Ancien chef plongeur et caméraman de la Calypso du commandant Cousteau, Bernard Delemotte était aussi un aventurier, passionné des animaux marins, amoureux éperdu de la mer. Spécialiste des amitiés au long cours, trois camarades reviennent sur sa disparation lors d'une plongée au Frioul au large de Marseille.
" Nous avons encore beaucoup de mal à y croire. Un compagnon a été victime de sa passion", c'est le message déposé par les Compagnons du Saga sur les réseaux sociaux.
La passion de Bernard Delemotte l'avait conduit sur toutes les mers du monde. Tantôt embarqué sur la Calypso du Commandant Cousteau ou encore à bord d'un Zodiac pour filmer les baleines dont il était tombé sous le charme, on le retrouve aussi en Alaska, sous la banquise caméra au poing, puis retraité dans un hangar en train de réparer un sous-marin à l'abandon avec une bande de copains.
La mer a bercé sa vie, la mer qui l'a emporté à 83 ans lors d' une ultime plongée au large du Frioul ce samedi 14 janvier. Quelques jours avant sa disparition Bernard Delemotte assistait à la réunion hebdomadaire des Compagnons du Saga dont il était le secrétaire général depuis 10 ans.
Son amour pour la plongée l'avait poussé en 1963 à rejoindre l'équipe Cousteau et il prendra part à de nombreuses expéditions en 1967, 1977 et 1985.
Un chasseur d'images et de trésors sous-marins
Marius Orsi, ancien mécanicien de la Calyspo, a rencontré Bernard Delmotte en 1963 alors qu'il faisait ses débuts comme plongeur auprès du Commandant Cousteau. " C'était un plongeur professionnel rigoureux et fiable. Il était doué, ce qui lui permis de devenir rapidement caméraman". Marius Orsi se souvient d'une expédition en 1968 en mer des Caraïbes, où l'équipe Cousteau réalise le film Un Trésor englouti : " Nous étions tous partis à la recherche d'un trésor que nous n'avons jamais trouvé parce que nous n'étions pas sur la bonne épave! Nous avons remonté de la vaisselle et toutes sortes d'objets sans valeur et c'est un américain, Mel Fisher qui a découvert le trésor quelques années plus tard, un peu plus loin : des tonnes de lingots d'or et des centaines de millions d'euros ! Je garde de cette aventure avec Bernard un souvenir inoubliable ".
Un amoureux des animaux marins
Jacques Renoir, photographe et cinéaste, évoque Bernard Delmotte, avec émotion. Leur rencontre remonte à 1967, scellant une amitié inoxydable. " C'était plus qu' un ami, un grand frère. Je salue ses grandes qualités de caméraman, de plongeur et d'homme... un type formidable!".
Jacques Renoir raconte comment Bernard Delemotte lui a sauvé la vie. En juillet 1967, la Calypso se retrouve bloquée dans le canal de Suez en raison de la Guerre des 6 jours. L'équipage, pour s'occuper, entraine le jeune cinéaste inexpérimenté dans une plongée à 35 mètres de profondeur. " C'est Bernard qui m'a remonté à la surface alors que mes poumons étaient remplis de sang. J'aurais pu y rester. Plus tard il m'a appris à plonger dans la mer Rouge .Et je lui ai appris à faire des images...".
Ensemble, les deux hommes feront de nombreux films sur les dauphins, les baleines, les saumons, ou les requins : " Bernard avait une approche étonnante des animaux marins, il conversait avec les dauphins et caressait les poissons". Jacques Renoir sourit en se remémorant une anecdote lors du tournage de La tragédie des saumons rouges,: "Sur la banquise, Bernard avait marché sur un ours polaire qui dormait. Pris de panique, nous avions pris nos jambes à notre cou et l'ours aussi dans l'autre sens!... On rigolait bien..." Et de conclure: " le bonhomme, ancien douanier à l'esprit militaire, pouvait être parfois râleur mais toujours de bonne humeur" .
Un homme tourné vers l'avenir
Michel Bourhis, peut en témoigner. Le président de l'association Les Compagnons du Saga avait plongé avec Bernard Delemotte dès 1965 à Marseille. "J'ai découvert la beauté des fonds marins et la biodiversité à travers ses images, dans les films de Cousteau. Jeune, Bernard m'a fait rêver...". Depuis 10 ans, il avait rejoint l'association et participait à la restauration du sous-marin Saga.
" Il nous a énormément conseillé sur la réalisation des images en 3D du Saga qui servent aux visites virtuelles. Il avait suivi l'évolution technologique de la prise d'image". Tourné vers l'avenir, Bernard Delemotte était en train de finaliser un projet personnel : élire domicile sur un catamaran, en construction à la Rochelle, dont il devait prendre possession en mars prochain, pour partir vivre sur l'eau et couler des jours heureux. "Sa discrétion et son humilité ne sont pas à la hauteur des aventures qu'il a connu et qu'il nous confiait parfois. Il va beaucoup nous manquer".
Tout comme Albert Falco, figure de l'épopée Cousteau, disparu en 2012, Bernard Delemotte devrait laisser son empreinte quelque part au bord de la mer.
Hérvé Menchon (EELV) a tweeté son intention d'honorer la mémoire du plongeur dans Marseille " qui représente beaucoup pour l'histoire de la mer et de la plongée" en donnant son nom à un lieu de la ville.
L'enquête et l'autopsie devront déterminer les causes précises de la mort, mais ses amis plongeurs le rappellent: " L'expérience ne compte pas en plongée, il faut garder la même vigilance à la première comme à la dernière, un accident peut arriver même aux meilleurs ".