Les chevaux utilisés par la ferme du laboratoire Sanofi, dont le passeport portait pourtant la mention "définitivement écarté de la consommation humaine", étaient ensuite vendus pour leur viande.
Ils avaient trompé bouchers chevalins et consommateurs en leur vendant une viande impropre à la consommation humaine provenant notamment de chevaux de laboratoire de la ferme Sanofi : vingt-quatre prévenus ont été condamnés mardi 28 février à Marseille, pour une vaste fraude commise il y a dix ans.
Patrick Rochette, grossiste en viande à Narbonne (Aude), auquel le tribunal correctionnel de Marseille a attribué "la principale responsabilité", est le plus lourdement condamné, avec trois ans de prison dont deux ans avec sursis, une amende de 15 000 euros et une interdiction pendant cinq ans d'exercer toute activité en lien avec la filière équine. L'année d'emprisonnement ferme sera purgée à domicile sous bracelet électronique, a précisé Céline Ballerini, la présidente du tribunal.
Lors des trois semaines du procès, en janvier, Patrick Rochette, 68 ans, avait reconnu l'abattage de chevaux de la ferme-laboratoire de Sanofi dont le passeport portait pourtant la mention "définitivement écarté de la consommation humaine." Le maquignon a avoué qu'il remplaçait par un document vierge le feuillet de traitement médicamenteux initial.
Mise en péril de la sécurité sanitaire
"La fraude est évidente et pouvait mettre en péril la sécurité sanitaire sur le territoire national et à l'étranger", a dénoncé Mme Ballerini, évoquant notamment ces chevaux qui avaient permis à Sanofi d'élaborer des sérums antivenimeux. Une expertise avait cependant écarté tout risque toxicologique pour les consommateurs.
Condamné à deux ans de prison dont six mois ferme à purger sous bracelet électronique, à une interdiction d'exercice pendant cinq ans dans la filière équine et à une amende de 20 000 euros, Fabrice Daniel, agriculteur et commerçant de chevaux dans le Gard, fournissait à Sanofi ces chevaux de laboratoire, puis les reprenait, une fois réformés au bout de plusieurs années, en les rachetant dix euros l'animal. Ces bêtes étaient alors revendues à Patrick Rochette.
Le tribunal a pointé du doigt ses "profits exceptionnels" et son "mépris des règles sanitaires." Dans son jugement, le tribunal a cependant précisé prendre en compte l'ancienneté des faits ainsi qu'un "certain attentisme de l'administration et l'absence de consignes claires" dans l'application de la législation européenne en vigueur dès 2009.
A l'exception d'un marchand espagnol de chevaux, absent lors des débats et condamné à deux ans de prison dont un an ferme, l'ensemble des peines prononcées contre les 21 autres prévenus sont toutes couvertes par le sursis et s'échelonnent de deux à trente mois. Les plus lourdes sanctionnent les rabatteurs de chevaux pour Patrick Rochette ou ceux ayant exporté des animaux vers l'Italie, la Pologne et l'Espagne avec de faux documents.
Des passeports de chevaux morts
Au-delà des chevaux Sanofi, les prévenus ont fait abattre des animaux qui ne devaient pas l'être pour des raisons réglementaires. L'audience a ainsi établi l'utilisation de passeports de chevaux morts pour fournir des papiers à des animaux n'en ayant pas, ou le recours au faux tampon d'un vétérinaire de Chambéry.
Evoquant la "complaisance de professionnels sanitaires", le tribunal a condamné les huit vétérinaires qui étaient jugés à des peines de prison avec sursis allant de deux à six mois. Le procureur Jean-Yves Lourgouilloux avait pourtant requis la relaxe de quatre d'entre eux, estimant que rien n'établissait "qu'on bascule des carences professionnelles vers une intention frauduleuse."
Un euro pour préjudice moral a été alloué à Sanofi, le montant que le laboratoire réclamait.
(avec AFP)