"Il était en larmes, il avait mal" : enquête ouverte suite à une vidéo de maltraitance d’enfants dans un centre de loisirs à Marseille

Des animateurs d'un centre aéré du 8e arrondissement de Marseille sont accusés de violences sur des enfants âgés de trois à six ans. Une vidéo relayée sur les réseaux sociaux a permis d'identifier les faits. Fatima Molina, mère de deux d'entre eux et influenceuse, ne cache pas sa colère, et demande que justice soit faite. Plusieurs plaintes ont été déposées.

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"On voit mon fils pleurer, dire qu'il a mal et qu'il est fatigué de sauter". Fatima Molina Benlazreg est folle de rage. Ses enfants, Ayden et Emna, jumeaux âgés de cinq ans, ont été victimes de violences et de maltraitance au centre aéré Raymond Teisseire, dans le 8e arrondissement de Marseille. Et d'après elle, ce ne sont pas les seuls. En tout, vingt-trois enfants de trois à six ans étaient gardés dans cette section de ce centre de loisirs, boulevard Rabatau.

Tout est parti d'une vidéo postée sur les réseaux sociaux.

Sur la vidéo, une animatrice filme les enfants à visages découverts. "Allez les enfants, dites des gros mots que vous n'avez pas le droit de dire !", leur exige-t-elle. Les enfants, confus, obtempèrent. Puis, sur une autre vidéo, Ayden, le fils de Fatima, est en larmes. "T'es fatigué ? Allez, dépêche, saute, t'es puni !" ordonne l'animatrice, avec un rire. Les vidéos ont été postées sur Snapchat, par l'animatrice elle-même.

"Les enfants, dont nos jumeaux, ont été forcés de rester debout sur un pied, les mains sur la tête et les yeux fermés en guise de punition", détaille Fatima Molina Benlazreg, présente avec un pseudo sur Instagram.

La mère de famille cumule plus de 143 000 abonnés sur son compte, où elle partage habituellement des conseils d'organisation intérieure et de "Lifestyle". Lorsqu'elle a appris la nouvelle, Fatima Molina s'est emparée de son téléphone pour témoigner et partager la vidéo, cette fois-ci en cachant les visages des enfants.

Diffusée ce lundi 29 juillet, la vidéo cumule à ce jour plus de 4,6 millions de vues.

Plusieurs plaintes déposées

"On essaie de mettre la lumière sur la partie cachée de l'iceberg. Qu'est-ce qu'il a pu bien se passer en off ?", interroge Fatima, scandalisée. "Les animateurs les obligeaient aussi à sauter sur leurs genoux. Les enfants se plaignaient d'avoir mal, mais ils étaient obligés de continuer, malgré les pleurs", raconte-t-elle. Pour l'heure, sept parents ont déposé plainte, représentant douze enfants.

Le soir du drame, Fabrice Pruneta, délégué territorial à l'animation Léo Lagrange Méditerranée, société gérante du centre aéré, s'est rendu sur place. En 35 ans de métier, Fabrice Pruneta n'a jamais eu affaire à une telle situation. "On condamne fermement ce qu'il s'est passé. Le comportement de l'animatrice est inadmissible. Nous allons également porter plainte contre elle. On comprend la colère des parents, qui est tout à fait légitime.", soutient le délégué. 

Depuis ce mercredi 31 juillet, deux autres centres de loisirs du quartier accueillent les enfants du centre Raymond Teisseire.

C'est scandaleux. On essaie d'éviter de parler de ce sujet, on fait des activités avec eux, on essaie de leur changer les idées

témoigne le directeur du centre aéré de Jean Mermoz.

France 3 Provence-Alpes

L'animatrice voulait suivre "une trend TikTok"

Âgée de 20 ans, l'animatrice a déjà travaillé au centre Raymond Teisseire et d'autres structures de loisirs. "Elle avait travaillé avec nous en 2022 et 2023 sur des périodes de petites vacances scolaires. On n'a jamais eu de signalement ou de problème. Ni avec les deux autres animateurs impliqués," affirme Fabrice Pruneta. D'après Fatima, la vidéo où les enfants sont contraints de dire des insultes avait vocation à suivre "une trend (tendance) sur TikTok".

Deux enquêtes ont été ouvertes. L'une par le service départemental à la jeunesse (SDJES), l'autre par le parquet. Ce dernier indique à France 3 que l'animatrice a été placée en garde à vue dès le 29 juillet, puis a été libérée le lendemain afin de permettre à l'enquête de suivre son cours.

"La principale mise en cause a été suspendue de ses fonctions", et les deux autres animateurs impliqués ont également été mis à pied.

Fatima Molina culpabilise. "Quand mon fils me disait qu'il avait mal aux genoux, je lui disais que c'est parce qu'il était en train de grandir. Parfois, on voyait des bleus, mais à cet âge-là, c'est quelque chose qui arrive tout le temps. Je m'en veux terriblement" soupire la maman, désespérée.

Ils les ont manipulés pour ne rien dire. Depuis que cette histoire a éclaté, mes enfants sont terrifiés à l'idée qu'on aille en prison ou qu'ils vont être punis.

dénonce Fatima Molina.

L'animation : un secteur en tension

Une cellule psychologique a été ouverte à la demande de la Ville de Marseille. "Les enfants n'arrivent pas à parler. Quand on leur pose des questions, ils se mettent à pleurer", se désole la mère d'Ayden et Emna.

Les parents espèrent obtenir justice. Fatima souhaite aussi que cette histoire permette de se pencher sur les problématiques liées aux métiers de l'animation : "J'espère que les directeurs des centres de loisirs sont tous en train de remettre au carré leurs équipes et éviter qu'il puisse y a voir d'autres victimes. Peut-être qu'à l'avenir, cela permettra de faire un meilleur recrutement, de mieux rémunérer les animateurs pour embaucher des personnes plus compétentes", suggère Fatima.

Depuis quelques années, l'animation est un secteur en tension. "C'est un métier peu reconnu, peu valorisé. On a besoin de l'aide des pouvoirs publics pour réfléchir ensemble sur des modalités de fonctionnement qui nous permettraient de sélectionner des personnes compétentes, formées, et de pérenniser ces postes", espère Fabrice Pruneta.

"En job d'été pour les jeunes, c'est bien, mais on a aussi besoin d'animateurs expérimentés qui encadrent ces jeunes et consolident une équipe", poursuit le délégué. "Si ma visibilité peut le permettre, ce sera mon combat. On ne touche pas aux enfants", conclut Fatima Molina.

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