Le budget 2025, adopté par 49.3, le gouvernement prévoyait une mesure visant à baisser le seuil de franchise de base TVA à 25 000 euros. Le ministre de l'Économie a annoncé finalement sa suspension ces dernières heures et lance une concertation pour "ajuster". L'inquiétude des auto-entrepreneurs persiste.
Parmi les nouvelles mesures qui sont inscrites dans ce nouveau budget, le seuil de la TVA qui devait passer à 25 000 euros. Auparavant, ce montant s’élevait à 37 500 euros pour les prestations de services et 85 000 pour l’achat et la vente de marchandises. Cela concerne tous les travailleurs indépendants sous le régime en base de TVA, soit 350 000 personnes, dont 250 000 auto-entrepreneurs.
Finalement, devant l'ampleur de la contestation, le ministre de l'Economie a annoncé ce jeudi 6 janvier dans la soirée le lancement d'une "concertation" visant potentiellement à "ajuster" la baisse du seuil, mais pas un retrait définitif. Voici pourquoi les entrepreneurs continuent à l'espérer.
"Une nouvelle réforme qui nous plombe un peu plus"
Laura est coiffeuse à domicile. Quand la nouvelle tombe, c’est l’aberration pour elle. "Je suis choquée qu’on puisse s’attaquer aux tout petits qui subissent déjà tout le quotidien des Français", s’indigne-t-elle. Depuis neuf ans, elle est en micro-entreprise. "J’ai comme objectif de m’en sortir financièrement, d’avoir un meilleur confort de vie, une sécurité pour l’avenir, une vraie prévoyance retraite, une mutuelle convenable… Et malgré ça, on survit sous un statut bancal, avec un accompagnement quasi inexistant de l’État. Et là, ils nous pondent encore une nouvelle réforme qui nous plombe un peu plus ?" souffle-t-elle.
Elle détaille que l’année passée, elle a fait un chiffre d’affaires de 25 276 euros, soit 276 euros de trop. Sur ce montant, elle a 5 000 à 6 000 € de frais en produits et charges, elle paye 23 % d’URSSAF. "Ce qui me laisse environ 14 000 € net, soit environ 1 100 € par mois. Et maintenant, ils veulent encore nous ponctionner 20 % de plus, ce qui me ferait descendre sous les 900 € par mois !", illustre-t-elle, la voix remplie d’incompréhension et d’incertitude.
Du côté des fripières de la Plaine et du cour Julien, les inquiétudes sont très grandes. "C’est dramatique. 25 000 euros, on a l’impression que c’est surréaliste. C’est du délire… On est très flippées. On ne dort pas, on a mal au ventre, on ne sait pas ce qui va advenir. On est très déprimées." Pour l’une d’elles, le rêve s’écroule au bout de sept ans. "Je vais crever, mettre la clé sous la porte. J’ai fait ça pour m’en sortir. Je suis dégoûtée, les bras m’en tombent. Je ne réalise pas."
"Mettre à mort l’entrepreneuriat populaire"
Pour Laura, la pilule est difficile à avaler et surtout, elle s’interroge sur l’avenir. Si elle facture ses prestations 20 % de plus, elle risque de perdre des clients, pour rester sur un salaire de 1 100 euros, alors que son but était d’évoluer. "C’est tout simplement invivable. Comment peut-on encourager l’entrepreneuriat en nous étranglant toujours plus ?, lâche-t-elle, las. Plutôt que de nous accompagner, l’État nous met la tête sous l’eau avec des réformes absurdes qui nous empêchent d’avancer."
On bosse, on fait tourner l’économie, on ne coûte rien en chômage, et pourtant, on est traités comme des vaches à lait.
Laura, coiffeuse à domicile
Nicolas Cordier, directeur général de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs et micro-entrepreneurs, est du même avis que Laura et il ne mâche pas ses mots : "On voudrait mettre à mort l’entrepreneuriat populaire, qu’on ne s’en prendrait pas autrement." Pour lui, deux risques sont clairement identifiés face à cette décision. D’abord, les sous déclarations, avec des entreprises qui restent à un chiffre d’affaires de 25 000 euros. Ce qui a comme impacte pour les entrepreneurs eux-mêmes, avec moins de cotisations sociales (retraite), mais aussi pour l’État. "Ils percevront moins de cotisations et d’impôts sur le revenu. Il y aura donc des recettes en moins", souligne Nicolas Cordier.
"Cette mesure, c’est nous tuer"
Le second risque est la non-déclaration de la totalité de l’activité et donc du travail dissimulé. Laura l’avoue, dans son cercle proche, certains indépendants prévoient déjà de déclarer les 25 000 et de faire le reste au black. Laura craint une concurrence déloyale : "Si j’augmente mes tarifs, mais que ceux qui ne déclarent pas tout leur chiffre d’affaires gardent un tarif plus bas… Mes clients ne vont pas me suivre." Charline est photographe indépendante et partage cette crainte, en plus de créer des incertitudes concernant son avenir. "Cela va nous rajouter des contraintes administratives, alors qu’on se tourne vers ce statut simplifié pour débuter notre activité, se développer et grandir, confie-t-elle. Et si j’augmente mes tarifs, est-ce que mes clients vont fuir ou non ?"
Face à tout cela Laura s’interroge clairement sur un retour au salariat, voire une reconversion. "J’ai envie de tout quitter car je suis dégoûtée. Cette mesure, c’est nous tuer", argue-t-elle. Nicolas Cordier rejoint ces propos.
C’est une erreur manifeste de la part du gouvernement, et cela va avoir un impact direct sur l’emploi et l’économie local. Les auto-entrepreneurs sont des acteurs clés dans les territoires.
Nicolas Cordier, directeur général FNAE
Il ajoute que 80 % des créations d’entreprises se font en auto-entrepreneur. La Fédération nationale des auto-entrepreneurs et micro-entrepreneur a lancé une pétition qui a déjà recueilli plus de 100 000 signatures.