Le long-métrage, réalisé par l'auteur-scénariste camerounais Guy Roméo, aborde le parcours de cinq jeunes migrants à leur arrivée à Marseille. Un récit en partie autobiographique, qui sera projeté samedi 16 juillet au cinéma Artplexe, sur la Canebière.
Cinq personnages et cinq parcours de vie, tous liés à l'immigration. Le film raconte l'arrivée à Marseille de Lion, Chris, Bizon, Eva et Camilla, des jeunes en situation de migration, "candidats à l'intégration sociale, économique et administrative". Issus chacun d'un pays différent, ils se sont connus sur les routes de l'exil, entre le Maroc et l'Espagne. Une fois dans la cité phocéenne, après un long périple, ils se séparent et se donnent rendez-vous trois mois plus tard pour faire le point sur leur situation : quid de leur intégration ? de leurs difficultés ? qu'ont-ils construit sur place ?
Le film, incarné par des jeunes travailleurs marseillais, âgés de 18 à 30 ans (Aboudou Kamal, Bangoura Issa, Narkao Paul Désiré, Rym Foglia et Silver Sokolowsky), met en scène "cinq visions différentes du monde, où ces jeunes vont devoir traverser les limites du possible et se livrer comme ils le peuvent", explique le réalisateur et scénariste, Guy Roméo Amougou, qui a imaginé ce long-métrage avec les cinq acteurs en devenir et les membres de son association "Dans la peau du BTIR". Installée à la Cité des associations de Marseille depuis 2016, elle œuvre pour la promotion de la pratique culturelle auprès de jeunes de 18 à 25 ans, via des ateliers d'initiation aux métiers de la musique, de l'audiovisuel et du cinéma.
A leur arrivée, "chacun des protagonistes aura un parcours de vie différent. L'une va tomber dans la prostitution ; l'autre dans la drogue. Un qui voulait jouer au football va se retrouver à traîner avec des 'voyous'. Seul un des personnages persiste dans le droit chemin", décrit Guy Roméo.
Ces parcours, le réalisateur les connaît bien pour les avoir croisés, lors de son propre exil. Né à Nyamanga, au Cameroun, Guy Roméo a quitté son pays à l'âge de 18 ans, pour prendre la route de l'Europe, poussé par la précarité, attiré par ses ambitions et une certaine vision de la France. Faire du rap, imiter ses idoles, IAM, Kerry James ou Mac Tyer. Il se dit aussi influencé par son goût pour le cinéma, lui qui se souvient "avoir beaucoup regardé les chaînes étrangères, Trace, pour les clips, et Canal +", entre autres.
3 ans d'exil à travers l'Afrique
Passé par le Nigéria, le Niger, l'Algérie, le Maroc - avec des détours par le Sénégal, la Côte d'Ivoire et la Tunisie - avant de rejoindre l'Espagne, au terme d'un voyage de trois ans et demi, Guy Roméo a connu la précarité, vécu de petits boulots, de ses tatouages, négocié avec les passeurs... Enlevé au Nigeria, il a fait face à la violence tout au long de sa route : attentat, mort de certains de ses proches compagnons, abandonnés par un passeur en plein désert. Un de ses amis décèdera également à la frontière "la plus redoutable au monde", entre l'Espagne et le Maroc. Un exil qu'il raconte dans son premier roman, "Dans la peau de l'immigré".
Une fois en France, celui qui se fait appeler "Général docteur H-Chelem, commandant du BTIR" (pour "bataillon de troupes indépendantes et résolues") - un pseudonyme qui emprunte à ses rencontres, comme à son affinité pour l'armée - atterrit à Paris. Déçu d'une ville "différente de ce qu'il espérait", il rejoint Marseille "pour son côté bouillant" et "parce qu'il aime l'OM".
"Nous sommes le 1er janvier 2015. Je ne connais personne. Je n'ai pas d'argent mais des rêves plein la tête". A Marseille, Guy Roméo est hébergé en foyer. Il connaît les premières difficultés de l'intégration et est aussi, rattrapé par ses souvenirs. "Des cauchemars, des visions", qu'il tente d'évacuer avec son roman, et par la musique. En 2016, il fonde son association et organise des soirées "Open mic" (à micro ouvert), pour accompagner les jeunes de Marseille Centre et des quartiers Nord et les aider à se lancer dans la musique ou l'audiovisuel. "Sans papiers, c'était mon seul moyen de travailler, d'avoir une activité", insiste-t-il.
"Regarder l'étranger autrement"
Quelques années plus tard, naît le projet cinématographique "Intégration", avec les jeunes qu'il forme. S'ensuivent deux années de tournage, avec une équipe 100% bénévole : 50 comédiens, 8 techniciens. Et une première projection devant le grand public prévue samedi 16 juillet, au cinéma Artplexe, sur la Canebière, en présence d'associations et des consuls du Cameroun et du Sénégal.
L'ambition du film : changer le regard sur la migration. "L'idée est de toucher du doigt la question de l'intégration. Nous devons la replacer au cœur de nos vies. Lorsqu'on arrive ici, en Europe, on est perdu. J'aimerais que les gens nous regardent autrement et comprennent qu'on ne quitte pas notre pays pour envahir la France, mais simplement parce qu'on a faim. Et aussi, pour partager des choses", développe Guy Roméo.
Autre cible : la population camerounaise. "Nos anciens, partis vivre en France, en véhiculent parfois une image biaisée", explique celui qui veut en montrer "la réalité du pays et de l'intégration" à travers ce long-métrage. "Chacun fait ses choix. Mais aujourd'hui, je ne conseillerais pas à un frère africain de faire comme moi" ; le même parcours, avec ses dangers.
La projection, à partir de 15h au cinéma Artplexe (15€ l'entrée), sera suivie d'un débat. D'autres pourraient suivre à Marseille dans les prochains mois et le réalisateur anticipe déjà un second volet.