Guerre en Ukraine : "Les Ukrainiens en exil sont mes frères et mes sœurs", confie Macha Makeïeff, directrice du Théâtre national de Marseille

70 directeurs et directrices de lieux culturels français ont lancé un appel à la solidarité envers le peuple ukrainien. Par ses racines russe et italienne, Macha Makeïeff, directrice du Théâtre national de Marseille, se sent très proche des Ukrainiens forcés à l'exil.

Les 23 danseurs du Grand Ballet de Kiev ont appris jeudi l'invasion de leur pays en pleine tournée du Lac des Cygnes à Marignane. Ils ont décidé de poursuivre leurs représentations comme prévu jusqu'au 2 mars. Et après ? Comment imaginer un retour chez eux quand des centaines de milliers de leurs compatriotes partent en exil?

Samedi, plus de 70 directeurs et directrices de lieux culturels ont co-signé dans Libération un appel à la solidarité pour que ces artistes ukrainiens contraints de fuir la guerre "puissent continuer leur activité et ainsi préserver la libre expression de la culture ukrainienne".

La directrice du Théâtre national de Marseille Macha Makeïeff, actuellement en tournée à Lyon, a immédiatement adhéré à l'initiative de Lucie Berelowitsch, la directrice du centre dramatique national de Normandie-Vire. 

Accueillir les artistes en exil

"Il y a les politiques et les diplomates et nous, nous sommes à un autre endroit. La notion de frontière est pour nous très différente. Nous sommes à l'occasion des maisons c'est-à-dire que nous sommes intrinsèquement des lieux d'accueil. Nous accueillons le public et les artistes chaque soir, et ces maisons dans cette Europe ébranlée sont là pour accueillir les artistes en exil".  

"Cette notion d'exil, pour les artistes, c'est quelque chose qui est très proche, on a ce sentiment chevillé au cœur".

Face à la détresse de ces artistes ukrainiens, "arrachés à leur culture et à leur langue", la directrice de théâtre conçoit son engagement de façon très concrète.

"Il faut donner la parole à ces artistes et leur donner les moyens de s'exprimer", déclare-t-elle, c'est leur proposer des places d'artistes associés et c'est partager nos plateaux". 

Auteure, metteuse en scène, plasticienne, Macha Makeïeff est d'autant plus touchée par la détresse des Ukrainiens qu'elle-même a des "ascendances russe et italienne".

"Ces récits d'exil, d'arrachements de sa culture de ces êtres qu'ils soient artistes ou pas, ça a vraiment peuplé ma petite enfance, confie Macha Makeïeff, ça a toujours accompagné ma vie, j'ai monté "La fuite" de Boulgakov à cause de ça, pour poser à cet endroit un héritage qui était très douloureux".

"Ceux qui sont en exil sont mes frères et mes soeurs, et je pense qu'il faut se faire l'écho de ce qu'ils peuvent ressentir et notamment l'extrême fatigue". 

L'ennemi absolu de l'exilé, c'est une espèce d'épuisement, il n'a plus sa source pour se renouveler.

Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de la Criée

"On ne parle jamais assez de l'épuisement, et je ne parle pas seulement de l'épuisement physique, mais cet ennemi absolu de l'exilé c'est une espèce d'épuisement. Il n'a plus sa source pour se renouveler".

Pour Macha Makeïeff, les "maisons de théâtre" peuvent être ce refuge où les artistes ukrainiens pourront se ressourcer.

"Il faut renouer avec le spectacle, renouer avec le public, renouer avec la joie d'être au théâtre, c'est aussi ce que nous pouvons apporter". 

S'il est important pour Macha Makeïeff d'envoyer ce message aux artistes ukrainiens "qui doivent se sentir abandonnés", elle ne veut pas oublier "le courage inouï" des artistes russes qui osent dire "non" à la guerre, comme Elena Kovalskaya, la directrice du théâtre d'État à Moscou qui a immédiatement démissionné après l'invasion russe.

"On sait très bien la place de la liberté d'expression dans nos métiers, on sait très bien que l'empêchement de la chose artistique est un geste autoritaire, fascisant et d'une violence extrême et qu'il empêche la vie tout simplement".

"On sait aussi très bien la réponse de brutalité immédiate de sanctions violentes qu'il leur est fait dès qu'ils manifestent autre chose que de baisser la tête, ces artistes-là pour n'être pas ukrainiens doivent entendre aussi notre solidarité. Ils sont dans le même état d'esprit que nous à part que, eux, ils risquent leur peau, et pas que leur peau artistique", rappelle la directrice de la Criée.

L'appel

"Nous, directrices et directeurs de lieux culturels en France, nous exprimons par ce message notre solidarité au peuple ukrainien et aux artistes ukrainiennes et ukrainiens. Nous sommes, face à l’urgence et aux dangers encourus par des artistes contraints de fuir la guerre, prêts à nous mobiliser, à contribuer à les accueillir en France afin qu’ils puissent continuer leur activité et ainsi préserver la libre expression de la culture ukrainienne".

Les dix premiers signataires de la région :

  • Olivier Py, directeur du Festival d’Avignon
  • Tiago Rodrigues, futur directeur du Festival d’Avignon
  • Marie Didier, directrice du Festival de Marseille
  • Dominique Bluzet, directeur du Grand Théâtre de Provence et du Théâtre du Gymnase
  • Macha Makeïeff, directrice du Théâtre de la Criée – Marseille
  • Gilles Bouckaert, directeur du Théâtre des Salins – Scène nationale de Martigues
  • Patrick Ranchain, directeur du Théâtre du Bois de l’Aune – Aix en Provence
  • Charles Berling, directeur de la Scène nationale Châteauvallon - Liberté
  • Muriel Mayette-Holtz, directrice du Théâtre national de Nice
  • Francesca Poloniato, directrice du Zef – Scène nationale de Marseille

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