INSOLITE. "Il y a une excitation avant de se mettre à l'eau." : il est corailleur et raconte sa passion pour le corail rouge de Méditerranée

Jonas Bizord est corailleur. Son activité est exceptionnelle : il récolte du corail rouge dans la Méditerranée. Plus qu'un métier, c'est une passion, qu'il évoque les yeux dans les étoiles. France 3 Provence-Alpes l'a rencontré dans son quartier du Panier, à Marseille.

La récolte du corail existe depuis de longues années. "Il y avait déjà des plongeurs sous Alexandre le Grand", précise Jonas Bizord. Si vous ne vous souvenez pas de vos cours de sixième, petit rappel historique. Alexandre le Grand était roi de Macédoine, né en 356 avant JC et mort en 323 avant JC. Donc la récolte existe depuis des millénaires.

Le corailleur du Panier nous précise d'ailleurs que la cité phocéenne "a eu un rôle majeur dans l'artisanat du corail". "À 200 m d'ici, il y a la place De Lenche. C'est le nom d'une famille, les plus gros négociants en corail rouge il y a 250 ans. Je ne dis pas qu'on renoue avec l'histoire", mais presque.

Ils sont seulement sept en France à pratiquer ce métier. Jonas Bizord est corailleur à Marseille où il tient également une boutique de bijoux. À 100 m dans les profondeurs de la Méditerranée, en combinaison et bouteille de plongée, il récupère des branches de corail rouge

Il faut avoir le virus. Quand on touche du corail rouge, il se passe quelque chose.

Jonas Bizord, corailleur

à France 3 Provence-Alpes.

Jonas Bizord est corailleur depuis 10 ans. Plongeur amateur depuis ses 18 ans, la découverte de ce métier a été un coup de foudre pour lui. "J'étais fasciné, je le suis toujours. Il y a une excitation avant de se mettre à l'eau. On se demande ce que l'on va trouver au fond", nous confie-t-il avec un large sourire et les étoiles dans les yeux.

Avant d'être corailleur, il était scaphandrier. Sous l'eau, il réalisait des travaux publics sous-marins. Il décide de changer de voie et de se concentrer sur la récolte de corail rouge, espèce trouvée uniquement en mer Méditerranée. C'est en rencontrant d'autres corailleurs qu'il se jette dans le bain. "Leur psychologie face à la mer et la plongée me plaisaient beaucoup, nous explique-t-il. J'ai vu leur matériel. Je me suis dit très technique et fascinant. Je les voyais comme des sportifs de haut niveau", plaisante-t-il.

Sept corailleurs en France

Des corailleurs, il n'a toutefois pas pu en rencontrer beaucoup. Seulement sept personnes pratiquent ce métier en France. Et pour la plupart, en Corse. Quand il a commencé, il y en avait trois à Marseille, autorisés à pêcher des frontières italiennes jusqu'à la Corse. Depuis, l'un d'eux est parti à la retraite, l'autre est allé explorer les profondeurs de l'île de beauté.

Le plongeur qui dit qu'il n'a jamais eu peur sous l'eau, c'est un menteur.

Jonas Bizord

à France 3 Provence-Alpes.

Pour Jonas Bizord, les corailleurs sont "soudés", presque une confraternité. Au-delà de partager une passion commune aussi spéciale, s'ils se donnent des nouvelles régulièrement, c'est aussi pour se rassurer. "On fait tous un métier dangereux. La plongée profonde, ça présente quelques risques. Des complications physiques, matérielles et psychologiques." Mais pour lui, c'est la peur qui les "maintient en alerte".

Des conditions obligatoires pour devenir corailleur

Tout le monde ne peut pas devenir corailleur, "il y a des numerus clausus". Et pour faire partie de l'un d'entre eux, il faut justement être formé par un corailleur. Jonas Bizord se rappelle la patience qu'il lui a fallu pour apprendre ce métier. Parfois, son formateur la testait en le poussant à se concentrer et à rester seul sans parler pendant des heures. Et puis un jour, après une multitude de plongées ensemble, il lui annonce qu'il peut enfin devenir corailleur. Un "soulagement".

D'autres conditions sont nécessaires pour prétendre pratiquer cette profession. "Il faut être diplômé de la marine marchande, donc être capitaine d'un bateau, être plongeur professionnel", explique-t-il. Il faut également avoir l'embarcation adaptée et le matériel adéquat pour plonger.

Équipé d'une combinaison, de bouteilles de gaz, Jonas Bizord descend à 100 m de profondeur. "On va respirer différents gaz, entre la descente et la remontée. Le plongeur est soumis à des paliers de décompression quand il est dans de grandes profondeurs." Il descend dans des lieux qu'il a préalablement présélectionnés. "Le corail a besoin de s'enraciner sur une roche. Alors, le corailleur doit trouver des roches les plus intéressantes possibles, un relief un peu accidenté avec une bonne exposition", poursuit-il.

La plongée dure entre 2 h 30 et 4 h. Dans les fonds marins, le plongeur reste entre 20 et 45 minutes maximum pour récolter le corail à l'aide d'une martelette, petit marteau que l'on retrouve souvent dans le milieu de l'archéologie. Sur le bateau, les chercheurs de l'or orangé sont toujours accompagnés d'un veilleur devant s'assurer de la sécurité du plongeur.

On ne prend que les morceaux intéressants et le reste on le laisse grossir pour les autres années.

Jonas Bizord, corailleur

à France 3 Provence-Alpes.

Non, les corailleurs ne peuvent pas pêcher autant de ces animaux marins qu'ils souhaitent. Au-delà du numerus clausus pour les plongeurs, il y a un quota à respecter. En France, ils peuvent récolter uniquement les coraux rouges dont leur base est de minimum 7 mm. À travers l'hexagone, 1,4 tonne de ces cnidaires octocoralliaires peuvent être cueillis.

Du corail rouge transformé en bijou

Il y a six ans, Jonas Bizord décide d'aller plus loin dans ce métier qui le passionne et d'ouvrir une bijouterie. Ces animaux marins servent dans une grande majorité des cas à la bijouterie et parfois à la pharmacologie. On retrouve également du corail rouge dans la teinture. Napoléon en était d'ailleurs un passionné.

Il ouvre ce magasin à la devanture rouge dans l'historique quartier du Panier à Marseille avec son épouse Gaëlle, devenue bijoutière.

Ce qui ressort de chez nous, c'est qu'il y a la passion et il y a de l'amour.

Jonas Bizord

à France 3 Provence-Alpes.

Plus qu'une simple joaillerie, c'est aussi une histoire d'amour derrière le rideau. Les deux passionnés de la mer ont souhaité se retrouver autour d'une activité commune. Ensemble, ils ont décidé de changer de métier pour travailler à deux. "Ce qu'on adore avec ma femme d'ailleurs, c'est qu'un couple se fasse un cadeau et lorsqu'ils sortent de la boutique, s'embrassent. À chaque fois, ça fait plaisir", sourit Jonas Bizord.

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