À Marseille, une petite chienne chihuahua a succombé fin avril aux coups d'un homme, sur fond de vengeance après une séparation. Selon deux spécialistes, les sévices sur un animal sont révélateurs d'une volonté de destruction et annonciateurs d'autres formes de violences.
Le 25 avril, dans le 9e arrondissement de Marseille, un homme a tué la chienne de son ex-compagne. Il lui a envoyé une vidéo des violences et de la chienne morte. L'homme lui a dit "j'ai tué le chien, je vais te tuer." Un cas qui n'est ni nouveau ni isolé. En Seine-et-Marne, un homme a été condamné en novembre 2022 à 12 mois de prison pour avoir tué la chienne de sa compagne, alors que leur couple battait de l'aile. En 2014, un Américain a tué le Loulou de Poméranie de sa partenaire avant de lui servir à manger. La femme avait signalé avoir subi de nombreuses violences de la part de son homme. Des cas emblématiques et qui doivent alerter selon deux spécialistes.
Une "logique de terreur"
Spécialisée dans les violences faites aux femmes, Maître Isabelle Steyer prend ces violences animales très au sérieux. "C'est une logique de grande terreur", poursuit l'avocate,"je te fais vivre la terreur, tu culpabilises, tu n'es pas efficace, tu te sens complice". "Un homme qui s'attaque à un animal s'attaque à quelqu'un qui ne peut pas le nommer, le désigner, alors qu'un enfant en est capable, poursuit-elle. C'est la fragilité dans la fragilité."
Pour l'avocate, il s'agit dans ces dossiers de maltraiter un être cher à une femme. Encore plus maltraité que la femme.
Il faut détruire, l'homme n'en est pas encore au stade de la détruire, elle.
Isabelle Steyer, avocate spécialiste des violences conjugalesà France 3 Provence-Alpes
Isabelle Steyer explique que dans tous les dossiers de maltraitance d'enfant, si un animal est dans le foyer, il est maltraité systématiquement.
Trois critères indiquent selon elle qu'un homme est sur le point de tuer sa compagne ou ex-compagne. "L'homme dit "je veux te tuer", il utilise le feu [en déclenchant un incendie par exemple] et il maltraite un animal". Quand ces trois critères sont réunis, la folie va jusqu'au meurtre, c'est ce qu'Isabelle Steyer a constaté dans ces dossiers et sa carrière en général.
Une violence qui en engendre d'autres
Dans l'affaire marseillaise, la propriétaire du chien tué n'a pas porté plainte. Son ancien compagnon n'avait pas le droit de s'approcher d'elle, par ordonnance d'éloignement. Le 25 avril, il a tué la chienne de cette jeune femme à coups de savates. L'association SPAME (Société Protectrice des Animaux Maltraités et Errants) a déposé une plainte et se porte partie civile. Elle sera représentée par Isabelle Terrin, avocate spécialisée dans la défense des animaux.
Selon elle une personne capable d'une telle violence sur un animal peut aussi bien s'en prendre à une femme, un enfant ou une personne âgée.
Il existe une seule violence, c'est un côté sadique.
Isabelle Terrin, avocate de la SPAMEà France 3 Provence-Alpes
"Dans un État américain, un fichier recense les personnes ayant commis des sévices ou actes de cruauté sur les animaux. Lorsque les enquêteurs cherchent un tueur en série, ils regardent ce fichier. Celui qui crève un œil à un animal n'est forcément pas tranquille", selon l'avocate.
L'espoir d'une justice plus sévère
"Avant, on ne me prenait pas au sérieux" raconte Maitre Terrin "Aujourd'hui, je sens que les parquets sont très sensibles à ces actes. La loi a changé en 2021. Aujourd'hui, pour sévices et cruauté ayant entraîné la mort, la peine peut s'élever à 5 ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende".
"Un animal est un être sensible", un référent animal est désormais en place au sein des gendarmeries et commissariats. "On prend conscience de la gravité des faits, de l'importance de les juguler, d'arrêter la violence dès les prémices."
On devrait poser cette question dans les gendarmeries et les commissariats. On évoque les maltraitances économiques, psychologiques et sexuelles, on devrait ajouter les sévices sur les animaux, ça en dit long sur le foyer.
Isabelle Steyer, avocateà France 3 Provence-Alpes
Isabelle Terrin plaidera le 6 juin dans le procès des violences infligées au chihuahua. Dans toutes ses affaires de défense des animaux, elle a un souhait : "Tu touches à un animal, tu vas en prison."