"Je n’étais pas sa femme, j’étais sa chose" : elles se sont libérées de l’enfer des violences conjugales et témoignent

Betty, Walida et G. ont subi une grande violence dans leur couple. A force de courage et de volonté, elles ont réussi à s’extraire de l’emprise de leur conjoint et à sauver leur peau. Elles témoignent dans le film "Quand elles passent à l’action".

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"La première fois, on est complètement sidéré. Le premier réflexe serait de partir et puis, c’est horrible à dire, on s’habitue…"
De G. on ne verra pas le visage. La voix est calme, posée, le récit glaçant. "On s’habitue petit à petit, à des mots, à des comportements, puis au final à des coups. J’ai mis longtemps, 15 ans - 15 ans ! - pour en sortir…"

Chaque année en France, dans toutes les couches sociales, au moins 220.000 femmes sont déclarées victimes de violences conjugales. La réalisatrice Marion Lary a rencontré plusieurs d’entre elles à Marseille.

Betty, Walida et G. ont accepté de raconter leur parcours. Pour elles-mêmes et leurs enfants, mais aussi pour les autres femmes. Elles espèrent que ce récit provoquera chez les victimes un déclic salvateur.

Elles sont de milieux différents mais toutes les trois ont été frappées, insultées, humiliées pendant des années par leur conjoint. Et puis un jour, elles ont eu le courage immense de franchir le pas et de partir.

Chaque fois qu’il me frappait, j’avais droit à un bisou, à des parfums…

Betty

Les témoignages, effroyables, se ressemblent et décrivent la même spirale infernale : la souffrance physique mais aussi psychologique, la peur qui pétrifie, la honte, la culpabilité, la perte d’estime en soi… Et cette manipulation, cette emprise redoutable exercées par le bourreau.

Oser franchir la porte de l’association SOS Femmes

"Quand il parlait de moi aux autres, on aurait dit qu’il parlait du Pape, il m’élevait toujours, mais à la maison j’étais une serpillière…" raconte Betty. Tous les prétextes étaient bons. "Chaque fois qu’il y avait un match de l’OM, je priais pour que l’OM gagne, sinon il me disait "c’est de ta faute" et je morflais… C’est un fou, un grand malade, mais un grand malade que j’aimais. Je ne voyais qu’à travers lui. Il réfléchissait à ma place, je n’avais plus de cerveau, le cerveau c’était lui."

Il faudra 17 ans à Betty pour oser franchir la porte de l’association SOS Femmes. "J’ai compris alors que ce n’était pas normal d’être frappée, d’être la chose de quelqu’un. Car je n’étais pas sa femme, j’étais sa chose…"

"Il m’a tellement dit que j’étais moche, bête, que j’ai fini par le croire" souffle Walida. Dans le club de boxe où elle est aujourd’hui inscrite avec ses filles, la jeune femme raconte, sans fard, son histoire, battue et rabaissée pendant presque 10 ans par son ex-mari.

"Un jour, il a menacé de m’égorger et ce jour-là, j’ai eu trop peur, j’ai pris mes enfants et je me suis dit : c’est fini, je ne remettrai plus les pieds ici. Je n’avais plus d’énergie, j’étais noyée". Elle se souvient, les larmes aux yeux : un soir d'octobre "j’ai mis les affaires de mes filles et les miennes dans un sac, et on est parti dans le noir" sans même savoir où aller…

La première personne qu’on interroge, c’est la victime. "Pourquoi ? Comment ? Toi ? Mais enfin, tu es intelligente, tu es éduquée, tu es capable de te défendre… Pourquoi tu n’as rien dit ?" Cela rajoute encore une couche de culpabilité.

 G.

Un premier pas salvateur

Pour Walida, comme pour Betty et G. , dépasser sa peur, quitter le conjoint violent et demander de l’aide seront un premier pas, salvateur. Mais de nombreux autres obstacles se présenteront, avant qu’elles ne puissent commencer une nouvelle vie. Entourage, police, justice…  Le film le montre parfaitement, la société est encore loin de faire preuve d'empathie envers ces femmes qui sont pourtant des victimes. Trop souvent, elles sont montrées du doigt.

"Tous les jours, je reçois des appels de femmes qui me disent combien elles ont été humiliées, maltraitées, raillées quand elles sont allées porter plainte dans un commissariat" déplore l'avocate Me Constance Damamme. "Un grand nombre aussi raconte que rien ne s’est passé derrière, aucune suite n’a été donnée à leur plainte."

Un parcours du combattant

Chez SOS Femmes 13,  on observe que l’entourage peut aussi être un poids : "la cellule familiale met énormément de pression à ces femmes" note Maeva Raynaud. "Du coup, elles se cachent, elles minimisent certaines choses pour pouvoir elles-mêmes se protéger. Parce que finalement, elles doivent gérer l’ancien conjoint, leurs enfants, l’entourage et aussi la société..."

Après les violences conjugales, ces victimes doivent affronter une forme de violence "institutionnelle", qui transforme leurs démarches d’émancipation en parcours du combattant.

Mère de 4 enfants, G. se souvient : "on a rencontré un nombre incalculable de policiers, d’assistantes sociales, de professeurs, de médecins… C’est un poids, en vérité, tout cela. On n’a pas envie de s’ouvrir systématiquement devant tout le monde et de dire : regardez le désastre ! Non, on est à peu près comme tout le monde et on aurait plutôt envie de pouvoir se protéger et se reconstruire. Mais on ne peut pas se reconstruire puisqu’on nous replonge systématiquement, encore et encore, là-dedans... Et ça, c’est une très grande partie de la violence qui est faite aux femmes et aux enfants".

S’autoriser un avenir

Aujourd’hui, Walida, G.  et Betty entament leur reconstruction, elles recommencent à penser, à s’autoriser un avenir. Elles savent maintenant que les violences conjugales ne sont pas inéluctables, qu’être victime n’est pas un destin.

Walida a repris confiance en elle et suit une formation de traductrice. Cette liberté retrouvée, elle la veut aussi pour ses filles : "je voudrais qu’elles soient fortes, qu’elles ne soient jamais victimes. Elles feront des études, elles auront un travail, elles n’auront besoin de personne. La liberté n’a pas de prix."

G. a trouvé dans les travaux physiques et l’écriture une forme de thérapie. A l'avenir, elle se voit bien "écrire… De la fiction, d’autres histoires, pas seulement ces histoires-là. Parce qu’il n’y a pas que du laid dans ma vie, il y a de belles choses aussi".

Quand à Betty, elle se sent "bien dans sa tête et dans ses baskets" et tient à garder sa liberté et son indépendance. Regardant droit l’objectif de la caméra, elle s’adresse à son ex-mari : "tu vois, je n’ai plus peur de rien, je suis libérée, alors que toi, dans ta tête, je suis sûre que tu ne l’es pas".

Betty et la réalisatrice Marion Lary étaient invitées de l’émission "Ensemble c’est mieux" le 10 mars. Regardez leur témoignage.

Extrait ©France Télévisions

 

"Quand elles passent à l’action"

Un film de 52’ écrit et réalisé par Marion Lary.
Une coproduction France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur / Les Films de l'Aqueduc.

Diffusion lundi 29 mars à 23h sur France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur. Rediffusion mardi 30 mars à 9h15.

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