérive. On vit avec cette peur, cette crainte permanente. Je me dis que le prochain sur la liste, ça peut être moi. 

Quand je pars de chez moi le matin pour aller arbitrer, je ne sais pas si je serai de retour le soir. On est à l'abri de rien.

Pascal Caspar

France 3 Provence-Alpes

  • Reporter les matches ce week-end, vous pensez que c'est une bonne décision ?

Je salue cette décision de la Ligue. Il faut taper du poing pour dire notre ras-le-bol. On doit frapper fort pour faire cesser cette violence gratuite, qui est inscrite dans notre société. Malheureusement, je crois que les insultes seront toujours là, à moins de mettre 40 policiers à chaque match, dans les tribunes et sur le terrain, mais il ne faut pas en arriver là. Dans le stade, c'est la passion qui nous réunit, joueurs, arbitres et spectateurs. L'agressivité n'a pas sa place dans le monde du football, c'est tout.

  • Vous n'avez jamais envie de laisser tomber ?

Non, tant que j'aurai la flamme et la passion comme moteurs. J'ai eu la chance de ne pas connaître d'agression physique, ce qui me permet de continuer. J’aime appartenir à la famille des arbitres, les retrouver dans la convivialité le week-end. Arbitrer me permet aussi de canaliser mon énergie après une semaine de travail. Mais si un jour je me fais agresser, j’arrêterai. Je ne veux pas mourir pour un match de ballon ou pour gagner 65 €. La compensation financière est méritée, mais pas question de risquer sa vie pour autant.

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